« Aujourd’hui, je voudrais que chacun fasse mémoire de sa propre histoire, du don reçu du Seigneur » : c’est le « tweet » posté par le pape François sur son compte @Pontifex_fr en ce 13 décembre, anniversaire de son ordination sacerdotale, le 13 décembre d’il y a 47 ans.
Le pape a en effet été ordonné prêtre dans la Compagnie de Jésus, à Cordoba (Argentine), le 13 décembre 1969. Il allait avoir 33 ans quatre jours plus tard, le 17 décembre.
En 2014, le pape François demandait, aussi sur twitter, de prier pour lui et pour tous les prêtres : « Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de mon ordination sacerdotale. Je vous demande de prier pour moi et pour tous les prêtres. »
Mais l’inflexion de ce 13 décembre 2016 est significative : le pape ne veut pas attirer l’attention sur le don reçu par lui : aujourd’hui il invite chacun à reconnaître le don qu’il a reçu, mettant en quelque sort là encore son sacerdoce ministériel au service du sacerdoce commun de tous les baptisés.
« Ne vous sentez pas différents de vos contemporains », vient de recommander le pape aux séminaristes, samedi dernier, 10 décembre, en recevant les étudiants d’un séminaire italien et en improvisant un discours différent de celui qu’il avait préparé.
Dans le texte improvisé dont nous publions ci-dessous notre traduction il résume ainsi le cœur du sacerdoce : « Le plus important c’est de rencontrer Jésus, et partant de Jésus faire tout le reste ».
Il leur a demandé : « Combien de temps restez-vous assis devant le Tabernacle, chaque jour ? »
Il a évoqué ce qu’il entend comme paternité spirituelle du prêtre, invitant chacun à se faire « proche » des gens.
Il a invité à acquérir le discernement de ce qui vient de l’Esprit Sant ou d’un esprit malin, en recommandant la « docilité à l’Esprit Saint ».
« La vie communautaire est importante, a ajouté le pape. Et ensuite vous étudiez. Quatre piliers : la vie spirituelle, la prière, la vie communautaire avec les compagnons ; la vie d’étude, parce que nous devons étudier : le monde ne tolère pas l’image d’un prêtre qui ne comprend pas les choses, qui n’a pas de méthode pour comprendre les choses et ne sait pas dire les choses de Dieu sur le fond. Et quatrièmement : la vie apostolique. »
Et puis une dernière recommandation contre les commérages, invitant à dire les choses en face, aux personnes concernées : « Soyez des hommes bons, qui ne bavardent pas. »
AB
Discours improvisé pour le Séminaire pontifical régional Pie XI des Pouilles
Merci beaucoup pour ces mots et aussi pour les sentiments. Merci ! Ce ne sont pas des mots froids et cela fait plaisir, quand il y a la chaleur du frère qui parle, qui n’a pas peur de paraître peut-être un peu ridicule, mais qui dit ce qu’il sent. Cela fait du bien. Ainsi je ne puis répondre froidement. Le discours « froid » préparé vous sera remis. Je vais vous dire ce qui me viendra spontanément.
Pour moi, Molfetta est un mot qui a tellement de résonance, tellement. Il me rappelle une femme, une sœur, une grande femme, qui a beaucoup travaillé dans les séminaires, également en Argentine, à côté de notre maison de formation : Sœur Bernadette, elle était de votre région. En tant que maître des novices et aussi supérieur provincial, quand j’avais des problèmes avec quelqu’un, je l’envoyais pour lui parler. Et elle, deux « gifles spirituelles » et la chose s’arrangeait. Cette sagesse des femmes de Dieu, des mères. C’est une grâce de grandir dans la vocation sacerdotale en ayant à côté de soi ces femmes, ces mères, qui savent dire les choses comme le Seigneur veut qu’elles soient dites. Ensuite elle a été transférée à Rome, et moi quand je venais j’allais toujours la voir. Je me rappelle que la dernière fois que je l’ai vue, je lui ai téléphoné et elle : « Avant de partir, venez une autre fois » – « Mais pourquoi ? » – « Je veux que vous me donniez la sainte Onction (des malades), parce que nous ne nous verrons plus ». Cette intuition de la femme, à 85 ans alors .. . Un jour de Toussaint je lui ai donné l’Onction des malades et elle s’en est allée à mi-décembre. Je veux dire cela pour rendre hommage à cette femme et à toutes celles comme elle, qui consacrent leur vie au Seigneur et qui sont proches de l’apostolat des prêtres, elles sont proches de la formation des prêtres dans les séminaires ; elles ont cette sagesse, cette sagesse des mères ; elles savent dire ce que le Seigneur veut qu’il soit dit. Pour moi c’est un devoir de parler au nom de Sœur Bernadette aujourd’hui. Je remercie votre terre pour avoir donné une telle femme.
