Journée contre la traite des personnes : le courage d'affronter les ténèbres

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Témoignage de Soeur Imelda Poole

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La première Journée internationale de prière et de réflexion contre la traite des personnes, qui aura lieu le 8 février 2015, est l’occasion de se confronter à « la réalité » des faits, de « faire face à l’obscurité » du phénomène. Sinon, les trafiquants continueront, estime la religieuse anglaise Soeur Imelda Poole, très engagée auprès des victimes d’Europe de l’Est.

La Journée, intitulée « Allume une lumière contre la traite », a été présentée ce mardi matin, 3 février, au Vatican. Elle est promue par les Unions internationales des supérieurs et supérieures généraux (USG et UISG), sous le patronage de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement et du Conseil pontifical Justice et Paix.

Le cardinal João Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée, le cardinal Antonio Maria Vegliò, président du dicastère pour les migrants, le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson, président de Justice et Paix, Sœur Carmen Sammut, MSOLA, présidente de l’UISG et Sœur Gabriella Bottani, SMC, coordinatrice de Talitha Kum, ont participé à la présentation.

Sœur Imelda Poole, de la congrégation des soeurs de Lorette, fondatrice de « Mary Ward Loreto » au sein du réseau européen « Renate » contre la traite des personnes – abrité par le réseau Talitha Kum – a également donné son témoignage sur la situation de l’Est européen, une des régions les plus touchées par le trafic d’êtres humains.

Des millions de victimes

Elle a évoqué sa première rencontre avec une victime de trafic, il y a 10 ans en Albanie : « Je travaillais à l’époque pour Caritas Albanie. En visitant une clinique dans un lieu isolé dans les montagnes, une sœur m’a invitée à rencontrer une jeune femme, dont le corps était couvert de plaies. Victime d’abus dans la rue, elle faisait une sérieuse réaction à ce traumatisme… Et plutôt que de chercher un foyer, elle s’était cachée dans les montagnes et les sœurs ne savaient pas quoi faire. Cela a été le point de départ, nous avons réalisé qu’il y avait besoin d’un réseau. »

Aujourd’hui, Soeur Imelda assure des formations de sensibilisation en Europe de l’Est, notamment en Roumanie, où de nombreuses personnes sont victimes de travail forcé : « on a peine à croire qu’il y ait autant d’emplois illégaux dans le monde… cela concerne les vies de millions de personnes plus vulnérables, de jeunes… on sait que 10.000 enfants manquent en Inde ! »

D’après les récentes statistiques, ce phénomène fait « 35 millions de victimes » et « des millions de dollars d’économie » pour les trafiquants, a-t-elle rapporté.

Elle a noté aussi qu’en 2014, le trafic de personnes albanaises au Royaume-Uni a augmenté de 60% : « C’est très très choquant… ». Pour ces personnes, « Renate » a ouvert une aide en ligne : « La semaine dernière, nous avons été contactés par un foyer qui venait de sortir une jeune albanaise de la rue. Elle était dans un état de stress post-traumatique tel qu’elle était incapable de parler. A l’aide d’un psychologue de nos services, au bout de trois heures, elle a graduellement retrouvé ses sens. »

Faire face à l’obscurité

Soeur Imelda a encouragé à se confronter à « la réalité » des faits, aussi dure soit-elle : « Ce 8 février, il faut allumer une bougie pour chasser l’obscurité, mais il faut aussi faire face à l’obscurité » car l’ampleur de ce « crime » n’a « pas encore forcément été réalisée ».

Si l’humanité ne fait pas « face à l’obscurité », alors les trafiquants « qui sont beaucoup plus intelligents », « augmentent leur trafic, leurs bénéfices ».

Il s’agit concrètement de « regarder ce que l’on peut faire », par exemple de « travailler en lien avec la police, avec la justice… de regarder comment étendre les réseaux, inclure les journalistes, les politiques, les femmes, le soutien international… ». Et comme Église, d’« ouvrir les portes toujours plus largement ».

Soeur Imelda a préconisé de regarder aussi au niveau des législations : « Pourquoi est-ce si facile d’entraîner une victime vers le Royaume-Uni ? La législation française n’est peut-être pas assez solide pour protéger les victimes et le Royaume-Uni ne va peut-être pas assez loin pour rendre justice. »

Enfin, la dimension de la prière, soulignée le 8 février, est importante : « Si nous croyons en Dieu et dans le fait que c’est l’action de Dieu et non la nôtre, alors nous croyons qu’il vaincra ce mal, à travers l’inspiration de ceux qui agissent. »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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