Anne Kurian et Océane le Gall
ROME, mercredi 11 juillet 2012 (ZENIT.org) – L’urgence manifestée par les tragédies répétées au Nigeria concerne tout le continent africain, affirme M. Introvigne, qui appelle l’Europe à « réagir ».
La violence vis-à-vis des chrétiens au Nigeria ne s’arrête pas : encore 50 personnes trouvées mortes dans une église du village de Matsai, et 90 autres après des attaques de groupes d’hommes armés qui ont fait irruption dans plusieurs villages de l’Etat du Plateau.
Responsabilité internationale
« Le temps des belles paroles, est terminé », déclare M. Introvigne : « Au contraire, en continuant à ne pas réagir, nous risquons tous de nous habituer à l’horreur et de voir ces nouvelles glisser dans les pages internes des journaux ».
Pour « réagir », poursuit-il, « il faut avant tout aider les forces de l’ordre nigérianes ». Une mission italienne a eu récemment lieu à ce titre au Nigeria, sous la direction de l’envoyée spéciale pour les urgences humanitaires, Margherita Boniver.
La mission a notamment proposé une collaboration bilatérale en matière de sécurité, que l’Observatoire italien est appelé à faire connaître et approfondir.
Mais l’Italie ne suffit pas, estime M. Introvigne, il faut que l’Europe réagisse. En outre, ajoute-t-il, « il faut se rendre compte que l’urgence n’est pas nigériane mais continentale ».
« L’Union Africaine et les autres organisations internationales doivent prendre acte que les massacres de chrétiens en Afrique est une des grandes urgences humanitaires du siècle, et travailler à une stratégie régionale qui isole et stoppe les foyers idéologiques et militaires du terrorisme anti-chrétien », insiste-t-il.
Pour M. Introvigne, la terreur et la haine partent des zones contrôlées par Al-Qaïda, au Mali et en Somalie, et s’étendent aux chrétiens de tout le continent.
Il donne des chiffres: «Depuis le début de l’année, chaque dimanche au Nigeria, se répète un rite obscène et macabre où les chrétiens qui se rendent à l’église sont massacrés par le mouvement ultra-fondamentaliste islamiste Boko Haram et ses complices. On compte plus de 600 morts en 2012, et plus de 10.000 ces douze dernières années ».
Des massacres « annoncés »
Il estime que les massacres du week end dernier, sont des « massacres annoncés », selon un rituel « macabre et obscène » du mouvement Ultra fondamentaliste islamique Boko Haram, qui, chaque dimanche, depuis le début de l’année, massacre des fidèles qui vont à la messe.
Sur place, Jonah Jang, le gouverneur de l’Etat du Plateau a proclamé le couvre-feu nocturne, avec effet immédiat dans quatre régions de l’Etat, déjà théâtre par le passé de très graves tensions de nature ethnique et religieuse. Pour sa part, le président du sénat nigérian, David Mark, ha condamné ce nouvel « assassinat » , affirmant : « Comme nation, nous devons nous élever contre ceux qui veulent revenir à l’état sauvage, où la vie n’a aucune valeur »
Les villages attaqués dans la nuit de samedi à dimanche dernier sont, selon la BBC, les villages de : Dogo, Kai, Kakuruk, Kuzen, Kogoduk, Kpapkpiduk, Kufang, Ngyo et Ruk.
Les autorités nigérianes accusent les bergers Fulani, une tribu de religion musulmane, d’être à l’origine de cette nouvelle vague de violence. Pour les représentants des Fulani, les responsables des attaques sont à rechercher parmi les militaires.
Aspect ethnique
Dans un entretien à l’agence Fides, l’archevêque de Jos et président de la conférence épiscopale du Nigeria, Mgr Ignatius Ayau Kaigama, affirme que l’origine des tensions est de nature économique et qu’elle est à rechercher dans les heurts entre agriculteurs et bergers. « C’est un vieux problème qui n’a pas encore été résolu », a-t-il commenté, lors de son passage à Rome.
« Les bergers Fulani se sentent victimes d’une injustice parce que leur bétail a été tué ou volé et qu’ils ne reçoivent aucun dédommagement pour les pertes subies », explique Mgr Kaigama. « Je pense que la colère qui est à l’origine de cette situation les pousse à attaquer de cette manière horrible ».
Mais selon l’archevêque, la violence a aussi un aspect ethnique, fruit de heurts entre les Fulani, à majorité musulmane, et les Birom, essentiellement chrétiens.
« Les disputes entre ces deux groupes durent depuis très longtemps », a-t-il ajouté, sans exclure néanmoins la possibilité d’une origine politique à ces attaques, divers agresseurs ayant été trouvés habillés d’uniformes militaires.