France/Culture: Le card. Poupard appelle la France à "un sursaut spirituel"

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Colloque à Rome

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CITE DU VATICAN, Lundi 3 décembre 2001 (ZENIT.org) – « La mémoire de l’espérance appelle la France à un sursaut spirituel pour agir dans l’Église et dans le monde de manière conforme aux dons reçus depuis des siècles », affirme le cardinal Paul Poupard, « ministre de la culture » de Jean-Paul II lors du symposium organisé le 1er décembre à l´athénée pontifical Regina Apostolorum, à Rome, sur le thème: « France : témoin d’espérance pour le nouveau millénaire ».

Le cardinal Poupard, président du conseil pontifical de la culture a donné une conférence intitulée: « La mémoire de l’espérance : La culture française au sein de l’Église ». On peut se procurer les Actes du colloque en en faisant la demande à l´adresse: France@upra.org . Sont également intervenus au cours du colloque: Marie-Nicole Boiteau, membre de la Communauté de l´Emmanuel, P. Francis Kohn, responsable de la section jeunes du Conseil Pontifical pour les Laïcs, M. André Mulliez, Fondateur du Réseau Entreprendre, Mgr André Vingt-Trois, archevêque de Tour et consulteur du Conseil Pontifical pour la Famille.

C´est après avoir mentionné une foule de témoins de la « sainteté du politique », de la « sainteté de l’intelligence » et de la « sainteté populaire », mais aussi les chefs d’œuvre des arts et des sciences, que le cardinal Poupard citait cette phrase de Lacordaire, du haut de la Chaire de Notre-Dame : « Il y a longtemps, messieurs, que Dieu a disposé des nations… Il ne suffit pas de répondre à sa vocation. Il faut persévérer ».

D´emblée, le cardinal Poupard affirmait: « Les peuples comme les personnes ont une âme et une vocation à remplir au cours de leur histoire, et nul doute que l’exceptionnel rayonnement de la France au travers des deux précédents millénaires, ne s’enracine dans sa vocation chrétienne depuis qu’en 496, « le roi des Francs, Clovis, cédant aux inspirations de la divine Providence, ainsi que le disait magnifiquement le Pape Léon XIII dans sa Lettre apostolique pour le XVème centenaire du baptême de Clovis, abjura le vain culte des faux dieux, embrassa la foi chrétienne, et fut régénéré dans l’eau sainte du baptême ». »

Le cardinal soulignait que le titre du colloque avait quelque chose de « provocateur dans l’actuel contexte d’une Église de France fortement secouée par des courants étonnements hostiles à l’intérieur de la société française ». Il ajoutait que « la présence française au sein du Saint-Siège » « va sans cesse diminuant, jusqu’à un étiage jamais atteint, que le seul principe de l’internationalisation de la Curie ne saurait expliquer ».

Après avoir mentionné la crise internationale dans laquelle le monde est entré le 11 septembre dernier, le cardinal observait aussi que « notre monde moderne se caractérise par une crise profonde de la culture », ce que le cardinal appelle « un véritable chaos culturel »:  » l’héritage des siècles de culture chrétienne semble plus lourd d’un passé que riche d’un avenir ». Le cardinal diagnostique une « amnésie », devant les « racines chrétiennes de l’Europe », et une « lente apostasie silencieuse ».

Au moment où la France célèbre le centenaire de la naissance d´André Malraux, le cardinal cite son discours de 1946 à l´Unesco: « À la fin du XIXème siècle, la voie de Nietzsche reprit la phrase antique, entendue dans l’Archipel : Dieu est mort !, et redonna à cette phrase tout son accent tragique… Le problème qui se pose pour tous aujourd’hui, c’est de savoir si, sur cette vieille terre d’Europe, oui ou non, l’homme est mort ! ».

Mais le cardinal Poupard ne s´arrête pas à ce constat pessimiste:
« Il me semble qu’à interroger l’histoire, ajoute-t-il, le recours à la mémoire peut offrir à nos regards inquiets quelque espérance pour le futur.

