ROME, Mercredi 3 mars 2010 (ZENIT.org) – L’Eglise d’Algérie vient de lancer une nouvelle revue interdiocésaine. Intitulée Pax & Concordia, elle a pour objectif de « donner la parole aux chrétiens et à leurs amis – y compris musulmans – pour parler du pays, des rencontres, questions, réflexions et activités » des chrétiens en Algérie, explique Michel Guillaud, coordinateur de l’équipe de rédaction.
Dans l’édito qu’il signe dans le premier numéro, Mgr Ghaleb Bader, archevêque d’Alger, évoque l’espoir que ce bulletin, « en plus d’être un signe de collaboration, de renouveau et d’unité », soit surtout « le signe d’une nouvelle espérance pour notre Eglise d’Algérie, capable de se renouveler et d’ouvrir de nouvelles portes malgré les difficultés qu’elle a à affronter tous les jours ».
Au long de ses 4 parutions annuelles, Pax & Concordia proposera un aperçu de l’actualité des diocèses de l’Eglise catholique en Algérie et de l’Eglise universelle. Chaque mois, un auteur algérien proposera une analyse pour la rubrique ‘Regard sur l’Algérie’ et un dossier présentera un aspect de la société algérienne, témoignant de l’implication de l’Eglise dans ce domaine.
Michel Guillaud évoque pour ZENIT les ‘premiers pas’ de cette revue interdiocésaine.
ZENIT : Qu’est-ce qui a motivé le lancement de cette revue ?
Michel Guillaud : Il y a quatre diocèses en Algérie : trois dans le nord (Oran, Alger et Constantine-Hippone) et un pour tout le sud. A titre interne, les catholiques d’Algérie souhaitaient une plus grande dynamique interdiocésaine. A titre externe, ils avaient le désir de partager ce qu’ils vivent avec leurs amis et les personnes intéressées par les relations islamo-chrétiennes.
L’équipe de rédaction est très modeste : une personne de chaque diocèse, qui communiquent entre elles surtout par Internet, et se voient physiquement une fois entre chaque numéro (personnellement, il me faut huit heures de bus pour rejoindre le membre le plus proche de notre équipe). Mais notre objectif est de donner la parole aux chrétiens et à leurs amis – y compris musulmans – pour parler du pays, de nos rencontres, questions, réflexions et activités.
ZENIT : Depuis le lancement de votre revue, quelles ont été les réactions des chrétiens d’Algérie ?
Michel Guillaud : Les premières réactions portaient d’abord sur la forme, exprimant la joie de disposer d’un magazine de qualité et pas seulement d’une « feuille de chou » austère et confidentielle. Elles exprimaient aussi le souci que puissent s’y reconnaître les catholiques de langue arabe et berbère, même si le choix semble pertinent de conserver la langue française comme langue principale pour la revue. Mais un grand intérêt est également manifesté pour les « dossiers », pour aller au-delà d’un simple partage de nouvelles, permettre formation et réflexion.
ZENIT : Dans son édito, Mgr Ghaleb Bader parle de ‘renouveau’ : sent-on aujourd’hui un renouveau dans l’Eglise d’Algérie malgré les difficultés qui persistent ?
Michel Guillaud : L’Eglise est marquée par la présence importante de jeunes d’Afrique sub-saharienne à qui l’Algérie propose des bourses d’étude, et aussi par celle des migrants désireux de gagner le nord. Elle est une Eglise jeune. Beaucoup d’entre eux sont chrétiens, de dénominations d’ailleurs fort variées. De ce point de vue, l’Algérie n’échappe pas plus que le reste du continent à l’émergence de communautés protestantes évangéliques, notamment en Kabylie. C’est un fait nouveau qui bouscule.
ZENIT : Que peut-on dire de la liberté religieuse en Algérie ?</b>
Michel Guillaud : L’intérêt manifesté par un certain nombre d’Algériens pour cheminer avec le Christ marque profondément notre Eglise. A cet égard, l’Algérie est probablement l’Etat arabo-musulman le plus respectueux de leur liberté, même si cela bouscule profondément la société et suscite parfois dans la population ou dans la presse des réactions vives, voire violentes. Les refus de visa opposés à des prêtres ou religieuses pourraient provoquer un étranglement de l’Eglise confrontée à un fort vieillissement de ses cadres, mais le dialogue se poursuit avec les Autorités comme en témoigne le colloque sur la liberté de culte organisé mi-février à Alger par le Ministère des Affaires religieuses.
Toutes ces nouveautés gardent pour toile de fond la conscience et la volonté très vives de l’Eglise catholique d’être une Eglise pour l’Algérie, pour tous les Algériens – on pourrait presque dire ‘pour l’islam’. Il s’agit de répondre à une vocation spécifique pour la relation islamo-chrétienne qui la marque tout entière et très profondément. L’enjeu va bien au-delà d’un souci de bon voisinage ou du service commun du pauvre, de la paix ou de la justice. Il s’agit d’aller vers un témoignage différencié mais harmonique du christianisme et de l’islam dans notre monde.
Pax & Concordia voudrait avec l’Eglise d’Algérie être au service de cela !
* Pax et Concordia tire son nom d’une célèbre mosaïque trouvée à Tipasa, site romain situé à 60 km à l’ouest d’Alger, qui porte l’inscription suivante : In Deo, pax et concordia sit convivio nostro (« En Dieu, que la paix et la concorde soit sur notre partage »). Le Convivium évoqué sur cette stèle est probablement stricto sensu un repas funéraire. Mais une interprétation contemporaine aime à élargir le cercle des convives pour appeler la paix et la concorde sur tous ceux qui vivent ensemble sur cette terre d’Algérie.
Propos recueillis par Marine Soreau