“La splendeur du visage du Seigneur sur nous, qui nous donne la paix, est la manifestation de sa paternité; le Seigneur tourne vers nous son visage, Il se montre Père et nous donne la paix. (…) Nul ne saurait enlever aux croyants cette paix, pas même les difficultés et les souffrances de la vie”, déclare Benoît XVI dans son homélie de la messe du 1er janvier 2013.
Le pape a présidé cette messe en la basilique Saint-Pierre, en la fête de Marie, Mère de Dieu, la « Théotokos », selon le concile d’Ephèse (431), troisième concile œcuménique de l’histoire du christianisme: c’est la plus grande festivité mariale de l’Année liturgique.
Une fête pouvant en cacher une autre, c’est ausi, traditionnellement, comme l’indique le Martyrologe romain, la fête de la Circoncision de l’Enfant Jésus: une circonstance que le pape mentionne dans son homélie.
Et c’est aussi, du point de vue pastoral, la Journée mondiale de la paix: le pape a beaucoup cité son Message poru cette journée de la paix, qui a pour thème: « Heureux les artisans de paix » (cf. Zenit du 1er janvier 2013, pour le « lien » au texte intégral en français).
Homélie de Benoît XVI :
Chers frères et sœurs,
« Que Dieu nous bénisse, qu’il fasse resplendir sur nous son visage » : c’est ainsi que nous acclamons, avec les paroles du Psaume 66, après l’avoir écoutée dans la première lecture, l’antique bénédiction sacerdotale sur le peuple de l’alliance. Il est particulièrement significatif qu’au début de chaque année Dieu projette sur nous, sur son peuple, la lumière de son saint Nom, un Nom prononcé trois fois dans la formule solennelle de la bénédiction biblique. Et il est non moins significatif qu’au Verbe de Dieu – qui « s’est fait chair et a habité parmi nous » come la « vraie lumière, celle qui éclaire tout homme » (Jn 1,9.14) – il ait été donné, huit jours après sa naissance, le nom de Jésus, comme nous le raconte l’Evangile d’aujourd’hui (cf. Lc 2,21).
C’est en ce nom que nous sommes réunis ici. Je salue de tout cœur toutes les personnes présentes, à commencer par les illustres ambassadeurs du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège. Je salue avec affection le cardinal Bertone, mon Secrétaire d’Etat, et le cardinal Turkson, ainsi que tous les membres du Conseil pontifical Justice et Paix; auxquels je suis particulièrement reconnaissant pour le travail qui a été fait pour la diffusion du Message de la Journée mondiale de la paix centré cette année sur le thème : « Heureux les artisans de paix ».
Bien que le monde soit malheureusement encore marqué par des « foyers de tension et d’opposition dus à de croissantes disparités entre riches et pauvres, à la domination d’une mentalité égoïste et individualiste, elle-même expression d’un capitalisme financier sans règles », en plus des différentes formes de terrorisme et de criminalité, je suis persuadé que « toutes les œuvres de paix, dont le monde abonde, témoignent de la vocation innée de l’humanité à la paix. En chaque personne, le désir de paix est une aspiration essentielle et elle coïncide, d’une certaine manière, au désir d’une vie humaine pleine, heureuse et bien accomplie. L’homme est fait pour la paix qui est un don de Dieu. Tout ceci m’a suggéré, pour ce Message, de m’inspirer des paroles de Jésus Christ : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9)» (Message, 1). Cette béatitude « dit que la paix est à la fois don messianique et œuvre humaine … C’est la paix avec Dieu, en vivant selon sa volonté. C’est la paix intérieure avec soi-même, la paix extérieure avec son prochain et avec toute la création » (ibid., 2 et 3). Oui, la paix est le bien par excellence à invoquer comme don de Dieu mais à construire aussi avec effort.
Nous pouvons nous demander: quel est le fondement, l’origine, la racine de cette paix? Comment sentir en nous cette paix, malgré les problèmes, les obscurités, les angoisses? La réponse nous est donnée par les lectures de la liturgie d’aujourd’hui. Les textes bibliques, mais surtout celui qui est tiré de l’Evangile de Luc, que l’on vient de proclamer, nous proposent de contempler la paix intérieure de Marie, la Mère de Jésus. Pour elle, durant les jours où elle « mit au monde son fils premier-né » (Lc 2,7), beaucoup d’événements imprévus se produisirent: non seulement la naissance de son Fils, mais avant le voyage fatiguant de Nazareth à Bethléem, le fait de ne pas trouver de place à l’auberge, la recherche d’un abri de fortune en pleine nuit ; et puis le chant des anges, la visite inattendue des bergers. Or, dans tout cela, Marie ne se trouble pas, elle ne s’agite pas, elle ne sent pas bouleversée par des faits plus grands qu’elle; elle considère simplement, en silence, ce qui lui arrive, le garde en mémoire et dans son cœur, y réfléchissant avec calme et sérénité. C’est cette paix intérieure que nous voudrions avoir au milieu des événements parfois tumultueux et confus de l’histoire, des événements dont nous ne saisissons parfois pas le sens et qui nous déconcertent.
