Les principes non négociables : un défi éducatif (I/III)

Inauguration d’une Ecole de formation politique

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Nous publions ci-desosus la première partie d’une synthèse du discours de Mgr Enrico Dal Covolo, recteur de l’Université pontificale du Latran, à l’occasion de l’inauguration de l’Ecole de formation politique promue par le mouvement italien « Politique Ethique Responsabilité » (PER), lundi 14 janvier 2013, au Latran (pour le programme, cliquer sur ce lien: http://www.pul.it/wp-content/uploads/2012/11/SFP2013.pdf).

Intervention de Mgr Enrico Dal Covolo

[…] La politique pourra se sauver de la situation de déclin dans laquelle elle est en train de verser, à la seule condition qu’elle récupère avec clairvoyance et profondeur de pensée son ancrage éthique. D’où l’occasion qui lui est fournie de se confronter avec l’objet formel du cycle de leçons qui commence aujourd’hui, précisément sur les fameux « principes non négociables ».

Comme on le sait bien, cette expression a été introduite il y a dix ans (novembre 2002), par une intervention de source autorisée de la Congrégation pour la doctrine de la foi et intitulée « Note doctrinale sur certaines questions concernant l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique ». Ces questions ont été ensuite illustrées à plusieurs reprises par le magistère du pape Benoît XVI et par d’autres prises de position des épiscopats au niveau national, entre autres en Italie.

Et bien, qu’entend-on par « principes non négociables » ? Avant tout, ce sont des « principes », par conséquent que l’on postule non-démontrés parce qu’ils sont dotés de l’évidence de la raison ; ils sont au début, c’est-à-dire à la base d’une argumentation morale qui en découle, destinée ensuite à entrer en dialogue avec « la coutume et le droit » (mores et jus), ou à inspirer d’un côté, l’organisation et le développement de la culture, de l’autre la règlementation juridique dans un état de droit.

Les principes non négociables sont donc une donnée qui semble reconnue comme cohérente par la raison, même si la foi chrétienne en confirme la valeur et en renforce le caractère obligatoire. Le logos a toujours reconnu leur existence et a toujours réagi avec fermeté à la prétention de la part du nomos d’en ignorer la priorité et le caractère intangible.

Quatre siècles avant le Christ, la tragédie grecque, une des expressions les plus belles et universelles de la pensée humaine, a affirmé le primat d’un droit naturel antérieur à l’organisation de la polis, et donc fondateur de la formation ordonnée même de la polis. Antigone, l’héroïne de Sophocle, déclare à Créon : « Eux, ils ont défini ce qui dans ce domaine fait loi chez les hommes ; je ne pensais pas que tes proclamations avaient une telle force que l’on pût, étant homme, outrepasser les lois non écrites et infaillibles des dieux. Car ces lois existent de tout temps, non pas d’aujourd’hui, ni d’hier, et personne ne sait où elles ont surgi (Sophocle, Antigone, vv. 452-457 ; trad. de I. Bonnaud et M. Hammou).

Benoît XVI passera à l’histoire comme le pape « apologiste » de la bonté et de la capacité de la raison humaine. Aux parlementaires qu’il rencontre lors de ses voyages apostoliques, en Angleterre comme en Allemagne, il ne cesse de rappeler que la laïcité est le déclin non pas de la foi (bien évidemment) mais de la raison. Et c’est la raison qui, dans son exercice, ne peut pas ne pas admettre la présence et l’inviolabilité des principes non négociables.

Et cet enseignement lui tient tellement à cœur que le pape le propose aussi dans ses interventions adressées aux fidèles, quasiment sous la forme de catéchèses. Je me souviens, par exemple, de ce qu’il a dit en présentant la pensée d’un théologien du Moyen-Age, John of Salisbury. « Il existe également », fit remarquer le pape à cette occasion (c’était le 16 décembre 2009), « une vérité objective et immuable, dont l’origine est Dieu, accessible à la raison humaine et qui concerne l’action pratique et sociale. Il s’agit d’un droit naturel, auquel les lois humaines et les autorités politiques et religieuses doivent s’inspirer, afin qu’elles puissent promouvoir le bien commun. Cette loi naturelle est caractérisée par une propriété que Jean appelle « équité », c’est-à-dire l’attribution à chaque personne de ses droits. De celle-ci découlent les préceptes qui sont légitimes chez tous les peuples et qui ne peuvent en aucun cas être abrogés […] le thème du rapport entre loi naturelle et organisation juridique positive, au moyen de l’équité, est encore aujourd’hui d’une grande importance. A notre époque, en effet, surtout dans certains pays, nous assistons à une séparation préoccupante entre la raison, qui a la tâche de découvrir les valeurs éthiques liées à la dignité de la personne humaine, et la liberté, qui a la responsabilité de les accueillir et de les promouvoir. Peut-être Jean de Salisbury nous rappellerait-il aujourd’hui que ne sont conformes à l’équité que les lois qui protègent le caractère sacré de la vie humaine et qui repoussent la légalité de l’avortement, de l’euthanasie et des expérimentations génétiques irresponsables, ces lois qui respectent la dignité du mariage entre l’homme et la femme ».

Dans son discours, d’où j’ai tiré cette citation, le pape a indiqué les deux premiers des trois principes non négociables clairement présentés avec une sobre efficacité en mars 2006, lorsqu’il a accueilli les participants du congrès promu par le Parti populaire européen.

Ce sont : a) « La protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle » ; b) « la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille – comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage – et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d’union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent  à  sa  déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable » ; c) « la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants ».

Dans la suite de mon intervention, je m’arrêterai uniquement sur le premier des principes non négociables, le droit à la vie, et j’argumenterai ma pensée en me basant sur trois sources du savoir qui me sont le plus familières. Avant tout, en raison du service que je rends en tant que recteur de l’université du pape, je voudrais rappeler quelques éléments du magistère pontifical du bienheureux Jean-Paul II ; en second lieu, l’enseignement et la recherche dans le domaine de la littérature chrétienne antique me conduisent à valoriser l’enseignement des Pères de l’Eglise ; enfin, mon expérience comme postulateur de la cause des saints de la famille salésienne m’a mis en contact avec le témoignage de nombreux croyants dont la vie est en soi une leçon de vie.

(A suivre)

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Enrico dal Covolo

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