Ensuite votre séminaire, comme tous les séminaires, forme les prêtres. Les prêtres qui parfois ont des problèmes, se trompent… Quand arrivent les scandales des prêtres nous sommes habitués à les voir ! La presse les achète bien ces nouvelles, elle paie bien ces nouvelles. Parce qu’elle est comme cela, la règle du scandale a une cote élevée à la bourse des médias ! Comment former un prêtre afin que dans sa vie il n’y ait pas de faillite, qu’il ne s’écroule pas ? Rien de plus ! Pour que sa vie soit féconde. Oui, féconde ! Qu’il ne soit pas seulement un bon prêtre qui suive toutes les règles. Non, non. Qui donne la vie aux autres ! Qui soit père d’une communauté. Un prêtre qui n’est pas père ne sert à rien. « Allez, fais-toi moine, là… » ; mais même un moine qui n’est pas père ne sert à rien. La paternité de la vocation pastorale ; donner la vie, faire grandir la vie ; ne pas négliger la vie d’une communauté. Le faire avec courage, avec force et avec tendresse.
Et vous – 180 vous avez dit ? – êtes entrés sur cette route pour devenir pères d’une communauté. Ici, en Italie, vous avez l’avantage d’avoir une tradition de bons curés, très bons, très bons, qui nous donnent l’exemple de comment aller de l’avant. Regardez vos pères dans la foi, regardez vos pères et demandez au Seigneur la grâce de la mémoire, la mémoire ecclésiale. « L’histoire du salut n’a pas commencé avec moi » – chacun doit se le dire. « Mon église a toute une tradition, une longue tradition de bons prêtres » : prendre cette tradition et la porter de l’avant. Elle ne finira pas avec toi. Cherche à laisser l’héritage à celui qui prendra ta place. Les pères qui reçoivent la paternité d’autres et la donnent à d’autres. C’est beau d’être prêtre comme cela. Une fois j’ai vu un curé d’un petit pays, un bon curé : « Toi que fais-tu ? » – « Je connais le nom de chacun de mes paroissiens, des gens » – « Dis-moi, chaque personne ? » – « Tous, même le nom de leurs chiens ! » Il était près des gens.
Et là nous arrivons à une parole que je voudrais dire à un séminariste : « être proche ». On ne peut pas être prêtre et détaché du peuple. Proche du peuple. Celui qui nous a donné le plus grand exemple a été le Seigneur, c’est pas vrai ? Être proche ! Un prêtre qui se détache du peuple n’est pas capable de donner le message de Jésus. Il n’est pas capable de donner les caresses de Jésus aux personnes ; il n’est pas capable – et je prends ton image [il se tourne vers le recteur qui a parlé avant] – de mettre dans la porte pour qu’elle ne se ferme pas [il se réfère à une image citée pas le Recteur, dans laquelle le pieds de Jésus empêche que se referme la porte de la Miséricorde]. Près des gens. Etre proche signifie patience ; veut dire brûler [consumer] la vie, parce que – disons la vérité – le Saint Peuple de Dieu fatigue, fatigue ! Mais quelle belle chose de voir un prêtre qui finit la journée fatigué et qui n’a pas besoin de cachets pour bien s’endormir ! Cette fatigue saine du travail, du don de la vie aux autres, continuellement au service des autres. Quand vous commencerez : « Moi maintenant je voudrais autre chose. J’ai la paroisse, mais je voudrais faire l’école ici … ». Mais pourquoi veux-tu l’école ? Pour l’argent ? Tu as peur de la pauvreté ? Écoute, si tu as peur de la pauvreté, ta vocation est en danger ! Parce que la pauvreté sera ce qui fera grandir ton don au Seigneur, elle sera celle – la pauvreté – qui fera un mur pour te garder, parce que la pauvreté dans la vie consacrée, dans la vie des prêtres, est une mère et un mur. Elle est une mère et un mur : elle donne la vie et elle garde. Un prêtre proche des gens, proche des problèmes des gens. Cette parole : « être proches » !
