Mgr Ivan Jurkovic, © wikipedia

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Garantir les droits de l’homme dans la conduite des entreprises, par Mgr Jurkovic

Des lacunes à combler dans le droit international

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Il faut « combler les lacunes » du cadre juridique mondial qui « n’a pas suivi les évolutions de la réalité économique et financière mondiale », déclare Mgr Jurkovic. Et ce sont les pays en développement et les pays les moins avancés qui « subissent les conséquences d’une asymétrie au sein du système international ».

Mgr Ivan Jurkovič, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève, est intervenu à la réunion du Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur les sociétés transnationales et autres entreprises commerciales au sujet de la responsabilité juridique en matière de droits de l’homme – Point 5, à Genève, le 17 octobre 2018.

Pour le représentant du Saint-Siège, le droit international doit donc définir « les obligations des entreprises en matière de droits de l’homme » et mettre en place « des mécanismes permettant de réglementer la conduite des entreprises dans le domaine des droits de l’homme ».

Voici notre traduction de la déclaration de Mgr Jurkovič, prononcée en anglais.

HG

Déclaration de Mgr Ivan Jurkovič

 Monsieur le Président,

Le droit international n’a pas encore défini les obligations des entreprises en matière de droits de l’homme et mis en place des mécanismes permettant de réglementer la conduite des entreprises dans le domaine des droits de l’homme. Depuis le XIXe siècle, le droit international s’occupe presque exclusivement du comportement des États. Traditionnellement, les États étaient considérés comme les seuls « sujets » du droit international, les seules entités capables de jouir de droits et d’avoir des devoirs juridiques.

Les pays en développement et les pays les moins avancés subissent les conséquences d’une asymétrie au sein du système international, où les droits des entreprises commerciales sont protégés par des lois strictes et des mécanismes d’application solides, alors que leurs obligations ne sont soutenues que par des lois non contraignantes, telles des directives facultatives. L’une des contributions les plus transformatrices des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme est l’exigence selon laquelle la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme ne se limite pas à leurs propres opérations mais s’étend aux impacts sur les droits de l’homme liés à leurs produits et services dans l’ensemble de leur réseau de fournisseurs et autres relations d’affaires.

Grâce aux principes directeurs, il a été reconnu que les entreprises ne contrôlent pas toutes les dimensions de ces relations ; ils introduisent donc le concept de l’effet de levier. Lorsque les activités de la chaîne de valeur d’une entreprise portent atteinte aux droits de l’homme, il incombe à l’entreprise d’utiliser son influence pour tenter d’améliorer la situation de ces personnes. Si l’effet de levier est insuffisant, l’entreprise devrait essayer de l’augmenter, peut-être en collaboration avec d’autres entreprises ou avec différentes parties prenantes.

Au cours des discussions préparatoires au premier projet de cet instrument juridique, la nécessité de combler les lacunes du cadre juridique mondial est apparue. Malheureusement, le cadre juridique n’a pas suivi les évolutions de la réalité économique et financière mondiale. La dimension transnationale croissante des activités de l’entreprise a appelé ce groupe de travail à définir la responsabilité civile et pénale en intégrant les activités et les relations commerciales dans des pays autres que ceux dans lesquels l’entreprise pourrait être basée. Alors qu’en droit international général, le concept de juridiction sert à attribuer des compétences à un État, dans le droit des droits de l’homme, ce terme est utilisé pour définir, de la manière la plus appropriée possible, le bassin de personnes auquel un État devrait garantir les droits de l’homme.

La protection des droits de l’homme s’inscrit traditionnellement dans le contexte du droit public, notamment du droit constitutionnel, du droit administratif et du droit pénal. La responsabilité juridique des entreprises dans le droit national inclut généralement la responsabilité pénale, civile et administrative. Dans certaines juridictions, le droit constitutionnel joue un rôle dans la protection des droits. Cependant, la réalité montre que les personnes touchées par les abus des entreprises, en particulier dans certaines juridictions, ont également tendance à recourir au droit privé, qui souvent ne fournit pas de solution à ces problèmes. L’article 10 de l’avant-projet constitue une bonne base pour définir la responsabilité juridique et sortir du domaine du droit public, en attribuant au droit national la capacité de tenir les personnes physiques et morales « pour responsables pénalement, civilement ou administrativement des violations des droits de l’homme commises dans le contexte d’activités commerciales à caractère transnational ».

Il en ressort que la responsabilité juridique résulte à la fois d’une combinaison de droit public et de droit privé et d’éléments de fond et de procédure. Aux termes de l’article 10.8, « Responsabilité pénale », les infractions et leurs auteurs sont définis avec suffisamment de clarté, soulignant que la responsabilité pénale d’une personne morale n’exclut pas la responsabilité pénale personnelle individuelle des dirigeants ou chefs d’entreprise.

En outre, l’inversion du renversement de la charge de la preuve permet clairement de trouver un équilibre entre les différences entre les entreprises et les communautés locales touchées, dans le contexte d’énormes asymétries de pouvoir et de ressources. Un tel langage constitue une bonne base pour la négociation.

En conclusion, la délégation du Saint-Siège voudrait rappeler que nos efforts au cours de cette première session devraient être consacrés « non seulement à créer des secteurs ou des segments “éthiques” de l’économie ou du monde de la finance, mais également à garantir que l’ensemble de l’économie – l’ensemble de la finance – est éthique, non seulement en vertu d’un label externe, mais par son respect des exigences intrinsèques à sa nature même ». (1)

Merci, Monsieur le Président.

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NOTE

  1. Pape Benoît XVI, Lettre encyclique, Caritas in veritate, n ° 45.
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Hélène Ginabat

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