ROME, Jeudi 16 octobre 2008 (ZENIT.org) – A un Dieu à l’écoute de l’humanité, l’Eglise doit répondre non seulement par l’écoute de Dieu mais par « l’écoute des pauvres » que Dieu entend : voilà un des points soulignés par un premier bilan du synode sur la Parole de Dieu, à mi-parcours.
Un premier document fait la synthèse des réflexions des membres du synode des évêques sur la Parole de Dieu : le fameux « Rapport après le débat », que le cardinal Marc Ouellet, PSS, archevêque de Québec, et justement « rapporteur général » du synode, a fini d’écrire dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 octobre pour le présenter dans l’après-midi de mercredi à l’assemblée synodale.
Cette synthèse des différentes interventions – préparées ou libres – de ces dix premiers jours de synode, propose des lignes d’orientation pour faciliter maintenant les travaux des carrefours qui déboucheront d’une part sur des « propositions » présentées à Benoît XVI et d’autre part sur un message final du synode à l’Eglise et au monde.
Une Eglise à l’écoute de Dieu et des pauvres
Le texte a été présenté ce jeudi matin à la presse par un panel représentant différents continents : le cardinal William Joseph Levada (Etats-Unis), préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, le cardinal Peter Kodwo A. Turkson, archevêque de Cape Coast (Ghana), président de la commission du synode pour l’information, le cardinal Odilo Pedro Scherer, archevêque de Sao Paulo (Brésil), et Mgr Luis Antonio G. Tagle, évêque d’Imus (Philippines), également de la commission pour l’information.
Mgr Tagle a souligné qu’il était particulièrement heureux du début de ce rapport parce que son point de départ est un Dieu qui « parle » mais aussi qui « écoute », et qui écoute, « mystérieusement » ceux que le monde n’écoute pas : les pauvres, les petits, les humbles.
Une orientation du rapport immédiatement recueillie, disait Mgr Tagle, dans les circuli minores, les « petits groupes », ou « carrefours », par plusieurs voix qui ont souligné l’importance pour l’Eglise d’ « écouter les pauvres que le Seigneur aime particulièrement », sinon, elle ne pourra pas « célébrer la parole et la fraction du pain ».
« L’écoute » devrait même être le « défi » relevé par l’Eglise aujourd’hui, et de façon à être contagieuse aussi pour toute l’humanité dans son « écoute des pauvres et de Dieu », de façon à « inviter l’humanité à être une humanité qui écoute ». Des propos qui tombent aujourd’hui, Journée mondiale de lutte contre la faim…
La « nouveauté » de ce synode
Pour ce qui est de la « nouveauté » du synode, si tant est qu’à mi-parcours on puisse déjà faire un bilan sur ce point, Mgr Tagle a mis en avant le fait que l’assemblée des évêques est l’occasion de faire le point sur le « dialogue » entre la constitution conciliaire sur la Révélation divine, « Dei Verbum » et les « expériences pastorales » qui ont surgi après Vatican II dans le domaine biblique.
« Dei Verbum », disait-il, a suscité une « grande motivation », mais on apprécie seulement maintenant le fruit de ce document, et « pas de façon intellectuelle », mais « dans la pratique pastorale » de l’Eglise.
A propos des convergences avec les autres livres sacrés des autres religions, Mgr Tagle a fait observer que le christianisme n’est pas la « religion du livre » mais « d’une personne à laquelle on donne notre obéissance et notre foi » : « Nous sommes au-delà des livres sacrés ».
Intérêt renouvelé pour la parole de Dieu
A propos de la « nouveauté » du synode, le cardinal Scherer a rappelé que le « but » du synode – « l’esprit » et « l’ambiance » qui s’y respire – est la « nouvelle importance » donnée à l’Ecriture sainte, « l’intérêt renouvelé » pour la Parole de Dieu, qui n’est « pas seulement ‘écriture’ ».
