« De Nazareth à Bethléem: le 2017ème Noël »: c’est le titre choisi par Mgr Francesco Follo pour sa méditation pour le 4e dimanche de l’Avent et la messe de la nuit de Noël, « avec le souhait de comprendre que la crèche est le lieu où l’on rencontre la vraie joie qui dure ».
Comme lecture patristique, l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France), propose ensuite un sermon de Noël du saint pape Léon le Grand (390 – 461), docteur de l’Eglise.
AB
De Nazareth à Bethléem: le 2017ème Noël
1.Veille de Noël
En cette année 2017, le IVème dimanche de l’Avent tombe le 24 décembre. Après le témoignage de Jean-Baptiste (IIIème dimanche de l’Avent), la liturgie de la Parole de ce IVème dimanche nous propose le témoignage de Marie, Vierge Mère de Dieu, qui a conservé avec dévotion en son cœur les grandes choses que le Seigneur avait faites pour elle.
Faisons nôtre le regard plein d’espérance qui a alimenté l’attente patiente de Jean le Baptiste et la maternelle attente de Marie, pour chanter avec elle son hymne de louange pour Dieu qui relève « Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais » (Lc 1, 54-55).
À la vigile de Noël, la liturgie nous conduit à Nazareth où le premier « Je vous salue Marie » a été dit et où le Verbe s’est fait chair, et elle nous propose l’Évangile de l’Annonciation. Contemplons ce fait évangélique – qui nous est raconté par saint Luc, qui l’a probablement entendu raconter par Marie elle-même, la Mère, protagoniste de cet événement – et faisons nôtre le « oui », le « fiat » (en latin), l’ « Amen » (en hébreu) de cette jeune femme. Ainsi, nous pourrons réaliser nous aussi les paroles de l’ange Gabriel : « Sois sans crainte… tu vas concevoir… tu lui donneras le nom de Jésus ».
L’événement de l’Annonciation nous dit clairement que Marie est l’intermédiaire immédiat, y compris temporel, outre que biologique et affectif, théologique et biblique pour accueillir Jésus en ce Noël et pour toujours. En effet, à quoi « cela nous sert-il que le Christ soit né une fois de Marie à Bethléem s’il ne nait pas aussi par la foi dans notre âme » (Origène). Par conséquent, « émus par la bonté de Dieu qui, dans le Christ, manifeste son amour pour l’homme » (pape François), accueillons le Sauveur.
Une grande stupeur pleine d’émotion s’empare de nous si nous contemplons le miracle du Dieu qui assume un corps humain en faisant sa demeure dans un sein maternel et le fait que « ce sein de chair ait été en mesure de porter le feu, que la flamme ait habité dans le corps délicat sans le brûler » (saint Ephrem le Syrien) mais qu’il ait brûlé nos péchés.
2.Noël et la crèche
Maintenant, de Nazareth qui veut dire « jardin » et où est né la fleur du Christ, nous allons à Bethléem qui veut dire « maison du pain » et qui héberge celui qui se fera Pain de vie pour nous.
À Bethléem est né celui qui, sous le signe du pain rompu, allait laissé le mémorial de sa Pâque. L’adoration de l’Enfant Jésus, en cette nuit sainte, se poursuit dans l’adoration eucharistique. Adorons le Seigneur qui s’est fait chair pour sauver notre chair, qui s’est fait Pain vivant pour donner la vie à tous les êtres humains. Reconnaissons comme notre unique Dieu ce fragile Enfant, immobile dans la crèche. « Dans la plénitude des temps, tu t’es fait homme parmi les hommes pour unir la fin au principe, c’est-à-dire l’homme à Dieu » (cf. St Irénée, Adv. Haer., IV, 20,4). Dans le Fils de la Vierge, « enveloppé de langes » et déposé « dans une mangeoire » (Lc 2, 12), reconnaissons et adorons « le Pain descendu du ciel » (Jn 6, 41.51), le Rédempteur venu sur terre pour donner la vie au monde.
Aujourd’hui, il ne nous est pas seulement donné d’écouter, mais aussi de voir la Parole de Dieu, il suffit que nous allions « jusqu’à Bethléem et que nous regardions cette Parole que le Seigneur a faite et qu’il nous a montrée » (Guerric d’Igny).