Quand tu trouves un prêtre qui s’éloigne des gens, qui cherche autre chose – oui, il vient, dit la messe et puis s’en va, parce qu’il a d’autres intérêts que le peuple des fidèles qui lui sont confiés – cela fait mal à l’Église. Être proche ! Comme Jésus a été proche de nous. Il n’y a pas d’autres voies : c’est la voie de l’incarnation. Les propositions gnostiques sont si nombreuses aujourd’hui, c’est un peu être un bon prêtre, mais pas catholique, gnostique, mais pas catholique. Non, non ! Catholique, incarné, proche, qui sait caresser et souffrir avec la chair de Jésus avec les malades, avec les enfants, avec les problèmes, avec tant de problèmes qu’ont nos gens. Cette promiscuité vous aidera tellement, tellement, tellement !
Pour être proches comme Jésus, pour savoir « mettre les pieds » comme Jésus qui évite que se ferme la porte [de la Miséricorde. Il se réfère à la même image que précédemment], il est nécessaire de connaître Jésus. Mais je demanderais: combien de temps restez-vous assis devant le Tabernacle, chaque jour ? Une des questions que je posais toujours aux prêtres, même bons, à tous, était : toi, le soir, comment vas-tu au lit ? Et eux ne comprenaient pas : « Mais que demandez-vous ? » – « Oui, oui ! Comment vas-tu te reposer ? Que fais-tu ? » « Ah oui, je suis fatigué. Je mange rapidement et puis je vais au lit… Je regarde la télévision… Je me repose un peu … » – « Ah bien. Mais est-ce que tu salues « Celui » qui t’a envoyé vers les autres ? Au moins passer un petit bout de temps au Tabernacle ? « – « Ah oui, c’est vrai ! Mais je m’endors …. ». Bénis soit le Seigneur ! Qu’y-a-t-il de plus beau que de s’endormir devant le Seigneur ? Cela m’arrive à moi … Ce n’est pas un péché, ce n’est pas un péché. Même Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus nous enseigne à faire cela. S’il vous plaît, ne laissez pas le Seigneur ! Ne laissez pas le Seigneur seul dans le Tabernacle ! Vous avez besoin de Lui. « Mais cela ne me dit rien ! Je m’endors … ». Endors-toi. Mais c’est Lui qui t’envoie, c’est lui qui te donne la force. La prière personnelle avec le Seigneur, parce que tu dois être comme Jésus pour tes gens. « Ah mais quand je suis entré au séminaire je ne pensais pas que la route serait ainsi … Je pensais à être prêtre … J’ai pensé faire de belles choses … ». C’est important mais plus important est de rencontrer Jésus, et partant de Jésus faire tout le reste. Parce que l’Église n’est pas une ONG, et la pastorale n’est pas un plan pastoral. Cela aide, c’est un instrument ; mais la pastorale est le dialogue, le colloque en continu – soit sacramentel, soit catéchétique, soit d’enseignement – avec les gens. Être proche des gens et donner ce que Jésus me dit. Et la pastorale qui la porte en avant ? Le Conseil pastoral des diocèses ? Non ! C’est aussi un instrument. Le Saint Esprit le porte en avant. Dis-moi, quel est ton rapport avec l’Esprit Saint ? « Ah, il y a un Esprit Saint ? » Cette question qu’a faite Saint Paul [aux disciples d’Ephèse], et la réponse, elle est toujours d’actualité (cf. Ac 19,2). Tous nous disons le Gloire au Père, tous nous disons « Je crois en l’Esprit Saint » ; mais, dans ta vie, comment entre l’Esprit Saint ? Sais-tu distinguer les inspirations de l’Esprit Saint dans ton cœur ? Quand l’Esprit nous porte à faire une chose et quand l’autre esprit, celui du mal, nous porte à faire une autre chose, sais-tu distinguer l’un de l’autre ? Ou alors ta vie se règle seulement sur le « j’ai envie de … »? L’Esprit Saint. La docilité à l’Esprit Saint. Une chose à laquelle nous devons penser souvent dans notre vie pastorale : la docilité à l’Esprit Saint.
