L'homme en blanc aux côtés des réfugiés

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Un pape à  Lampédouse

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C’était la première visite d’un pape sur l’île italienne de Lampédouse, ce 8 juillet 2013. Une visite sans tambours ni trompettes, en trois moments : une prière pour les naufragés, une rencontre fraternelle avec des réfugiés et une messe avec la population.

Pour sa première visite officielle hors de Rome, le pape François s’est rendu ce matin sur une petite île de la méditerranée, située à 200 km au sud de la Sicile et à 180 km à l’est de la Tunisie.

D’une superficie de 25 km², Lampédouse abrite quelque 6.000 habitants. Elle est une destination fréquente d’immigrés partis des rivages d’Afrique, souvent victimes de conditions de voyage précaires.

Le pape a atterri sur l’île aux alentours de 9h. Il a été accueilli à l’aéroport par Mgr Francesco Montenegro, archevêque d’Agrigente et par Mme Giuseppina Nicolini, maire de l’île.

Recueillement pour les naufragés

Arrivé à Cala Pisana en voiture, le pape a embarqué dans un bateau – le CT 182 – des garde-côtes pour rejoindre le port de Lampédouse, sur une mer calme et bleue. Autour de son bateau, quelque 120 embarcations de toutes les tailles l’accompagnaient, conduits par les pécheurs locaux, comme une flotte de la solidarité au lieu même d’un « cimétière marin », selon l’expression locale. Sur les berges rocailleuses de l’île, des personnes saluaient de loin le passage du bateau.

Le convoi s’est arrêté un moment au large, près de la crique « Malouk » où le pape François a lancé en mer une couronne de fleurs jaunes et blanches, en mémoire des réfugiés mort durant leur traversée. Puis il s’est recueilli en prière quelques instants.

Son embarcation est entrée dans le port de Punta Favarolo aux environs de 9h30, sous les applaudissements et les hymnes africains. Sur les voiles de bateau, sur les terrasses et les balcons, les lampédousiens avaient affiché des banderoles où était inscrit : « Bienvenu, pape François. Tu es l’un des nôtres », « Bienvenu parmi les plus petits », ou encore « Salutations et Remerciements ».

Sur le quai, l’attendait une cinquantaine d’immigrés clandestins africains rescapés, du centre de rétention. Le pape les a salués un par un, en échangeant quelques paroles et de larges sourires. Puis l’un d’entre eux, visiblement ému, a prononcé quelques paroles, au nom des autres, avec une traduction consécutive, remerciant le pape, dénonçant les « trafics » dont sont victimes les migrants et appelant la communauté internationale à les soutenir: « Nous avons fui notre pays pour des motifs économiques ou politiques. Nous avons été séquestrés par des trafiquants, flagellés. Et même en Lybie, nous avons tant souffert. Nous voulions que les pays où nous sommes arrivés nous aident ». Il a demandé l’aide des pays d’Europe spécialement.

« Je vous remercie de votre accueil, a dit le pape. Nous prierons les uns pour les autres, et pour ceux qui ne sont plus là. »

Une rencontre en toute simplicité : pas de mise en scène, pas de podium, pas de parasol malgré le soleil, peu de place pour les caméras et photographes. Seulement un homme en blanc entouré de réfugiés, serrant les mains, regardant droit dans les yeux, à chacun un sourire, et eux lui confiant leurs difficultés et espérances.

C’est en effet en toute discrétion que le pape a voulu cette visite, et il l’a reconfirmé à un journaliste entreprenant qui tentait d’obtenir quelques paroles : « je suis ici pour prier », a-t-il répondu en joignant les mains.

Le pape François a rejoint en voiture découverte – bénissant et embrassant au passage des nourrissons et des enfants – le terrain de sport « Arena », dans la localité de Salina, où il a célébré la messe, dénonçant au cours de son homélie la « mondialisation de l’indifférence » et « l’anesthésie du coeur », qui empêchent de « pleurer » pour celui qui souffre.

Il a également appelé l’île, où les habitants ont fait preuve de générosité en accueillant des milliers de réfugiés, à être « un phare pour le monde entier », afin « que l’on ait le courage d’accueillir celui qui cherche une vie meilleure »: 7 800 persones sont passées par Lampédouse depuis le début de l’année, 40 auraient péri. En 2011, 50 000 personnes sont arrivées, un des côtés les plus sombres du « printemps arabe ». Ils viennent pour beaucoup des zones les plus tourmentées par les violences: Lybie, Tiunisie, Somalie, Ethiopie, Irak, Syrie, et même Afghanistan…

Le bois du calice

La couleur liturgique était le violet, en signe de pénitence : « Seigneur, dans cette liturgie qui est une liturgie de pénitence, demandons pardon pour l’indifférence envers tant de frères et soeurs, nous te demandons pardon, Père, pour qui s’en est accommodé et qui s’est fermé dans son propre bien-être, qui conduit à l’anesthésie du coeur; nous te demandons pardon pour ceux qui, par leurs décisions, au nouveau mondial, ont créé des situations qui conduisent à ces drames », a prié le pape.

Le calice et le bâton pastoral de la célébration avaient été taillés dans le bois d’embarcations ayant échoué sur la côte. L’autel quant à lui, était construit en forme de barque, et peint aux couleurs de la mer et de l’Italie.

Au terme de la messe, le pape a confié les immigrés et l’île à « Marie, Etoile de la mer » avant de donner sa bénédiction. Dans la foule – quelque 10.000 personnes aux casquettes blanches et jaunes – des groupes scandaient « Jésus ! Jésus ! », comme c’est désormais la coutume – à sa demande! – lors des sorties du pape François.

Le pape s’est ensuite rendu en visite privée à la paroisse de Saint-Gerland, avant de rentrer à Rome.

Il aurait voulu voyager sur un avion de ligne normal, mais devant la difficulté, il a accepté un « Falcon » de l’aéronautique italienne.

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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