La France de Jean-Paul II, remarque le cardinal, « c’est celle de Louis-Marie Grignion de Montfort, c’est la France du Curé d’Ars, de Lourdes, de la rue du Bac, Montmartre et le Sacré-Cœur, la France de Thérèse de Lisieux et, plus proche de nous, du Père Henri de Lubac ». Le pape s´est en effet dit « tributaire de la sainteté française ! ». Ainsi, « l’héritage culturel de la France qui a fait d’elle un phare pour les Nations, un témoin d’espérance pour le nouveau millénaire ». « Le français exerce la magistrature de l’universel », disait Paul VI en préparant son discours aux Nations Unies.

« L’évocation des figures de saint Rémi, de sainte Clotilde et de Clovis, nous rappelle qu’en adhérant à la foi catholique, le roi des Francs a pu guider des peuples différents vers l’édification d’une seule et même nation », rappelle le cardinal Poupard.

De fait, « l’Évangile de Jésus-Christ, créateur de civilisation, invite le chrétien à s’engager dans la société civile par une mise en pratique de la foi personnelle, comme un service de l’homme et une communion fraternelle entre les personnes et les peuples, dont le fondement est l’amour ». Et de citer Monnet et Schuman.

Le Général de Gaulle confessa lors d’un discours à Rome, le 27 juin 1959, rappelle le cardinal Poupard : « Nous avons une responsabilité, celle de jouer le rôle de la France ; ce rôle, dans mon esprit comme dans le vôtre, se confond avec un rôle chrétien. Notre pays ne serait pas ce qu’il est, c’est presque banal de le dire, s’il n’était pas d’abord un pays catholique… Je voudrais vous remercier très simplement, en ajoutant comme dernier mot, l’affirmation de mon entière confiance dans les destinées de notre pays. Je pense que si Dieu avait voulu que la France mourût, ce serait fait. Il ne l’a pas voulu, elle vit, l’avenir est à elle. »

« Baptisé solennellement à Reims, la nuit de Noël 496, Clovis entend le redoutable avertissement de saint Rémi : « Ce royaume… sera victorieux et prospère tant qu’il sera fidèle à la foi Romaine, mais il sera rudement châtié toutes les fois où il sera infidèle à sa vocation. » Clovis devient le chef de file d’une longue lignée de princes chrétiens qui présidèrent aux destinées de la France et d’autres royaumes d’Europe, dont certains règnent encore en nos pays voisins ». le cardinal Poupard en tire une leçon de responsabilité: « L’avertissement de saint Rémi invite à porter un regard sur les dons reçus au baptême et sur les responsabilités qui en découlent ». Responsabilité relevée par les saints de France: Irénée de Lyon, Hilaire de Poitiers, Honorat de Lérins, Césaire d’Arles.

Des saints que le pape énumérait à Reims en 1996: « les martyrs depuis Pothin et Blandine de Lyon, aux pasteurs comme Martin ou Rémi, François de Sales ou Eugène de Mazenod, aux saintes femmes comme Jeanne d’Arc, Marguerite-Marie ou Thérèse de Lisieux, aux apôtres de la charité comme Vincent de Paul, aux saints éducateurs comme Nicolas Roland ou Jean-Baptiste de la Salle, aux fondatrices missionnaires comme Anne-Marie Javouhey ou Claudine Thévenet ».

