Concert offert par le patriarche Kirill Ier : allocution de Benoît XVI

L’Europe doit lutter contre le risque d’amnésie de sa culture

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ROME, Mercredi 26 mai 2010 (ZENIT.org) – Le concert en l’honneur de Benoît XVI offert par le patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Kirill er a eu lieu dans la soirée du jeudi 20 mai 2010, en la Salle Paul VI du Vatican.

Au début de la cérémonie, le métropolite Hilarion, responsable du Département pour les relations extérieures du patriarcat de Moscou, a lu un message de Kirill Ier.

L’Osservatore Romano en français du 25 mai 2010 publie cette traduction de l’allocution prononcée par Benoît XVI à l’issue du concert.

«  Louez le nom du Seigneur, louez, serviteurs du Seigneur, Louez le Seigneur, car il est bon, le Seigneur, jouez pour son nom, car il est doux : Seigneur, ton nom est pour toujours; Seigneur, ton nom à jamais! Seigneur, ton souvenir d’âge en âge. Alleluia »

Vénérés frères,

Mesdames et Messieurs,

chers frères et soeurs,

Nous venons d’écouter il y a peu, dans une sublime mélodie, les paroles du Psaume 135, qui interprètent bien nos sentiments de louange et de gratitude au Seigneur, ainsi que notre intense joie intérieure pour ce moment de rencontre et d’amitié avec nos chers frères du patriarcat de Moscou. A l’occasion de mon anniversaire et du v anniversaire de mon élection comme Successeur de Pierre, Sa Sainteté Cyrille i, patriarche de Moscou et de toutes les Russies, a voulu m’offrir, avec les paroles très appréciées de son Message, cet extraordinaire interlude musical, présenté par le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département pour les relations extérieures du patriarcat de Moscou, ainsi qu’auteur de la Symphonie qui vient d’être interprétée.

J’exprime donc ma profonde gratitude avant tout à Sa Sainteté le patriarche Kirill. Je lui adresse mon salut le plus fraternel et cordial, en exprimant vivement le souhait que la louange au Seigneur et l’engagement en vue du progrès de la paix et de la concorde entre les peuples nous rapprochent toujours plus et nous fassent croître dans une harmonie d’intentions et d’actions. Je remercie ensuite de tout coeur le métropolite Hilarion, pour le salut qu’il a voulu m’adresser avec tant de courtoisie et pour son engagement oecuménique constant, en le félicitant pour sa créativité artistique, que nous avons eu l’occasion d’apprécier. Avec lui, je salue avec une profonde sympathie la délégation du patriarcat de Moscou, ainsi que les illustres représentants du gouvernement de la Fédération russe. J’adresse un salut cordial à Messieurs les cardinaux et aux évêques ici présents, en particulier à Monsieur le cardinal Walter Kasper, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, et à Mgr Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical de la culture, qui ont organisé, avec leurs dicastères et en étroite collaboration avec les représentant du patriarcat, les « Journées de la culture et de la spiritualité russe au Vatican ». Je salue également les illustres ambassadeurs, les éminentes autorités et vous tous, chers amis, frères et soeurs, en particulier les communautés russes présentes à Rome et en Italie, qui participent à ce moment de joie et de fête.

Pour sceller cette occasion de façon véritablement exceptionnelle et suggestive, il a été fait appel à la musique, la musique de la Russie d’hier et d’aujourd’hui, qui nous a été proposée avec un grand talent par l’Orchestre national russe, dirigé par le maître Carlo Ponti, par le Choeur synodal de Moscou, et par la Chapelle des cors de Saint-Pétersbourg. J’adresse mes très vifs remerciements à tous les artistes pour le talent, l’engagement et la passion avec lesquels ils proposent à l’attention du monde entier les chefs-d’oeuvre de la tradition musicale russe. Dans ces oeuvres, dont nous avons eu aujourd’hui un aperçu significatif, est profondément présente l’âme du peuple russe et avec elle, la foi chrétienne, qui trouvent une extraordinaire expression précisément dans la Liturgie Divine et dans le chant liturgique qui l’accompagne toujours. En effet, il existe un lien étroit, originel, entre la musique russe et le chant liturgique: c’est dans la liturgie et de la liturgie que se libère en quelque sorte et prend son essor une grande partie de la créativité artistique des musiciens russes, pour donner vie à des chefs-d’oeuvre qui mériteraient d’être davantage connus dans le monde occidental. Nous avons eu aujourd’hui la joie d’écouter des pièces de grands artistes russes du xix et xx siècles, comme Moussorgsky et Rimski-Korsakov, Tchaïkosvski et Rachmaninov. Ces compositeurs, et ce dernier en particulier, ont su puiser au riche patrimoine musical et liturgique de la tradition russe, en le réélaborant et en l’harmonisant avec des sonorités et des expériences musicales de l’Occident et plus en phase avec la modernité. Je pense que c’est dans cette lignée que doit être située également l’oeuvre du métropolite Hilarion.

