« Garantir la durabilité sociale, environnementale, économique et la légalité », c’est le voeu du Dicastère romain pour le service du développement humain intégral, dans un message publié ce 21 novembre 2019, intitulé: « Responsabilité sociale dans le secteur de la pêche: vers une approche intégrale ». Il déplore un défaut de « responsabilité effective » dans ce secteur, notamment en garantissant des contrats légaux et un salaire digne. Un message très concret et très précis sous la signature du cardinal préfet, un Ghanéen, Peter K.A. Turkson.
Le document rappelle que cette Journée mondiale est célébrée chaque année le 21 novembre « pour souligner l’importance d’un secteur essentiel pour la survie et les besoins alimentaires de millions de personnes dans le monde et la nécessité d’agir d’une manière responsable pour garantir la durabilité sociale, environnementale et économique, ainsi que la légalité de cette industrie désormais mondialisée ».
Il prône une « approche intégrale » selon l’enseignement du pape François dans son encyclique sociale Laudato si’ « qui insiste sur une écologie intégrale ».
Le bonheur du pêcheur et les contrat de travail
Il recommande de « concevoir la responsabilité sociale de façon intégrale », en mettant « la priorité sur la sécurité au travail, avec une formation et des équipements appropriés à la profession exercée; l’accès aux soins médicaux et à l’assistance juridique et pastorale; la légalité du contrat et un salaire digne et régulier dans le cadre d’un emploi salarié » et en « favorisant des liens avec sa communauté; le tout en ayant pour objectif le bonheur du pêcheur et sa famille ».
Plus encore, le dicastère romain recommande d’écouter « les voix des pêcheurs et de leurs familles, en soutenant leur volonté et leur capacité de s’organiser et de s’auto-déterminer ».
Pour ce qui est de la « responsabilité sociale des entreprises » – que ce soient de grands groupes internationaux au de petites entreprises familiales -, mais aussi « des organismes de crédit et des investisseurs », « en mer ou sur terre », « dans des filières d’approvisionnement et de transformation du poisson pêché », il préconise de faire en sorte « qu’il soit obligatoire d’y remédier toutes les fois où, dans le secteur de la pêche, les droits de l’homme sont bafoués ou ignorés ».
La responsabilité du consommateur et la publicité
Il suggère également de « créer une synergie entre les diverses autorités gouvernementales et maritime afin qu’elles veillent de façon responsable à la protection des droits humains et garantissent l’accès aux informations et à la justice, en se dotant de mécanismes et de procédures proportionnels aux défis ».
Mais il n’oublie pas au bout de la chaîne, la nécessité de « responsabiliser les consommateurs » qui « par le poids de leurs choix peuvent conditionner les décisions et les choix de marché des entreprises et favoriser un milieu de travail plus humain, et plus digne, sans négliger la pression fréquente et problématique exercée par la publicité ».
Education, environnement, santé humaine
Et, en amont, il indique l’importance de « l’éducation » comme une « priorité », « spécialement dans la formation d’administrateurs et de fonctionnaires, de membres des forces de l’ordre, de pêcheurs, d’investisseurs et d’entrepreneurs, et dans les moyens de communication employés par ces communautés » de façon à promouvoir « le respect des droits de l’homme », les « droits concernant le travail des hommes et des femmes », et le « respect de l’environnement ».
En somme, pour aborder la question de la responsabilité sociale dans le domaine de la pêche, et des « rapports entre océans et humanité », le document recommande une « vigilance particulière pour les situations les plus critiques de vulnérabilité, de criminalité et de pauvreté, et faciliter et encourager les situations les plus louables qui, par exemple, impliquent et intègrent les communautés marginalisées, les personnes porteuses de handicap, ou bien qui utilisent des techniques de pêche particulièrement respectueuses de l’environnement et de la santé humaine ».
