Sans-abri © Wikimedia Commons / Roman Bonnefoy

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«Gaudete et exsultate» : on ne peut être saint et ignorer l’injustice de ce monde

Les idéologies qui mutilent le cœur de l’Evangile

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« Nous ne pouvons pas envisager un idéal de sainteté qui ignore l’injustice de ce monde où certains festoient, dépensent allègrement et réduisent leur vie aux nouveautés de la consommation, alors que, dans le même temps, d’autres regardent seulement du dehors, pendant que leur vie s’écoule et finit misérablement. » Le pape François ne mâche pas ses mots, dans son exhortation apostolique «Gaudete et exsultate» (« Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse »), publiée ce 9 avril 2018. Pas d’opposition entre les questions de bioéthique et la défense du migrant, redit-t-il dans ce texte.
Au troisième chapitre de ce document sur la sainteté dans le monde actuel, le pape évoque une nouvelle fois le « grand critère » de l’Évangile selon Matthieu « sur la base duquel nous serons jugés » : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (25, 35-36).
Il exhorte alors les chrétiens à « les accepter… sans commentaire, sans élucubrations et sans des excuses qui les privent de leur force » car « la sainteté ne peut pas être comprise ni être vécue en dehors de ces exigences ».
« Pour les chrétiens, cela implique une saine et permanente insatisfaction », insiste-t-il : « Bien que soulager une seule personne justifierait déjà tous nos efforts, cela ne nous suffit pas », il faut aussi « rechercher un changement social ».
Et le pape de dénoncer « deux erreurs nuisibles », deux « idéologies qui mutilent le cœur de l’Evangile » : tout d’abord, « celle des chrétiens qui séparent ces exigences de l’Evangile de leur relation personnelle avec le Seigneur ». Ainsi, « le christianisme devient une espèce d’ONG ». Mais chez les saints, souligne-t-il, « ni la prière, ni l’amour de Dieu, ni la lecture de l’Evangile n’ont diminué la passion ou l’efficacité du don de soi au prochain, mais bien au contraire ».
Deuxième erreur, à l’inverse : « ceux qui vivent en suspectant l’engagement social des autres, le considérant comme quelque chose de superficiel, de mondain, de laïcisant, d’immanentiste, de communiste, de populiste. Ou bien, ils le relativisent comme s’il y avait d’autres choses plus importantes ou comme si les intéressait seulement une certaine éthique ou une cause qu’eux-mêmes défendent ».
Le pape François donne l’exemple de « la défense de l’innocent qui n’est pas encore né », et qui « doit être sans équivoque, ferme et passionnée ». Mais, ajoute-t-il, « est également sacrée la vie des pauvres qui sont déjà nés, de ceux qui se débattent dans la misère, l’abandon, le mépris, la traite des personnes, l’euthanasie cachée des malades et des personnes âgées privées d’attention, dans les nouvelles formes d’esclavage, et dans tout genre de marginalisation ».
A ce propos, il s’élève contre l’idée selon laquelle « face au relativisme et aux défaillances du monde actuel, la situation des migrants… serait un problème mineur ». « Certains catholiques affirment que c’est un sujet secondaire à côté des questions “sérieuses” de la bioéthique. Qu’un homme politique préoccupé par ses succès dise une telle chose, on peut arriver à la comprendre ; mais pas un chrétien, à qui ne sied que l’attitude de se mettre à la place de ce frère qui risque sa vie pour donner un avenir à ses enfants », fustige le pape.
« Il ne s’agit pas d’une invention d’un Pape ou d’un délire passager, insiste-t-il. Nous aussi, dans le contexte actuel, nous sommes appelés à parcourir le chemin de l’illumination spirituelle que nous indiquait le prophète Isaïe quand il s’interrogeait sur ce qui plaît à Dieu : « N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? Alors ta lumière éclatera comme l’aurore » (58, 7-8). »

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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