ROME, lundi 16 janvier 2012 (ZENIT.org) – « Si nous voulons aider notre peuple, c’est par l’éducation parce qu’une personne instruite souffrira moins qu’une personne illettrée. L’éducation est la clé de l’autonomie, particulièrement pour la génération montante »: récemment nommé évêque du diocèse de Solwezi, quatrième prêtre chargé de l’administration du diocèse depuis sa création en 1976, Mgr Charles Kasonde évoque en ces termes les défis et les espoirs de sa mission.
Le diocèse de Solwezi, situé dans l’archevêché de Lusaka en Zambie, s’étend sur 88.300 kilomètres carrés et compte une population de 750.000 habitants, dont 80.000 catholiques.
Les propos de l’évêque de Solwezi ont été recueillis par Marie-Pauline Meyer, pour l’émission télévisée hebdomadaire « Là où Dieu pleure », du Réseau catholique de radio et de télévision (Catholic Radio and Television Network, CRTN), en collaboration avec l’association internationale de L’ « Aide à l’Eglise en Détresse », (AED).
Marie-Pauline Meyer – Excellence, vous venez d’être nommé évêque. La tâche est-elle difficile ?
Mgr Charles Kasonde – Oui et non. C’est difficile de savoir que je dois remplir cette tâche qui demande beaucoup d’expérience et par rapport à cette longue expérience, j’en ai très peu moi-même. Lorsque vous êtes ordonné prêtre, vous restez ouvert aux sollicitations de l’Esprit-Saint dans votre vie et à ce que l’Eglise attend de vous. Alors nous, prêtres, nous avons un esprit missionnaire et nous sommes prêts à être envoyés n’importe où et à recevoir n’importe quelle charge ; pour nous il ne s’agit pas d’une promotion, c’est une nomination à laquelle nous répondons “oui” gratuitement et nous avançons. C’est pourquoi je compte sur la grâce de Dieu pour m’aider à mener à bien mes activités avec le soutien des chrétiens, de mes frères prêtres, diacres, évêques et avec toute la fraternité qui est au sein de l’Eglise.
J’ai entendu dire qu’il y a de nombreuses sectes chrétiennes qui viennent en Zambie. Avez-vous déjà eu affaire à elles ?
Mon diocèse est particulier dans la mesure où, sur dix diocèses, c’est dans l’ensemble le seul qui ait été occupé par les Protestants. Ces frères et sœurs ont beaucoup donné en y proclamant la Parole de Dieu. Le catholicisme est un peu étranger, mais il pénètre lentement, les gens commencent à nous connaître et nous avons déjà fait construire des églises bien qu’elles soient de très mauvaise qualité. Dans presque toute la province nord-ouest, qui couvre mon territoire canonique, sur une population d’environ 900.000 personnes, la présence catholique est de 90.000 à peine – 10% de l’ensemble de la population. Dans d’autres coins, le nombre des catholiques s’élève jusqu’à 70 – 80% ; j’ai encore du chemin à faire.
Vous dites que votre diocèse est surtout rural, ce qui veut dire que les gens sont très pauvres. Les pauvres sont-ils attirés vers les autres Eglises parce qu’on leur donne à manger et qu’on répond aux besoins de leur vie quotidienne ?
Oui. Les pauvres ne le font pas intentionnellement, mais parce qu’ils manquent du strict minimum. Si vous voulez parler de la pauvreté, elle est omniprésente.
Pouvez-vous décrire la pauvreté ?
La pauvreté, c’est gagner moins d’un dollar par jour. On gagne cinquante centimes par jour ici – c’est tout. Certains n’y arrivent même pas. Les gens doivent beaucoup se battre et ils dépendent des produits de la ferme. Ils dépendent aussi de la pluie parce que nous n’avons pas de systèmes d’irrigation ; à part quelques privilégiés, la majorité des habitants dépend de la pluie. Sans la pluie, c’est la sécheresse, ce qui veut dire qu’ils n’ont pas les moyens de pourvoir aux besoins quotidiens de leur foyer, de payer les frais de scolarité. C’est une situation très difficile mais avec la grâce de Dieu nous survivons et nous sommes heureux même au cœur de la pauvreté.
Si l’on consulte Internet au sujet de la Zambie, la plupart du temps, les informations portent sur le sida et les problèmes liés à la pauvreté. Est-ce ainsi que vous voyez votre pays ?
Je vois cela mais la Zambie n’est pas que cela. La Zambie est un beau pays, pacifique. Peut-être que les médias veulent donner cette image de la Zambie mais la Zambie ne se réduit pas à la pauvreté, au sida ou à la corruption. Nous avons ces problèmes bien sûr, mais lorsqu’on se promène, on voit des Zambiens riches et des Zambiens pauvres, ils sont joyeux et compétents dans ce qu’ils font. Les Zambiens sont des personnes modérées et tout cela fait un beau mélange. Si l’on met tant l’accent sur le sida, la pauvreté et la corruption, c’est parce que beaucoup de Zambiens y sont opposés.
Le sida est quand même un problème ?
Le sida est certainement un grand problème dans la région sub-saharienne de l’Afrique dont fait partie la Zambie. Comme il n’y a pas de traitements, si quelqu’un est touché, cela se répand. Nous avons vu mourir du sida surtout les personnes d’âge moyen, celles qui sont le gagne-pain, le soutien de famille et ce sont alors les personnes à la retraite, âgées, faibles – les grands-mères et les grands-pères – qui ont dû à nouveau jouer le rôle de parents pour leurs petits-enfants orphelins, parce que leurs propres enfants mouraient ou étaient déjà morts.
Avez-vous une solution ?
Je pense que l’une des solutions serait d’investir dans l’éducation. A l’époque, l’Eglise catholique pourvoyait à l’instruction, puis le gouvernement a tout pris en main et “zambianisé”, ce qui était une bonne chose mais ils ont été débordés et n’ont pas été capables de donner un service de qualité en matière d’éducation. Ils veulent s’en décharger à nouveau sur l’Eglise maintenant que les écoles sont délabrées et en mauvais état. Alors l’Eglise est un peu hésitante mais nous savons que l’éducation est une priorité. Si nous voulons aider notre peuple, c’est par l’éducation parce qu’une personne instruite souffrira moins qu’une personne illettrée. L’éducation est la clé de l’autonomie, particulièrement pour la génération montante ; si ces personnes sont instruites, elles pourront trouver par elles-mêmes leurs moyens de subsistance et de survie. C’est donc un secteur que je veux examiner – récupérer les écoles. Si nous avons l’argent pour y investir, nous pourrons les rénover et faire venir des professeurs pour instruire nos enfants.
Quel est l’espoir pour votre pays ?
La Zambie est très riche en ressources minérales et naturelles. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un dirigeant qui soit capable d’interpréter les signes des temps ; un dirigeant capable de mourir un peu pour son peuple, un dirigeant sincère et honnête. Nous ne pouvons pas rester pauvres comme nous le sommes parce que partout où vous allez, vous trouvez des minéraux et nous vivons dans une zone de pluie. A chaque saison, nous avons la pluie, c’est pour cela d’ailleurs que les habitants n’ont pas investi dans l’irrigation, parce que nous avons suffisamment de pluie à chaque saison pour nos cultures. La pauvreté en Zambie est exagérée. Tout ce dont la Zambie a besoin, c’est d’un chef capable d’imposer le respect et de mettre de l’ordre, et nous serons au bout de nos peines.
Propos recueillis par Marie-Pauline Meyer
Traduction de l’anglais par Hélène Ginabat (ZENIT)