Cardinal Lorenzo Baldisseri, capture CTV

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Jalons vers le synode pour l’Amazonie, par le card. Baldisseri

Interview publié par L’Osservatore Romano

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« La région amazonienne, en outre, peut devenir une référence concrète pour d’autres territoires où se rencontrent des défis et des problématiques similaires, dans le domaine ecclésial comme dans le domaine civil », estime le cardinal Baldisseri à propos du synode de 2019, qui concernera notamment la Guyane française
Le synode des évêques pour l’Amazonie, qualifié de « spécial » – il n’est ni « ordinaire » ni « extraordinaire » mais concerne une région spécifique -, est convoqué par le pape François pour octobre 2019 à Rome.
La première réunion préparatoire s’est tenue à Puerto Maldonado, au Pérou, le jour où le pape entamait sa visite dans ce pays d’Amérique latine.
Dans cette interview accordée à L’Osservatore Romano en italien du 8 février 2018 (Nicola Gori), le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du synode des évêques évoque les étapes de la préparation du synode.
L’Amazonie, référence pour d’autres
Le cardinal rappelle que « le synode se tiendra à Rome pour donner à l’événement son caractère universel, dans la mesure où toute l’Église est impliquée, bien que l’on se réfère à une région circonscrite et aussi pour assurer la présence du Saint-Père dans la mesure où il préside personnellement toutes les sessions ».
« La région amazonienne, en outre, peut devenir une référence concrète pour d’autres territoires où se rencontrent des défis et des problématiques similaires, dans le domaine ecclésial comme dans le domaine civil », estime le cardinal italien: « Quant aux expectatives, je peux dire que les attentes sont grandes et engageantes. Il y a une perception qui s’élargit et s’amplifie de jour en jour. Je pourrais énumérer les expectatives suivantes selon la perception du moment : que le document final devienne le point de base et de référence sur le thème en question ; trouver des instruments de participation active et substantielle des intéressés appartenant au territoire, une réflexion théologique et pastorale spécifique qui permette de montrer un visage amazonien de l’action pastorale en communion avec l’Église universelle ; des aspects spécifiques de ministère ecclésial qui répondent aux nécessités de la région amazonienne. »
Rencontre pré-synodale
Quant à la rencontre du Pérou, il ajoute: « La réunion pré-synodale a été organisée par le Réseau ecclésial panamazonien, constitué en 2014 par les conférences épiscopales ayant un territoire amazonien et s’inspirant du document d’Aparecida de 2007. Le pape François a lancé, le 15 octobre 2017, le synode spécial qui trouve déjà dans cet organisme une expérience consolidée de réflexion sur la grande thématique amazonienne. C’est précisément dans cette perspective que j’ai été invité à présider une réunion de l’organisme, qui s’est mis à disposition de la programmation du synode. »
Il évoque les différents pays concernés par le synode, y compris la France: « Dans ce siège, j’ai abordé les thèmes relatifs à l’organisation, en expliquant quels sont les éléments fondamentaux et comment procéder pour constituer un synode. S’agissant d’une assemblée spéciale, les pères synodaux seront les évêques des territoires amazoniens appartenant à sept conférences épiscopales – Brésil, Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie, Venezuela, Antilles (Surinam, Guyane, Guyane française) – ainsi que d’autres ayant droit, auditeurs, délégués fraternels et invités spéciaux. Dans la réunion, nous avons aussi traité des thématiques qui seront prises en considération pour le document préparatoire. La nouveauté est que cette préparation sera faite par le secrétariat général, avec son conseil, en étroite collaboration avec le Réseau ecclésial panamazonien (Repam) ».
L’équilibre de la planète et les peuples indigènes
Parmi les thèmes, les peuples indigènes, et l’écologie, précise le cardinal Baldisseri, et une écologie qui concerne toute la planète: « Parler d’Amazonie pour l’Église veut dire aborder de nombreux thèmes et problèmes, dont en premier lieu l’évangélisation sur ce territoire, avec un regard particulier sur les peuples indigènes et sur les communautés locales. D’autres thèmes connexes sont l’écologie et le soin de la création en raison de l’importance particulière que cette région assume pour la planète. La Panamazonie, en effet, représente une grande diversité d’éco-environnements. C’est un biome, un système vivant qui produit un tiers des pluies qui alimentent la terre, 20 pour cent de l’eau douce non congelée et de l’oxygène de la planète, 34 pour cent des bois primaires qui hébergent respectivement 30 et 50 pour cent de la faune et de la flore du monde. Considérons en outre qu’il occupe 43 pour cent du territoire de l’Amérique du sud, avec 7,5 millions de kilomètres carrés et environ 35 millions d’habitants. Parmi ceux-ci, plus de deux millions et demi sont des indigènes appartenant à 390 peuples. Il y a encore 137 peuples isolés ou non contactés. Nous trouvons 240 langues appartenant à 49 familles linguistiques. Pensons que l’une des villes les plus importantes, Manaus, a une population de presque 2 millions de personnes. Le synode spécial ne traitera donc pas seulement des indigènes – même s’il y doit y avoir un regard particulier sur eux – mais abordera une réalité beaucoup plus complexe et organisée. »
Il caractérise également l’action de l’Eglise sur le terrain en faveur des peuples « natifs »: « L’Église a déjà fait beaucoup et continue de faire beaucoup. Elle a été la première à entrer en Amazonie en apportant l’Évangile sous une forme inculturée. Le fait même que les missionnaires se soient rendus sur place et en ai appris la langue et les coutumes exprime la volonté de respecter cette culture. Les missionnaires ont ensuite instruit les indigènes et ont mis par écrit les traditions de ces peuples, sauvegardant leur mémoire historique orale. Certes, il y a aussi eu de graves erreurs à l’occasion de l’arrivée des Européens sur le continent. S’il y a eu des ombres, cela doit être interprété à la lumière du contexte historique, une lecture dont on ne peut faire abstraction. Mais de fait, l’Église a toujours été présente et a défendu des violences les peuples natifs. »