Pour ce qui concerne l´engagement des chrétiens de France en politique, le cardinal Poupard citait Robert Schuman, « père de l’Europe ». « Adversaire résolu d’un laïcisme réducteur, cet « homme de vie intérieure que les circonstances ont poussé sur la scène du monde », selon l’expression de Pierre Pfimlin, lutta victorieusement pour que l’Église retrouve une réelle liberté d’action dans un État laïc. Pour lui, une démocratie s’honore et se conforte de l’apport conjoint de ses diverses familles spirituelles. À l’heure où la France s’efforce avec les autres pays d’Europe de se trouver une identité commune, l’exemple courageux de Robert Schuman devrait inspirer nos dirigeants et leur rappeler les racines chrétiennes de notre civilisation européenne. Lorsque j’ai eu l’honneur de recevoir, à Strasbourg, l
e prix Robert Schuman, j’ai tenu à le citer : « L’Europe ne saurait se limiter à la longue à une structure purement économique. Il faut qu’elle devienne aussi une sauvegarde pour tout ce qui fait la grandeur de notre civilisation chrétienne. Une telle mission culturelle sera le complément indispensable et l’achèvement d’une Europe qui, jusqu’ici, a été fondée sur la coopération économique. Elle lui conférera une âme, un ennoblissement spirituel et une véritable conscience commune ». »

Autre grande figure: « Edmond Michelet, résistant de la première heure, inspiré par Péguy, déporté à Dachau, puis ministre de la République. Ce n’est pas sans admiration que son ami agnostique André Malraux, l’a portraituré : « Il a été toute sa vie l’aumônier de la France. » Cette « confession » laïque n’est-elle pas la reconnaissance sous forme d’hommage, d’une culture politique qui depuis le baptême de Clovis porte la marque de la grâce ? Les événements tragiques qui marquent ce début de millénaire, montrent à l’évidence le besoin d’un nécessaire recours à cette manière de faire de la politique pour le bien des peuples ».

« Le patrimoine culturel de la France constitue encore, constatait le cardinal, une lumière pour le nouveau millénaire, tant dans le domaine des arts, de la pensée que de la foi », évoquant toute une géographie spirituelle et culturelle: Cluny, Paray-le-Monial, Tournus ou Vézelay en Bourgogne, Conques, Le Puy ou Saint-Nectaire en Auvergne, Moissac et encore Fontenay, Saint-Germain des Prés, la Primatiale Saint-Jean de Lyon, Notre-Dame-de-Jumièges, Fontevrault et Saint-Sernin de Toulouse, Saint-Bertrand-de-Comminges comme Saint-Martin-du-Canigou, « autant d’expression d’un génie chrétien qui su édifier ces sanctuaires romans pour l’adoration et l’humble louange ».

« Mais la France est aussi le pays des cathédrales, continue le cardinal Poupard : Notre-Dame de Paris, Reims, Saint-Denis, Sens, Amiens, Bourges, Chartres, Rouen, Strasbourg… tous ces témoins du temps lumineux où les merveilleuses basiliques semblent, par leurs contreforts, arracher à la terre les racines du péché des hommes, les élever vers le ciel de la grâce et les orienter vers la lumière transfigurante. Au cœur de la Ville des Lumières, la Sainte-Chapelle, « la plus glorieuse et la plus sainte des couronnes », s’élève comme une prière et offre, aujourd’hui encore, le témoignage de l’« idéal gothique », expression artistique d’une culture extraordinairement organique, lumineuse et raffinée. Ainsi que Notre-Dame de Paris, tous ces chefs d’œuvre d’une civilisation chrétienne étendent encore sur la France un manteau maternel et invitent de leur voix le bon peuple chrétien à la prière et à la vigilance. Le Cardinal Eugenio Pacelli, futur pape Pie XII, le clamait avec émotion sous les voûtes de Notre-Dame, le 6 juillet 1937 : « Au milieu de la rumeur incessante de cette immense métropole, parmi l´agitation des affaires et des plaisirs, dans l´âpre tourbillon de la lutte pour la vie, témoin apitoyé des désespoirs stériles et des joies décevantes, Notre-Dame de Paris, toujours sereine en sa calme et pacifiante gravité, semble répéter sans relâche à tous ceux qui passent : Orate, fratres, Priez, mes frères ; elle semble, dirais-je volontiers, être elle-même un Orate fratres de pierre, une invitation perpétuelle à la prière ». »

Dans le domaine de la science aussi, la culture française propose « une pléiade de savants » qui « ont honoré la culture française sans éprouver le besoin si fréquemment affiché aujourd’hui, de prendre de la distance par rapport à la religion et l’Église ».