Ceci dit, le cardinal Scherer estime que « l’un des éléments de nouveauté qui apparaîtront plus fort » c’est cette insistance sur une Eglise « à l’écoute de la Parole » avant d’être « missionnaire de la Parole » et la nécessité de former les baptisés à êtres des « écouteurs » de la Parole plus que des « spécialistes » de la Bible qui « apportent la Parole avec joie » et partage « son expérience avec les autres ».
Il a mis en évidence les interventions demandant que l’Ancien testament ne soit « pas négligé » par les catholiques, « comme si c’était une partie moins importante de la Bible », car la Bible est « une ». Certes, les catholiques lisent l’Ancien Testament « à la lumière du Christ », mais il est particulièrement « important aussi pour le dialogue avec les Juifs de donner une juste valeur à l’Ancien Testament » et même « d’écouter leur lecture des textes ».
L’exégèse fait bon ménage avec l’anthropologie
Le cardinal Scherer a aussi relevé la question 18 posée par le cardinal Ouellet à la fin de son rapport : « Quelle formation philosophique est nécessaire pour bien comprendre et interpréter la Parole de Dieu et les Saintes Ecritures ? »
Il a rappelé que « pour interpréter correctement l’Ecriture, il faut aussi les sciences humaines, comme pour bien connaître la personne humaine, le langage, etc. On a donc besoin d’une anthropologie adéquate, et pas d’une vision matérialiste… Il faut, pour interpréter les Ecritures, un horizon large d’interprétation ».
Pour ce qui est des « méthodes » et de l’intervention de Benoît XVI (qui devrait être publiée ultérieurement), le cardinal Levada a souligné le rôle positif de l’utilisation « rationnelle » de la méthode historico-critique, et que le pape dans ses interventions cherche toujours la « rencontre juste entre foi et raison ».
« L’incarnation, a-t-il rappelé, est le nœud de l’interprétation des Ecritures », et il est donc juste de se concentrer « sur les facteurs historico-humains ».
Mais, ajoutait-il, « l’Ecriture sainte, en tant que Parole de Dieu révélée ne peut se limiter au domaine humain », car « l’histoire de la Création, nous montre que toute la Création est le résultat de la volonté et de l’amour de Dieu et inclut cette perspective de la nouvelle création dont Jésus est le Premier-né ».
« On doit considérer ensemble les justes facteurs de compréhension humaine, raisonnable, pour avoir une intelligence de la foi, de la Révélation de Dieu qui attend notre réponse : c’est ainsi que la tension entre fondamentalisme et méthodes radicales s’équilibre et arrive à la juste ligne d’interprétation de l’Ecriture ».
A propos du dialogue avec le monde juif, le préfet de la Doctrine de la Foi a renvoyé à la « merveilleuse » présentation du cardinal Albert Vanhoye, au début du synode, sur « L’autorité des Saintes Écritures du peuple juif », en rappelant que le cardinal français a été secrétaire de la Commission biblique pontificale, au moment où le président était le cardinal Ratzinger, alors préfet de ce même dicastère.
Quelques questions dans cette direction
A la fin de son rapport, le cardinal Ouellet relève en effet différentes questions soulevées par le débat à propos de l’interprétation des Ecritures, notamment la question 11 : « Comment approfondir le sens de l’Écriture et son interprétation dans le respect et l’équilibre entre la lettre, l’Esprit, la tradition vivante et le magistère de l’Église ? »
Le rapport élargit aussi le débat (question 15) à des questions à formuler encore qui « mériteraient un traitement plus détaillé de la part du magistère de l’Église (Inerrance, pneumatologie, rapport Inspiration-Écriture-Tradition-Magistère) ».
Le cardinal Turkson a pour sa part souligné le « message
», le « témoignage » que le synode donne aux communautés protestantes de l’importance que l’Eglise catholique donne à la Bible.
Enfin, la liste des questions proposées par le cardinal Ouellet se termine par cette note : « La liste n’est pas exhaustive et laisse toute liberté pour l’examen d’autres questions ».
Une question a immédiatement été posée lors de la discussion libre de mercredi soir, après le rapport : qu’en est-il de la prière de la liturgie des Heures ?
Anita S. Bourdin