Dans la musique est déjà anticipée et se réalise donc d’une certaine manière la confrontation, le dialogue, la synergie entre l’Orient et l’Occident, ainsi qu’entre la tradition et la modernité. C’est précisément à une telle vision unitaire et harmonieuse de l’Europe que pensait le vénérable Jean-Paul ii, quand, re-proposant l’image, suggérée par Vjaceslav Ivanovic Ivanov, des « deux poumons » avec lesquels il faut recommencer à respirer, il souhaitait une nouvelle conscience des profondes racines culturelles et religieuses communes du continent européen, sans lesquelles l’Europe d’aujourd’hui serait comme privée d’une âme et marquée quoi qu’il en soit par une vision réductrice et partielle. C’est précisément pour réfléchir ultérieurement sur ces problématiques que s’est déroulé hier le symposium, organisé par le patriarcat de Moscou, par le dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens et par celui de la culture, sur le thème: « Orthodoxes et catholiques en Europe aujourd’hui. Les racines chrétiennes et le patrimoine culturel commun de l’Orient et de l’Occident ».

Comme je l’ai plusieurs fois affirmé, la culture contemporaine, et en particulier celle de l’Europe, court le risque de l’amnésie, de l’oubli et donc de l’abandon de l’extraordinaire patrimoine suscité et inspiré par la foi chrétienne, qui constitue l’ossature essentielle de la culture européenne, et pas seulement de celle-ci. Les racines chrétiennes de l’Europe sont en effet constituées, outre que par la vie religieuse et par le témoignage de générations de croyants, également par l’inestimable patrimoine culturel et artistique, orgueil et ressource précieuse des peuples et des pays où la foi chrétienne, dans ses diverses expressions, a dialogué avec les cultures et les arts, les a animés et inspirés, en favorisant et promouvant plus que jamais la créativité et le génie humain. Aujourd’hui aussi, de telles racines sont vivantes et fécondes, en Orient et en Occident, et peuvent, je dirais même plus doivent inspirer un nouvel humanisme, une nouvelle saison d’authentique progrès humain, pour répondre efficacement aux nombreux défis parfois cruciaux que nos communautés chrétiennes et nos sociétés doivent affronter, le premier étant celui de la sécularisation, qui non seulement pousse à faire abstraction de Dieu et de son projet, mais finit par nier la dignité humaine elle-même, en vue d’une société réglementée uniquement par des intérêts égoïstes.

Recommençons à faire respirer l’Europe à pleins poumons, à redonner une âme non seulement aux croyants, mais à tous les peuples du continent, à promouvoir la confiance et l’espérance, en les enracinant dans l’expérience millénaire de foi chrétienne! En ce moment ne peut manquer le témoignage cohérent, généreux et courageux des croyants, pour que nous puissions envisager ensemble l’avenir commun comme un avenir où la liberté et la dignité de chaqu
e homme et de chaque femme soient reconnues comme valeur fondamentale et où soit valorisée l’ouverture au Transcendant, l’expérience de foi comme dimension constitutive de la personne.

Dans la pièce musicale de Moussorgsky, intitulée L’ange proclama, nous avons écouté les paroles adressées par l’Ange à Marie, et donc à nous également: « O nations, réjouissez-vous! » Le motif de la joie est clair: le Christ est ressuscité du sépulcre « et il a ressuscité les morts ». Chers frères et soeurs, c’est la joie du Christ Ressuscité qui nous anime, qui nous encourage et qui nous soutient sur notre chemin de foi et de témoignage chrétien, pour offrir une joie véritable et une solide espérance au monde, pour donner des motifs valables de confiance à l’humanité, aux peuples de l’Europe, que je confie avec plaisir à l’intercession maternelle et puissante de la Vierge Marie.

Le Saint-Père a ensuite prononcé les paroles suivantes en russe:

Je renouvelle mes remerciements au patriarche Kirill, au métropolite Hilarion, aux représentants russes, à l’orchestre, aux choeurs, aux organisateurs et à toutes les personnes présentes.

Puis il a conclu en italien:

Que sur vous et vos proches descendent les Bénédictions abondantes du Seigneur.

© Libreria Editrice Vaticana

Traduction française : L’Osservatore Romano – 25 mai 2010

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ZENIT Staff

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