Vous, au séminaire, vous devez étudier, apprendre à grandir dans la prière, connaître ta vie spirituelle. Ensuite, au séminaire, vous êtes si nombreux, et la vie communautaire est importante. Et ensuite vous étudiez. Quatre piliers : la vie spirituelle, la prière, la vie communautaire avec les compagnons ; la vie d’étude, parce que nous devons étudier : le monde ne tolère pas l’image d’un prêtre qui ne comprend pas les choses, qui n’a pas de méthode pour comprendre les choses et ne sait pas dire les choses de Dieu sur le fond. Et quatrièmement : la vie apostolique ; vous à la fin de la semaine allez en paroisse et faites cette expérience. Ces quatre piliers, qui sont toujours présents. « Mais quel est le plus important ? ». Tous les quatre sont importants. S’il en manque un, la formation n’est plus équilibrée. Tous les quatre. Et vous, supérieurs et formateurs, vous devez aider afin que ceci arrive, qu’il en soit ainsi. Que l’équilibre de ces quatre piliers ne soit pas négligé.
Revenant sur l’Esprit Saint, je voudrais souligner une vertu, une vertu qui est si importante et nécessaire au sacerdoce : le zèle apostolique. Pour l’avoir il faut s’ouvrir à l’Esprit Saint : ce sera Lui qui vous donnera le zèle apostolique. Il faut le demander! Le zèle discret, mais le zèle apostolique.
Je pourrais continuer à vous parler, mais je crois que cela suffit ainsi.
J’ai commencé avec une sœur, je veux finir avec un prêtre. J’ai commencé avec l’icône de cette sœur qui a été pour moi un exemple de docilité à l’Esprit Saint, d’amour de Jésus et d’amour à la chair réelle du Christ. Je veux finir avec une icône, une icône sans personne, que j’ai vu enfant tellement de fois : le téléphone – parce qu’il n’y avait pas de répondeur téléphonique ni de téléphone portable – le téléphone sur la table de nuit du curé. Ces bons prêtres, qui se lèvent à toutes les heures de la nuit pour aller chez un malade, donner les sacrements. « Mais je dois me reposer … Le Seigneur sauve tout le monde … Je débranche le téléphone ». Cela [la disponibilité] c’est le zèle apostolique, c’est cela fondre [consumer] sa vie au service des autres. Et à la fin que te reste-t-il ? Quoi ? La joie du service du Seigneur !
Pensez à la sœur et pensez au téléphone sur la table de nuit ; pensez aux personnes, pensez au Tabernacle ; pensez aux quatre piliers. Beaucoup de choses à penser… Pensez également aux évêques, à vos pères : si tu as quelque chose contre lui, aujourd’hui ou demain, le premier qui doit le savoir c’est lui, ce n’est pas les autres dans les bavardages. Vous, ne bavardez jamais, soyez des hommes bons, qui ne bavardent pas…
Merci beaucoup ! C’est l’heure de l’Angélus. Nous pouvons prier ensemble.
© Traduction de Zenit, Hugues de Warren
Communauté du séminaire pontifical régional des Pouilles © L'Osservatore Romano
Anniversaire de l'ordination du pape François: conseils aux séminaristes
« Le plus important c’est de rencontrer Jésus »