Et de raconter cet épisode significatif: « J’aime évoquer cet épisode savoureux d’un jeune étudiant qui voyageait en train avec un homme relativement âgé et qui récitait son chapelet. Pris de pitié, il explique à cet esprit rustique que l’essor des sciences va supplanter la religion et apporter toutes les solutions désirables. Après un long discours, écouté avec attention et patience par son interlocuteur, le jeune homme, désireux de lui adresser quelques textes scientifiques pour corroborer ses dires, demande au vieil homme son adresse. Celui-ci, avec un grand sourire, lui tend sa carte de visite. L’étudiant alors se tait et lit, stupéfait : « Louis Pasteur, de l’Académie française, Paris ». Et plus près de nous, « le XXème siècle blessé par tant de crises épouvantables offre encore une galerie de témoins incomparables ».

« J’ai toujours été frappé par la confiance du Pape Jean-Paul II qui a une certaine idée de la France. C’est qu’il lui paraît impossible que deux millénaires de christianisme s’évanouissent en fumée. Aussi concluait-il, il m’en souvient, son mémorable discours aux évêques de France, le 1er juin 1980 : « Le christianisme n’appartient-il pas de façon immanente au génie de votre nation ? La France n’est-elle pas toujours la fille aînée de l’Église ? » J’aime à mettre en parallèle cette piquante réflexion de Péguy : « C’est embêtant, dit Dieu, quand il n’y aura plus ces Français. Il y a des choses que je fais, il n’y aura plus personne pour les comprendre… ». »

Enfin, le cardinal évoquait la figure de l´éminent ambassadeur de France près le Saint-Siège qui a laissé à la France unn centre culturel à Rome: Jacques Maritain. Le cardinal raconte: « Je garde le souvenir, le 9 décembre 1965, au lendemain de la clôture du Concile, de cet homme frêle et voûté, à l’œil bleu d’une douceur extrême. Paul VI qui m’avait demandé de le recevoir se considérait comme son disciple et le vénérait comme un père. Épris de beauté, assoiffé de justice, affamé de vérité, affronté dans son être au drame spirituel de notre temps vécu jusqu’à l’angoisse, Maritain, en cette «présente agonie du monde», ne cessera de combattre ce qu’il appelle «un christianisme décoratif» et d’affirmer que «la foi doit être une foi réelle, pratique, vivante. Croire en Dieu doit signifier vivre de telle manière que la vie ne pourrait être vécue si Dieu n’existait pas. Alors l’espoir terrestre en l’Évangile pourra devenir la force vivificatrice de l’histoire temporelle».

Maritain, inspirateur des droits de l´homme que le cardinal Poupard évoque en ces termes: « Inspirateur à la fois avec René Cassin de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et avec Jean Guitton du Message aux intellectuels et aux hommes de la pensée à la clôture du Concile, Jacques Maritain est de ceux qui virent en mai 68 un signal d’alarme devant un déficit d’espérance. Il ressentit profondément l’immense attente des jeunes, leur soif d’idéal et le besoin de témoins ».

Le cardinal Poupard évoquait encore le P. Marie-Joseph Lagrange, religieux dominicain, fondateur de l’Ecole Biblique de Jérusalem puis de la Revue Biblique, et le philosophe d’Aix, Maurice Blondel, trois cardinaux théologiens, Jean Daniélou, Henri de Lubac et Yves-Marie Congar, ou « l’œuvre titanesque de l’Abbé Migne », et « l’apport des grands Dictionnaires : Dictionnaire de Théologie catholique, Dictionnaire de la Bible et son Supplément, Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie, Dictionnaire de Droit Canonique, et enfin Dictionnaire de Spiritualité ».

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ZENIT Staff

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