Les Innocentes, film de Anne Fontaine

Les Innocentes, film de Anne Fontaine

Le film "Les innocentes": un « chef-d’œuvre », estime Lucetta Scaraffia

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Entre maternité et vocation religieuse, la victoire de la miséricorde

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La violence sexuelle, le conflit entre maternité et vocation religieuse, la nécessité de miséricorde pour tous, tels sont les thèmes du dernier film Les innocentes (en Italie Agnus Dei) de la réalisatrice franco-luxembourgeoise Anne Fontaine, qualifié de « chef-d’œuvre » par Lucetta Scaraffia, directrice de « Donna Chiesa Mondo », mensuel en italien de L’Osservatore Romano, dans le numéro du 1er février 2017.
Le film raconte une histoire dramatique survenue pendant la Deuxième Guerre mondiale: les violences répétées de l’Armée rouge dans un couvent de religieuses polonaises et la naissance de leurs enfants.
« La réalisatrice propose une grande réconciliation entre le concept de virginité choisi par foi et la maternité imposée par la violence, écrit  Lucetta Scaraffia. Une réconciliation qui devrait faire repenser aux règles ecclésiastiques selon lesquelles une femme, dans ces cas, perd son statut de religieuse et retourne à l’état laïc. »
Les sœurs polonaises, violées plusieurs fois par les soldats russes « sont effondrées …par l’horreur et la peur », raconte la journaliste : « Certaines vont jusqu’au déni de ce qui arrive dans leur corps. » Puis le spectateur assiste à « un renversement de situation » : sœur Maria désobéit à la supérieure et « s’enfuit du monastère pour chercher une femme médecin qui sauve la vie de sa consœur en train d’accoucher ». Cette femme médecin, de la Croix Rouge française, « nuit après nuit, transgresse les ordres de son supérieur pour assister les sœurs qui accouchent ». L’abbesse, personnage « complexe et contradictoire », prend « sur elle la responsabilité de toutes les religieuses dans une rigide application du règlement, même si elle sait que cela peut signifier la mort des nouveau-nés ».
La naissance des enfants « change vraiment tout dans la vie des religieuses », mais aussi dans la vie de la jeune Française et de l’abbesse. « Le mystère de la maternité, de la capacité du corps féminin à créer la vie », écrit Lucetta Scaraffia, « bouleverse » les sœurs, « tout comme l’attirance immédiate qu’elles sentent pour leurs petits, sentiment qui rend impossible pour l’abbesse de continuer sa terrible pratique d’abandon des nouveau-nés ».
Lucetta Scaraffia réfléchit à ce conflit entre maternité et vocation religieuse : « Si la maternité est toujours un moment de grâce, pourquoi exclure les religieuses qui, au fond, vivent l’expérience de Marie, vierge et mère? » Les « liens » qui s’instaurent tout de suite entre les mères et les enfants nés, explique-t-elle, « effacent d’un seul coup la peur du déshonneur, de la honte, les amènent à regarder de nouveau la vie avec espérance malgré les horreurs subies ».
Une « lutte dramatique » avec l’abbesse est finalement « résolue grâce à une idée des deux « désobéissantes », sœur Maria et le médecin: accueillir au couvent les enfants orphelins du pays, et les élever avec leurs enfants, évitant ainsi de se faire mal juger par les gens ». « Elles peuvent tenir leurs enfants et en même temps continuer — comme elles le souhaitent — leur vie religieuse », résume Scaraffia.
« Il devient clair, poursuit-elle, que les règles, mais au fond l’idée même de Dieu, peuvent devenir une idole, et que la foi ne peut être vécue qu’en ouvrant son cœur à la miséricorde pour tous, ses propres enfants et ceux des autres, qui sont dans le besoin. C’est dans la miséricorde seulement que renaît la vraie vie, les vraies relations avec Dieu, une miséricorde réveillée par le rapport à la vie. »
Lucetta Scaraffia souligne un autre aspect « encore plus important et profond » qui ressort dans ce film: « la naissance comme « incarnation » continue ». « La naissance de ces enfants de femmes vierges, écrit-elle,  nous rappelle comment Dieu s’est fait chair dans une situation potentiellement scandaleuse, comment Il a vécu au milieu de nous et a supporté idioties, faiblesses, violences et horreur. Et donc que ce n’est que dans la chair, dans la miséricorde pour notre chair et celle des autres, que nous pouvons le rencontrer. »
Avec une traduction d’Océane Le Gall

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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