Après la messe qu’il a présidée au stade de la Cité des sports Zayed d’Abou Dhabi le pape François s’est rendu à l’aéroport international où il a pris congé du prince héritier, le cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, et de sa délégation, dans une atmosphère chaleureuse, ce mardi 5 février 2019, dernier jour du voyage du pape aux Emirats arabes unis (3-5 février).
Dans l’avion, le pape a fait parvenir un télégramme de remerciements au Cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyan, président des EAU, spécialement pour « l’accueil chaleureux » et « l’hospitalité généreuse- » qui lui ont été réservés de la part des autorités et du peuple des Emirats.
L’hospitalité des Emirats
La Garde d’honneur était présente, comme à l’arrivée du pape dimanche soir, 3 février : les Emirats ont honoré le pape François avec toutes les attentions de cette « hospitalité généreuse ».
Et l’on n’oubliera pas de si tôt les acrobaties des pilotes des Emirats pour dessiner dans le ciel un ruban aux couleurs du Vatican, lors de la cérémonie d’accueil du 4 février au palais présidentiel.
Une fanfare joyeuse et solennelle a accompagné les derniers pas du pape sur le sol es Emirats et ses derniers échanges.
Car le pape s’est ensuite attardé à échanger, au pied de la passerelle, avec le prince héritier et le secrétaire du pape François, Mgr Yoannis Lahzi Gaïd, prêtre copte d’Egypte, a assuré la traduction, comme tout au long du voyage.
La passerelle portait – en anglais et en arabe – l’inscription « Vol pontifical » et l’escalier était orné d’un tapis rouge et or, une attention à l’hôte unique : le pape a gravi les marches seul et sans aide, comme à l’accoutumée.
L’avion d’ETIHAD Airways (Boeing 787) était marqué du blason du pape et portait le drapeau des Emirats et du Vatican, et il a décollé à 13h23 (10h23 à Rome). Il est attendu à Rome-Ciampino à 17h13 après un voyage de plus de 4 300 km.
Le séjour du pape aux Emirats arabes unis, premier voyage d’un pape dans la péninsule arabique, a été marqué par la rencontre interreligieuse de lundi, 4 février, avec des représentants de différentes confessions chrétiennes – dont le pasteur Olaf Fikse Tveit, du COE, et le président de la communauté de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo – et du judaïsme. Elle s’est achevée par la signature, par le pape et par le Grand Imam d’Al-Azar, la plus haute autorité de l’islam sunnite, d’une Déclaration sur « La Fraternité humaine » qualifiée par les observateurs d’historique, courageuse, et sans ambiguïté. Mais chaque jour est « historique », a fait observer le pape dans l’avion…
Dans un tweet le pape François a commenté l’événement en invitant à l’action : « Le document sur la Fraternité humaine que j’ai signé aujourd’hui à Abu Dhabi avec mon frère le Grand Imam d’Al-Azhar invite toutes les personnes qui portent dans le cœur la foi en Dieu et la foi dans la fraternité humaine, à s’unir et à travailler ensemble. »
Le séjour a aussi été marqué par la première messe d’un pape sur la péninsule arabique, au stade de la Cité des sports Zayed, ce mardi 5 février, en présence de dizaines de milliers de chrétiens, de nations et de rites différents et de leurs patriarches – chaldéens, coptes, gréco-catholiques, melkites, syro-catholiques, maronites, syro-malabares et syro-malankares, latins… -, et quelques milliers de musulmans. Qui avait un billet pour la messe pontificale pouvait le présenter à son patron pour avoir un jour de congé.
Dans un tweet, posté depuis l’avion, le pape a évoqué saint François d’Assise: « Saint François nous rappelle que le chrétien part armé seulement de sa foi humble et de son amour concret. Si nous vivons dans le monde à la manière de Dieu, nous deviendrons des canaux de sa présence.
Dans son message vidéo – qui prépare traditionnellement un voyage -, le pape avait souligné que « la foi en Dieu ne divise pas mais unit ».
Premiers bilans
Dans l’avion, le pape doit rencontrer la presse internationale et répondre aux questions des journalistes sur son voyage, sur ses projets, sur les défis de l’humanité et de la mission de l’Eglise. C’est souvent l’occasion d’un premier bilan de son voyage. Il en présentera un également lors de l’audience générale de mercredi matin, 6 février.
Ce mois-ci, le pape demande de prier pour l’un de ces défis du monde d’aujourd’hui: la lutte contre la traite des êtres humains, dont il a été question implicitement dans la Déclaration signée le 4 février à Abou Dhabi sur la “Fraternité humaine”, notamment à propos des droits des femmes et des enfants.
Le prochain voyage international du pape François sera au Maroc, à Casablanca et Rabat, les 30 et 31 mars 2019. Un voyage au Japon est envisagé en novembre. D’ici-là, le pape, âgé de 82 ans, pourrait insérer au moins un autre rendez-vous international.
Le patient dialogue des papes
D’aucuns font observer que le dialogue de l’Eglise catholique et du pape avec les pays d’islam a nettement progressé, avec quatre circonstances ou facteurs particuliers.
Tout d’abord, on célèbre cette année des 800 ans de la rencontre du sultan Al-Malik avec saint François d’Assise, à Damiette (Egypte) en 1219, comme le pape l’a rappelé notamment dans son homélie. Et c’est aussi ce qu’a souligné Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique pour l’Arabie du Sud (Emirats, Yémen, Oman), un Suisse, et lui même capucin, fils de saint François.
C’est aussi la première année après la béatification des 19 martyrs d’Algérie, le 8 décembre dernier, à Alger.
Troisième facteur : le terrain a été longuement préparé par l’activité intense – héroïque pendant sa maladie – du regretté cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, décédé le 5 juillet dernier aux Etats-Unis, et de Mgr Angel Miguel Ayuso Guixot, secrétaire de ce dicastère, membre de la suite du pape à Abou Dhabi.
Il faut se rappeler, enfin, la patience qu’il a fallu pour retisser le dialogue après dix ans de relations tendues avec Al-Azar, notamment du fait de la désinformation qui a suivi le discours du pape Benoît XVI à l’université de Ratisbonne le 12 septembre 2006.
Mais, si le dialogue s’est accéléré depuis la visite de l’imam Ahmed Al-Tayeb au Vatican, le 23 mai 2016, il faut aussi, pour comprendre la portée de cette visite, replacer le voyage aux Emirats dans la continuité des pontificats précédents, comme l’a souligné Andrea Tornielli.
Déjà, par exemple, le 24 février 2000, Jean Paul II avait rendu visite, en Egypte, au Caire, au grand imam d’Al-Azhar, alors le cheikh Mohammed Sayed Tantawi, et il a été le premier pape à se rendre dans une mosquée, en Syrie, à Damas, le 6 mai 2001. Un geste que le pape Benoît XVI a fait à son tour en Turquie, à la Mosquée Bleue d’Istanbul, le 30 novembre 2006, c’est-à-dire peu de temps après Ratisbonne, ce qui était un tour de force.