Allons donc à la grotte de Bethléem et contemplons ce miracle impensable et qui, pour beaucoup, est encore incroyable : « Dieu, qui mesure le ciel à l’empan, git dans une mangeoire d’un empan ; lui, qui contient la mer dans le creux de sa main, connut sa propre naissance dans une grotte. Le ciel est plein de sa gloire et la mangeoire est pleine de sa splendeur (saint Ephrem le Syrien, Hymne pour la naissance du Christ, 1).
Si nous lisons avec attention l’Évangile de la Nativité, tel que le propose saint Luc, nous pouvons recréer dans notre esprit et notre cœur la scène de la crèche. Imaginons une grotte utilisée aussi comme étable : pauvre logement de fortune, choisi par les deux pèlerins, Marie et Joseph, pour accueillir la naissance de Celui qui est le centre du monde et de l’humanité : événement mûr qui accomplit les temps. Laissons les yeux de notre cœur être attirés par la nuit, par le froid, par la pauvreté, par la solitude et puis, à l’improviste, par le ciel qui s’ouvre et par l’extraordinaire annonce des anges et par l’arrivée des bergers. Avec notre imagination, nous pouvons reconstruire les détails et transformer la scène en un paysage pastoral qui semble familier, pour une histoire charmante. Tous, nous devenons des enfants et nous goûtons un moment enchanté qui nous fait rêver. C’est beau, mais réducteur, parce que le Christ naît dans une grotte.
Et quand les bergers y parvinrent, que virent-ils ? Un petit enfant enveloppé de langues et déposé dans la mangeoire, comme les anges le leur avaient annoncé. C’est la merveille de Noël : celui qui est proclamé Seigneur, le Prince de la paix, le Messie et Sauveur est un enfant qui a pour trône une mangeoire et pour palais royal une grotte. La simplicité absolue de la première crèche étonne. Le détail qui surprend le plus est l’absence de tout caractère merveilleux dans la grotte. Les bergers ont été recouverts et effrayés par la gloire de Dieu, mais le signe qu’ils reçoivent des anges est simplement : « Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire ». Et quand ils arrivent à Bethléem, il ne voit rien d’autre qu’ « un enfant déposé dans la mangeoire ». Demandons donc d’entrevoir le miracle de Noël dans la « banalité » du quotidien et prenons au sérieux ce qu’un auteur anonyme a écrit il y a des siècles :
« Notre corps est la crèche vivante dans les lieux où nous sommes appelés à vivre et à travailler. Nos jambes, comme celles des animaux qui ont réchauffé Jésus la nuit de sa naissance. Notre ventre, comme celui de Marie qui a accueilli et fait grandir Jésus. Nos bras, comme ceux de Joseph qui ont bercé, soulevé, serré Jésus et qui ont travaillé pour lui. Notre voix, comme celle des anges pour louer le Verbe qui s’est fait chair. Nos yeux, comme ceux de tous ceux qui l’ont vu, la nuit, dans la mangeoire. Nos oreilles, comme celles des bergers qui ont écouté – stupéfaits – le chant angélique provenant du ciel. Notre intelligence, comme celle des rois mages qui ont suivi l’étoile jusqu’à la « maison » de Jésus : la grotte. Notre cœur comme la mangeoire qui a accueilli l’Éternel qui s’est fait petit et pauvre comme l’un de nous ».
Allons donc à la crèche pour devenir, nous-mêmes, toujours plus crèche vivante qui révèle l’homme et Dieu. L’homme que nous ne sommes pas encore mais que nous sommes appelés à être et Dieu qui ne peut se manifester que dans une humanité humble mais transparente, qui fait passer à travers elle cet amour qui est uniquement amour.
Si nous allons à la crèche, c’est parce que Noël est le centre de l’histoire universelle. C’est en lien avec Noël que l’on conte tous les siècles.
Si nous allons à la crèche, c’est parce que dans la naissance du Christ il y a notre naissance, notre dignité, notre grandeur et notre liberté.
Si nous allons à la crèche, c’est parce que Dieu s’y révèle non plus comme un maître qui nous domine, qui revendique des droits sur nous, mais comme un amour doux, qui veut se cacher en nous et qui n’arrête pas de nous attendre parce que la « seule » chose qu’il puisse faire toujours est de nous aimer.
L’unique réponse logique à cet amour est de l’aimer. Les chrétiens sont ceux qui ont cru et qui croient à cet amour né au milieu de nous et pour nous. Les chrétiens sont appelés par l’amour pour aimer. C’est la vocation que propose Noël et qui se renouvelle tous les ans.
