Olivier Clément : "Une journée qui doit marquer un nouveau départ"

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Entretien avec « Avvenire » sur la visite du patriarche oecuménique

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CITE DU VATICAN, Mercredi 30 juin 2004 (ZENIT.org) – Le théologien orthodoxe russe, Olivier Clément, français, commente dans les colonnes du quotidien italien d’inspiration catholique « Avvenire » la rencontre entre Jean-Paul II et Bartholomaios Ier .

Il y voit un « signe de bonne volonté », et de la possibilité de réamorcer le dialogue théologique, dont le vrai nœud, souligne-t-il est la conception de l’Eglise, « l’ecclésiologie ».

Il souligne que du point de vue liturgique désormais les différences sont acceptées comme source d’un enrichissement mutuel. Il fait observer la nécessité de répondre à l’attente des fidèles qui ressentent de plus en plus le désir d’unité.

Il lance un appel à l’unité y compris dans le monde orthodoxe et va jusqu’à inviter Moscou à une « purification de la mémoire » pour les années de l’époque stalinienne. Nous traduisons de l’Italien.

-Quel est, selon vous l’héritage le plus fort de la rencontre historique entre Paul VI et Athénagoras I ?

-Ce fut une ouverture considérable de l’Europe occidentale chrétienne à la réalité orthodoxe. Et même si ces dernières années des développements au plan institutionnel se sont interrompus – je pense surtout à la commission mixte – la réalité psychologique de fond, jaillie de cette rencontre subsiste. Personnellement je le constate aussi en France. Je pense par exemple à ce qui s’est passé dimanche dernier à Amiens. La vile conserve une relique de saint Jean-Baptiste qui a été enlevée par les croisés à Constantinople en 1204. En souvenir de cela, l’évêque d’Amiens a organisé une cérémonie pour demander pardon aux orthodoxes (cf. catholique-amiens.cef.fr, ndlr). Surtout aux grecs. Tout cela est possible aujourd’hui grâce à la rencontre d’il y a quarante ans.

-Sur la prise de Constantinople, Jean-Paul II a de nouveau exprimé l’ »indignation » et la « douleur » de l’Eglise catholique (cf. ZF040629, ndlr). Qu’éprouvez-vous en entendant ces paroles ?

-Ce que le pape avait déjà dit sur ce point à Athènes est magnifique et très important. Je crois que cela a simplifié beaucoup de choses et ouvert beaucoup de cœurs. Les relations entre l’Eglise catholique et l’Eglise orthodoxe, surtout l’Eglise russe, ne sont pas très bonnes actuellement. Mais après la visite de Jean-Paul II à Athènes, on observe d’importantes améliorations.

-Les blessures plus récentes sont en train de cicatriser ?

-Certaines, sûrement. Mais les Russes devraient comprendre que ce qui est arrivé lorsque Staline a liquidé l’Eglise gréco-catholique en Ukraine a été un crime. Et a trouvé l’Eglise orthodoxe russe de l’époque plus ou moins complice. Ces événements devraient devenir aujourd’hui l’occasion d’une initiative dans le sens d’une demande de pardon. Mais cette fois de la part du monde orthodoxe.

-Le pape a exprimé le vœu que le dialogue théologique soit réactivé grâce à la commission mixte. Quelle est votre évaluation de la phase actuelle ?

-Du point de vue théologique un travail énorme a été fait. Aujourd’hui il peut reprendre et se développer très rapidement. Mais il faut trouver un nouveau point de départ. Je crois que le problème du « filioque » pourra être surmonté. Les problèmes les plus compliqués restent les problèmes ecclésiologiques. La question de la création de diocèses catholiques en Russie fait partie des problèmes qui pourront être résolus. Mais cela a suscité l’irritation des Russes qui ont un sentiment pour ainsi dire nationaliste de leur Eglise. Du point de vue liturgique, au contraire, l’accord est total. Il y a des différences qui sont acceptées comme un enrichissement mutuel.

-La réconciliation passera aussi par une importante relecture du passé ?

-Oui, certainement. Mais j’ajouterais aussi la nécessité de la résolution des problèmes intra-orthodoxes. Je me réfère en particulier à l’opposition entre Moscou et Constantinople sur des questions ouvertes comme la question ukrainienne (avec différentes « branches » de l’orthodoxie, ndlr), et celle de l’Estonie. Tant que ces problèmes ne seront pas résolus les relations entre catholicisme et orthodoxie s’en ressentiront.

-Quels sont selon vous les sentiments émergeants entre les chrétiens d’Orient et d’Occident ?

-Je crois qu’il existe chez de nombreux fidèles, soit ouvertement, en Europe occidentale, et en Amérique, soit de façon plus cachée en Russie, un grand désir d’unité. C’est un sentiment qui me frappe. Je l’ai clairement perçu à Amiens où une grande foule a participé à la cérémonie et a bien accueilli la conférence d’un jeune théologien orthodoxe. C’est à ces occasions que devient évident le désir de fond des fidèles de dépasser les oppositions. Tout cela doit poser question aux hiérarchies. Surtout à la hiérarchie russe.

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ZENIT Staff

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