ROME, Jeudi 19 juin 2008 (ZENIT.org) – L’eucharistie n’est pas un souvenir du passé, c’est la présence réelle du Christ qui en même temps explique le don de soi des martyrs, a expliqué le cardinal Philippe Barbarin, en citant les martyrs de ces dernières années en Algérie.
L’archevêque de Lyon et primat des Gaulles a présenté au congrès eucharistique international de Québec (15-22 juin) le sacrifice de 19 catholiques d’Algérie, assassinés dans les années 90, victimes de la violence islamiste.
Le cardinal Barbarin a cité le témoignage des moines du monastère de Tibhirine, assassinés au printemps 1996, en soulignant que c’est l’eucharistie qui les a conduits à donner leur vie, alors qu’ils auraient pu quitter cet endroit pour un refuge plus sûr.
« Leur présence était une offrande, simple, discrète et comprise de tous. Et leur sacrifice a touché le monde entier. Présenter le christianisme sans la croix ou parler du sacrifice eucharistique sans dire jusqu’où il peut nous conduire serait un mensonge », a-t-il expliqué.
Mgr Henri Teissier lui-même, récemment encore archevêque d’Alger, était depuis plus de quinze ans quotidiennement en danger, a-t-il souligné.
« C’est dans ce climat spirituel qu’il célèbre l’eucharistie chaque jour. Les martyrs chrétiens d’Algérie ont donné leur vie à cause d’une fidélité évangélique à un peuple que Dieu les a envoyés servir et aimer », a-t-il ajouté.
Le cardinal Barbarin a cité le prieur de Tibhirine, le père Christian de Chergé, qui avait écrit : « S’il m’arrivait un jour d’être victime du terrorisme, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays (l’Algérie). »
« On imagine qu’il devait souvent penser aux Algériens, lorsqu’il prononçait les paroles de la consécration : ‘Ceci est mon corps livré pour vous’ », a ajouté le cardinal Barbarin.
« Ils avaient tous appris l’arabe ; le frère Luc, moine et médecin, le plus âgé de la
communauté de Tibhirine, soignait gratuitement les malades de la région. Quand
l’atmosphère est devenue dangereuse, ils ont choisi de rester », a-t-il précisé.
« C’est ce qu’avait expliqué monseigneur Pierre Claverie, l’évêque d’Oran, peu avant d’être assassiné à l’automne de cette même année 1996 : ‘Pour que l’amour l’emporte sur la haine, il faudra aimer jusqu’à donner sa propre vie dans un combat quotidien dont Jésus lui-même n’est pas sorti indemne’ », a-t-il expliqué.
« Après son assassinat, aucune religieuse, aucun prêtre, aucun laïc n’a quitté son poste dans le diocèse d’Oran. Et cela était bien conforme à ce qu’il avait un jour écrit : ‘Nous avons noué ici des liens avec les Algériens que rien ne pourra détruire, pas même la mort. Nous sommes en cela les disciples de Jésus, et c’est tout’ », a-t-il rappelé.
« Quand on aime un peuple, on continue de le servir même s’il va mal ; voilà la vérité de l’amour : il comporte toujours cette dimension d’offrande et de sacrifice. Cette attitude des disciples, vingt siècles plus tard, nous aide à comprendre l’eucharistie du Seigneur », a expliqué l’archevêque de Lyon.
« Jésus attirait les foules, quand il guérissait les malades et multipliait les pains ;
le peuple était suspendu à ses lèvres, lorsqu’il enseignait chaque jour dans le Temple (cf. Lc 19, 48). Mais rien n’a arrêté le mouvement de son amour, ni l’adversité ni le refus ni les complots et la jalousie, qui ont fini par le conduire à la mort ignoble de la Croix », a-t-il précisé.
« Accablés par la mort si injuste de cet Innocent sur la Croix, les disciples ont été
encore plus bouleversés par la Résurrection. Voilà la réponse que Dieu donne au péché des hommes ; il ouvre les portes du Royaume à son Fils bien-aimé, et nous promet que nous sommes aussi attendus dans cette demeure où Jésus est parti nous ‘préparer une place’ (Jn 14, 2) », a-t-il ajouté.
« Et, dans chaque Eucharistie, habités par cette espérance, ‘nous annonçons la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne’ », a poursuivi le cardinal.
« La vérité, c’est que lorsque Dieu nous aime, il nous associe à la grande aventure du salut du monde. Notre mission, c’est d’aimer. Voilà ce que nous apprenons de la vie du Seigneur, et tout spécialement du sacrifice de son eucharistie », a-t-il conclu.
Jesús Colina