Cette vocation à l’amour est vécue de manière particulière par les vierges consacrées. Si la vie chrétienne est un chemin et une assimilation progressive à la vie du Seigneur Jésus, celle de ces femmes qui se sont joyeusement consacrées au Christ avec une confiance amoureuse et un total abandon l’est de manière particulière. Les vierges consacrées nous témoignent que le Christ est un don auquel on répond en se donnant et en faisant de notre cœur la mangeoire d’où il ouvre les bras au monde. Noël n’est pas une émotion mais une vocation à être toujours chastement avec lui. Le Fils de Dieu qui s’incarne, se fait l’un de nous et nous appelle à croire avec notre cœur, à proclamer avec notre bouche (cf. Rm 10, 9-10) et à confirmer par les œuvres que l’alliance de Dieu est dans notre chair consacrée par l’offrande virginale afin que les hommes, voyant nos œuvres bonnes, rendent gloire à notre Père qui est dans les cieux (cf. Mt 5,16) en Jésus-Christ notre Seigneur (cf. liturgie). Être vierges consacrées veut dire être le signe de la fidélité de Dieu et le lieu où la vie du Christ donnée engendre la vie ici sur la terre et pour l’éternité.
Les vierges consacrées dans le monde, et nous avec elles, sont appelées à être le berceau du véritable Adam où le monde entier est mis au monde dans la communion divine. « J’espère donc que la “spiritualité de la communion” indiquée par saint Jean-Paul II deviendra réalité et que vous serez en première ligne pour saisir “le grand défi qui est devant nous » en ce nouveau millénaire : faire de l’Église la maison et l’école de la communion » (Pape François, Lettre à l’occasion de l’Année de la vie consacrée, novembre 2014).
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Lecture patristique
Saint Léon le Grand (390 – 461)
Sermons pour Noël, 6, 2-35
CCL 138, 126-127
La majesté du Fils de Dieu n’avait pas dédaigné l’état d’enfance; mais l’enfant a grandi avec l’âge jusqu’à la stature de l’homme parfait; puis, lorsqu’il a pleinement accompli le triomphe de sa passion et de sa résurrection, toutes les actions de la condition humiliée qu’il avait adoptée pour l’amour de nous sont devenues du passé. Pourtant, la fête d’aujourd’hui renouvelle pour nous les premiers instants de Jésus, né de la Vierge Marie. Et lorsque nous adorons la naissance de notre Sauveur, il se trouve que nous célébrons notre propre origine.
En effet, lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence; l’anniversaire de la tête, c’est l’anniversaire du corps.
Sans doute, chacun de ceux qui sont appelés le sont à leur tour, et les fils de l’Église apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa passion, ressuscités dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité.
Tout croyant, de n’importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu’il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n’appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l’homme pour que nous puissions être fils de Dieu.
Car si lui-même, par son abaissement, n’était pas descendu jusqu’à nous, personne n’aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu’à lui.
Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l’enseigne saint Paul, l’Esprit que nous avons reçu, ce n’est pas celui du monde, c’est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits (1Co 2,12). On ne peut l’honorer avec assez de piété qu’en lui offrant ce que lui-même nous a donné.
Or, dans les trésors de la générosité divine, que pouvons-nous trouver qui soit aussi bien accordé à la dignité de la fête présente, que cette paix proclamée par le cantique des anges lors de la nativité du Seigneur?
Car c’est la paix qui engendre les fils de Dieu (Ep 4,3), qui favorise l’amour, qui enfante l’unité, qui est le repos des bienheureux, la demeure de l’éternité. Son ouvrage propre, son bienfait particulier, c’est d’unir à Dieu ceux qu’elle sépare du monde. <>
Donc, ceux qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté chamelle, ni d’une volonté d’homme, mais qui sont nés de Dieu (Jn 1,13), doivent offrir au Père la volonté unanime des artisans de paix. Tous ceux qui sont devenus par adoption les membres du Christ, doivent accourir pour rejoindre ensemble le premier-né de la nouvelle création, celui qui est venu faire non pas sa volonté, mais la volonté de celui qui l’envoie (Jn 6,38). Les héritiers que la grâce du Père adopte ne sont pas des héritiers divisés ou disparates; ils ont les mêmes sentiments et le même amour. Ceux qui sont recréés selon l’Image unique doivent avoir une âme qui lui ressemble.
La naissance du Seigneur Jésus, c’est la naissance de la paix. Comme le dit saint Paul: C’est lui, le Christ, qui est notre paix (Ep 2,14). Que nous soyons d’origine juive ou païenne, c’est par lui que nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit (Ep 2,18).
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