Le passage évangélique se termine par une allusion à la circoncision de Jésus. Selon la Loi de Moïse, huit jours après sa naissance, un petit garçon devait être circoncis, et c’est à ce moment-là qu’il recevait son nom. Dieu lui-même, par son messager, avait dit à Marie – et à Joseph aussi
– que le nom à donner à l’Enfant était « Jésus » (cf. Mt 1,21; Lc 1,31); et il en fut ainsi. Ce nom que Dieu avait fixé avant même que l’Enfant ne fût conçu, lui est maintenant donné officiellement, au moment de sa circoncision. Ceci marque également une fois pour toutes l’identité de Marie: celle-ci est « la mère de Jésus », c’est-à-dire la mère du Sauveur, du Christ, du Seigneur. Jésus n’est pas un homme comme n’importe quel autre, mais il est le Verbe de Dieu, une des personnes divines, le Fils de Dieu : c’est pourquoi l’Eglise a donné à Marie le titre de Theotokos, c’est-à-dire «Mère de Dieu».
La première lecture nous rappelle que la paix est un don de Dieu et qu’elle est liée à la splendeur du visage de Dieu, selon le texte du Livre des Nombres, qui perpétue la bénédiction utilisée par les prêtres du peuple dans les assemblées liturgiques. Une bénédiction qui, à trois reprises, prononce le saint nom de Dieu, le nom imprononçable, l’associant à chaque fois à deux verbes qui indiquent une action en faveur de l’homme : « Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6,24-26). La paix est donc le sommet de ces six actions de Dieu en notre faveur, pendant lequel il tourne vers nous la splendeur de son visage.
Pour la sainte Ecriture, contempler le visage de Dieu constitue le plus grand des bonheurs: « Tu le réjouis de bonheur près de ta face », dit le psalmiste (Ps 21,7). Contempler le visage de Dieu suscite joie, sécurité et paix. Mais que signifie concrètement contempler le visage du Seigneur, comment le comprendre à partir du Nouveau Testament ? Cela veut dire le connaître directement, pour autant qu’on le puisse dans cette vie, grâce à Jésus-Christ, en qui il s’est révélé. Jouir de la splendeur du visage de Dieu veut dire pénétrer le mystère de son Nom qui s’est manifesté à nous par Jésus, comprendre quelque chose de sa vie intime et de sa volonté, afin que nous puissions vivre selon son dessein d’amour sur l’humanité.
L’apôtre Paul le dit, dans sa seconde lettre, tirée de la Lettre aux Galate
s (4,4-7), en parlant de l’Esprit qui, au plus profond de nos cœurs, s’écrie: « Abba ! Père !» Ce cri jaillit de la contemplation du vrai visage de Dieu, de la révélation du mystère de son Nom. Jésus affirme: « J’ai fait connaître ton nom aux hommes » (Jn17, 6). Le Fils de Dieu qui s’est fait chair nous a fait connaître le Père, nous a fait percevoir dans son visage humain visible le visage invisible du Père; par le don de l’Esprit Saint répandu dans nos cœurs, il nous a fait savoir qu’en Lui nous sommes nous aussi des enfants de Dieu. Saint Paul le dit dans le passage que nous avons écouté: « Et voici la preuve que vous êtes des fils : envoyé de Dieu, l’Esprit de son Fils est dans nos cœurs, et il crie vers le Père en l’appelant ’Abba ! Père’ ! » (Gal 4,6).
Voilà, chers frères, quel est le fondement de notre paix : la certitude de contempler en Jésus-Christ la splendeur du visage de Dieu le Père, d’être des fils dans le Fils et d’avoir ainsi, sur le chemin de la vie, cette même sécurité que l’enfant éprouve dans les bras d’un Père bon et tout puissant.
La splendeur du visage du Seigneur sur nous, qui nous donne la paix, est la manifestation de sa paternité; le Seigneur tourne vers nous son visage, Il se montre Père et nous donne la paix. Tel est le principe de cette paix profonde – « paix avec Dieu » – qui est liée indissolublement à la foi et à la grâce, comme écrit saint Paul aux chrétiens de Rome (cf. Rm 5,2). Nul ne saurait enlever aux croyants cette paix, pas même les difficultés et les souffrances de la vie. En effet, souffrances, épreuves et obscurités ne rongent pas mais font monter notre espérance, une espérance qui ne déçoit pas car : « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5).
La Vierge Marie, que nous vénérons aujourd’hui sous le titre de Mère de Dieu, nous aide à contempler le visage de Jésus, Prince de la Paix. Qu’elle nous soutienne et nous accompagne tout au cours de cette nouvelle année ; qu’elle obtienne pour nous et pour le monde entier le don de la paix. Amen!
© Libreria Editrice Vaticana
Traduction de ZENIT, Océane Le Gall