Les « classes moyennes de la sainteté » selon le pape François ne sont pas tout à fait celles de Joseph Malègue, et pourtant, c’est bien lui qu’il cite, et interprète, avec sa force spirituelle, optimiste.
Le pape cite en effet à nouveau un auteur français. Après Léon Bloy, évoqué dès sa première messe avec les cardinaux, le 14 mars 2013, le pape a puisé cette fois chez Joseph Malègue, durant son homélie, hier, 14 avril 2013.
Lors de sa prise de possession de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, le pape a en effet appelé les chrétiens au « témoignage de la foi », faisant observer que ce témoignage pouvait prendre « plusieurs formes », et que toutes étaient « importantes, mêmes celles qui n’apparaissent pas ».
« Dans le grand dessein de Dieu, chaque détail est important, même ton témoignage et le mien, humbles et petits… Il y a les saints de tous les jours, les saints « cachés », une sorte de « classe moyenne de la sainteté », comme le disait un auteur français, dont nous pouvons tous faire partie », a poursuivi le pape.
Cet auteur français, qu’il n’a pas nommé, est, semble-t-il, Joseph Malègue (1876-1940). Très méconnu, ce romancier du XXe siècle a notamment écrit « Pierre noires. Les classes moyennes du Salut », publié après sa mort.
La définition exacte de l’expression « classes moyennes du Salut », remplacée parfois par « classes moyennes de la sainteté » dans le livre, n’est pas toujours très claire. Elle se rapproche cependant d’une critique de ceux qui vivent une foi « moyenne », avec un peu de tiédeur en somme.
Mais le pape François, prenant cette définition à contrepied, a redonné hier soir ses lettres de noblesse à l’expression : les « classes moyennes de la sainteté », ce sont ces « saints de tous les jours, les saints « cachés », … dont nous pouvons tous faire partie ».
Pour le pape, cette sainteté sans éclat apparent est aussi nécessaire et même « importante » aux yeux de Dieu.
Si Joseph Mallègue constate une certaine « fatalité » dans la vie de foi des « classes moyennes de la sainteté », il envisage cependant un réveil, un sursaut possible grâce au témoignage d’un saint, d’un « martyr ».
De même, le pape François a rendu hommage hier aux chrétiens « qui donnent leur vie pour rester fidèles au Christ par un témoignage marqué par le prix du sang » : « Souvenons-nous en bien tous : on ne peut pas annoncer l’Évangile de Jésus sans le témoignage concret de la vie », a-t-il ajouté.
Autrement dit, le pape transfigure l’expression de Malègue désignant une certaine médiocrité de la vie chrétienne : il hisse ces « classes moyennes » à la hauteur concilaire de l’appel universel des baptisés à la sainteté, sous toutes ses formes, c’est-à-dire la sainteté des innombrables non-canonisés que la Toussaint célèbre.
Joseph Malègue, écrivain français originaire du Cantal, mort à 64 ans, était de trente ans – une génération! – plus jeune que Léon Bloy (1846-1917). Son premier et grand roman, publié en 1933, « Augustin ou le Maître est là », évoque le parcours à la fois psychologique, intellectuel et spirituel d’Augustin Méridier, l’alliance d’une recherche de foi et de raison. Mais le fil conducteur, c’est l’amour. Il a été traduit en partie en italien et en allemand. « Pierres noires » est un roman posthume inachevé dont les deux premières parties ont été publiées en 1958.