La vie humaine en danger
Le dicastère rappelle que déjà, dans Caritas in veritate, le pape Benoît XVI, du 29 juin 2009, rappelait la responsabilité sociale de l’entreprise: « Même si les positions éthiques qui guident aujourd’hui le débat sur la responsabilité sociale de l’entreprise ne sont pas toutes acceptables selon la perspective de la doctrine sociale de l’Église, c’est un fait que se répand toujours plus la conviction selon laquelle la gestion de l’entreprise ne peut pas tenir compte des intérêts de ses seuls propriétaires, mais aussi de ceux de toutes les autres catégories de sujets qui contribuent à la vie de l’entreprise: les travailleurs, les clients, les fournisseurs des divers éléments de la production, les communautés humaines qui en dépendent (…) il y a de nombreux managers qui, grâce à des analyses clairvoyantes, se rendent compte toujours davantage des liens profonds de leur entreprise avec le territoire ou avec les territoires où elle opère. (…) Des Centres d’études et des parcours de formation de business ethics sont créés. (…) Le système des certifications éthiques se répand à la suite du mouvement d’idées né autour de la responsabilité sociale de l’entreprise » (nn. 44-45).
Mais le dicastère déplore un manque de « responsabilité » justement: « Par nature, l’activité humaine en mer est particulièrement difficile à gérer et à contrôler: l’immensité des océans a facilité la « négligence (…) et la liberté par rapport au contrôle des autorités » comme le faisait observer le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin dans un message adressé, au nom du pape François au congrès « Our Ocean » de Malte en octobre 2017. Et pour cette raison « la Zone qualifiée de « patrimoine commun de l’humanité » par la Convention sur le droit de la mer (art. 136), est en réalité une zone où al vie humaine et continuellement en danger ».
Garantie la protection sociale des pêcheurs
Le document insiste sur la vulnérabilité des travailleurs en mer: « De fait, continue le message, la pêche est considérée comme un des métiers les plus dangereux au monde, et, chaque année, plus de 32 000 pêcheurs meurent, avec des répercussions tragiques pur leurs familles et leurs communautés. Les possibilités de recevoir des informations sur leurs droits et surtout une assistance en cas de besoin sont pratiquement nulles pour ceux qui se trouvent au beau milieu de la mer pendant de longs mois, voire pendant des années. En outre, nous savons de plus en plus que les cas de mauvais traitements se multiplient, comme les conditions de travail précaires, les faux contrats et même des cas d’esclavage. Pour ne pas parler de la traite des personnes qui « s’est accrue grâce à la collaboration de nombreux acteurs variés. Ce qui a complexifié le phénomène ». C’est ce que déplorent les Orientations pastorales du dicastère sur la traite des personnes (n. 29).
Il fait observer que « c’est un phénomène très lucratif qui se nourrit d’escroquerie, de désespoir, d’infortuné »s migrants arrachés à leurs familles et victimes d’une violence inouïe ». C’est pourquoi il invite « les gouvernants, les organisation internationales et toutes les autorités préposées à prendre leur responsabilités pour garantir l’application des conventions et des lois qui assurent la protection sociale des pêcheurs et leurs droits ».
La préservation des océans et amour de Dieu
Pour ce qui est de la préservation des océans, le document dénonce des comportements « ‘négligents, pilleurs et pollueurs », notamment du fait de la « pêche illégale, non déclarée et non règlementée, ce qui fait dire au pape François dans Laudato si’ que « notre maison commune » est endommagée constamment et que l’on consomme des ressources sans considérer « la capacité de régénération de chaque écosystème » (nn. 1 et 13).
« Il est temps, déclare le document, de réveiller notre sens des responsabilités, d’unir nos forces, et d’agir pour chercher à éliminer ces phénomènes destructeurs » à la fois de la société et de la création.
Il espère une réaction grâce à une prise de conscience de l’amour de Dieu dont par le pape François: « Se laisser aimer de Dieu et l’aimer avec l’amour que lui-même communique provoque dans la vie de la personne et dans ses actions une réaction première et fondamentale: désirer, chercher et avoir à coeur le bien des autres »(Evangelii gaudium, 178).
Pêcheurs à La Rochelle, France © wikimedia commons / Jean-Pierre Bazard / Jpbazard
Journée mondiale de la Pêche: garantir "la légalité du contrat et un salaire digne"
Message 2019 du Dicastère pour le service du développement humain intégral