Il rappelle que le pape a évoqué la pluralité des cultures: « Le pape François, à Puerto Maldonado, a justement fait allusion à cet aspect. Pour comprendre quel est le visage désiré, nous devons reconnaître qu’en Amazonie il y a une pluralité de cultures qui se sont formées aussi à travers des interventions de l’extérieur. En effet, elles sont le résultat d’une présence de valeurs culturelles locales et, en même temps, d’autres cultures qui se sont superposées. L’Église, pour sa part, s’est insérée dans cet environnement caractérisé par une réalité multiforme. Le fait qu’il y ait plus de cent circonscriptions ecclésiastique en témoigne. »
Le calendrier de la préparation du synode
Pour ce qui est du « calendrier » entre « la première réunion à la véritable célébration », en passant par l’élaboration du « document préparatoire (Lineamenta) et du document de travail (Instrumentum laboris) il précise: « La première échéance est en avril prochain, quand se déroulera le conseil du secrétariat, présidé par le pape, pour l’approbation du document préparatoire qui sera envoyé en juin prochain à toutes les conférences épiscopales et à d’autres ayant-droit. »
Pour le cardinal Baldisseri, la priorité ce sont les peuples indigènes: « L’attention à la population des natifs est prioritaire, tenant compte des indication du pape. Les indigènes qui n’ont plus de territoire perdent la vie, parce que la terre fait partie de leur existence. Le grand travail à faire est de promouvoir leur existence sur le territoire, en considérant qu’ils sont les véritables gardiens de la forêt. Ce sont eux qui préservent le biome. Le fait qu’ils y soient est aussi dans notre intérêt, si nous voulons maintenir la vie de la planète. Nous avons besoin d’eux et nous devons le dire avec force. Nous devons les défendre, leur donnant l’opportunité de croître dans leur environnement. »
Il rappelle à ce sujet les appels du pape François: « Le pape lui-même a rappelé que les indigènes possèdent une tradition et une culture non seulement à respecter, mais à conserver. Il dit que l’Amazonie est une terre disputée. Certains disent que ce n’est la terre de personne, et donc de tout le monde. Certes, c’est une terre qui, tout en ayant des frontières étatiques, est contestée parce qu’il y a de grands intérêts économiques qui concernent les ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, les minéraux précieux et l’exploitation intensive agroalimentaire. Mais il y a aussi des mouvements qui, au nom de la conservation du biome, occupent de grandes extensions de forêts et négocient avec les autorités en créant des situations d’oppression pour les peuples locaux, pour lesquels le territoire et les ressources naturelles deviennent indisponibles. »
Evangélisation et promotion humaine
« L’Église doit évangéliser à travers la promotion humaine, un élément typique de l’action pastorale en Amérique latine », insiste le Secrétaire général du synode: « Même devant les menaces, comme l’a dénoncé le pape. Malheureusement, il y a toujours en embuscade l’intérêt particulier des grands groupes de pouvoir. Une fois, j’étais en avion au-dessus du Mato Grosso au Brésil. J’ai volé sur 700 kilomètres en plein jour, mais cela semblait être la nuit. J’ai demandé au pilote pourquoi, à 2000 mètres, il y avait cette obscurité. Il m’a dit que c’était la fumée qui provenait du chaume brûlé du soja. Je suis arrivé dans une ville qui avait été fondée 25 ans plus tôt. Il y avait déjà 35.000 habitants. Comment avait-elle été construite ? Peut-être sans scrupules dans le pillage et l’exploitation de la nature. En effet, m’a-t-on raconté, alors que, dans les premiers temps, pour creuser et poser les fondations d’une maison, on trouvait l’eau à un mètre de profondeur, maintenant on la trouve à plus de six mètres au-dessous du sol. »
Il souligne que l’Eglise est sur le front: « L’Église a toujours dénoncé la situation générale, mais surtout les conséquences que la déforestation et l’exploitation intensives de la terre peuvent provoquer pour les peuples indigènes. Les natifs sont souvent discriminés, dépossédés de leurs territoires, trompés et expropriés de terrains sur lesquels ils sont présents depuis des siècles. C’est pourquoi la dénonciation prophétique a une valeur pour la promotion humaine et la crédibilité de l’évangélisation de l’Église. »
« En attendant, il y a un changement de perspective, fondé sur l’utilisation de la méthode de voir, juger et agir, fait observer le cardinal Baldisseri. Voir signifie observer la réalité. Juger signifie la lire avec les yeux de la foi chrétienne et agir renvoie à l’action pastorale. Mais pour être efficaces, il faut une conversation pastorale, comme le demande François dans Evangelii gaudium. Cela signifie aussi faire un bilan de ce qu’il y a eu de bon ou de moins bon au cours de l’histoire. »
Il cite l’exemple de saint Turibio: « Le pape a rappelé aux évêques du Pérou saint Turibio da Mogrovejo, qui a eu un ministère épiscopal de vingt années dont dix-huit passées hors de Lima, pour rencontrer les gens de tout le diocèse, qui lui étaient confiés. Au sujet du ministère, le Saint-Père a parlé de l’urgence de donner plus d’espace au diaconat permanent. Il est nécessaire d’affronter le problème de la manière d’assurer la présence d’un guide aux communautés réparties dans les villages perdus sur des kilomètres carrés, avec le ministère adapté à la situation. »
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat
Avec Anita Bourdin
 

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Hélène Ginabat

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