Propos recueillis par Anne Kurian

ROME, vendredi 13 juillet 2012 (ZENIT.org) – Dans le domaine de l’écologie, l’Eglise doit « donner l’exemple » et ne pas se contenter de « prêcher », affirme Mgr Stenger.

Pour l’évêque, c’est tout le développement de l’homme qui est en jeu dans l’écologie, car « il ne peut pas s’épanouir si la nature ne s’épanouit pas avec lui ».

Mgr Marc Stenger, évêques de Troyes, est président du groupe de travail « Ecologie et environnement » de la Conférence des évêques de France. Il a accordé cet entretien à Zenit sur le dernier ouvrage du groupe de travail, intitulé « Enjeux et défis écologiques pour l’avenir », paru aux éditions Bayard/Fleurus-Mame/Cerf.

Zenit – Pourquoi est-ce que la Conférence des évêques de France s’exprime sur l’écologie ?

Mgr Marc Stenger – L’homme n’existe pas autrement qu’en lien avec la nature, en lien avec les autres hommes et en lien avec Dieu. Si l’Eglise ne s’intéresse pas à l’écologie, elle fait l’impasse sur une partie essentielle de ce qui constitue l’humain. Cependant elle ne s’y intéresse pas comme à une idée à la mode, et pas non plus comme pour répondre à une menace qui met le monde en danger aujourd’hui. Elle s’y intéresse comme à ce qui permet à l’homme d’être pleinement homme. L’homme ne peut pas vivre en-dehors de cette nature, que nous chrétiens appelons « création ».

L’ouvrage donne aussi des conseils pratiques. Pourquoi ?

Il est vrai que l’écologie est un problème technique et l’Eglise n’est pas experte dans la technique, donc elle n’a rien à dire dans ce domaine. Mais dans la mesure où l’écologie est le problème de l’homme, elle touche au comportement humain. L’écologie est une question de comportement, et l’Eglise peut et doit parler concrètement à ce sujet. En outre, elle doit non seulement parler, mais elle doit aussi agir, donner l’exemple. Elle doit montrer qu’elle ne se contente pas de prêcher, mais qu’elle vit ce qu’elle prêche. Il faut qu’elle dise « voilà ce qu’est un comportement juste, digne de l’homme, respectueux de la création », et qu’elle le vive.

Quel doit être ce comportement ?

C’est un comportement qui rend grâce à Dieu pour le cadeau de la création, un comportement qui tient compte de l’autre, qui est solidaire et juste. Un comportement qui ne s’accapare pas les ressources du monde, données par Dieu, mais entre dans une démarche de partage.

Existe-t-il une « écologie chrétienne » ?

Il n’existe pas « d’écologie chrétienne ». Mais il y a une manière chrétienne de vivre l’écologie, c’est-à-dire d’être en relation avec la nature. Cela consiste en trois fondamentaux : d’abord, recevoir la nature comme un cadeau, dont on est responsable et qu’on aime. Si je la dégrade, je ne l’aime pas. Ensuite, respecter les autres hommes, c’est-à-dire avoir un usage de la création qui permette à tous d’en bénéficier. Il nous faut penser aussi aux générations de demain, qui paieront les choix de consommation que nous faisons aujourd’hui. Il faut donc être solidaire dans le partage des ressources avec nos contemporains et avec ceux qui nous succèderont. Enfin, faire de l’écologie de façon chrétienne, c’est avoir conscience que c’est le développement intégral de la personne humaine qui est en jeu. Tout ce que nous faisons doit permettre à l’homme de s’épanouir, et il ne le peut que si la nature s’épanouit avec lui.

Quelles peuvent être les dérives de l’écologie ?

Il y a une certaine écologie qui sacralise la nature, tant et si bien qu’elle considère la nature bonne et l’homme mauvais. Dans une conception chrétienne, on ne peut pas dire cela. L’homme en effet peut mal se comporter envers la nature mais cela ne signifie pas qu’il est mauvais. Il faut donc aider l’homme à retrouver le chemin de son véritable épanouissement, la réalisation de toute la personne dans une relation constructive avec la nature. Au centre de l’écologie, il doit y avoir l’homme. La nature n’est pas un en-soi, elle existe avec l’homme et l’homme a besoin de la nature. C’est pourquoi elle mérite tout son respect et tout son amour.

Peut-on être chrétien sans être écologiste ?

Je ne pense pas. Mais ce doit être l’écologie vécue d’une manière chrétienne, dont on a parlé plus haut.

Que diriez-vous aux lecteurs de Zenit qui vont partir en vacances dans la nature ?

Je préside une antenne environnement et mode de vie qui dépend de Pax Christi. Chaque année, nous faisons une campagne pour « vivre l’été autrement ». Je dirais aux vacanciers  de profiter de ce temps où ils sont dans la nature pour renouveler leur rapport à la nature. Que ce soit une occasion, pour ceux qui habitent en ville notamment, au milieu du béton et dans un rythme stressant, de re-goûter la nature. J’encourage à prendre le temps de goûter l’environnement dans lequel on est, sans tomber dans l’activisme des vacances, la course aux visites de monuments… Goûter la nature ne va pas sans goûter également les autres hommes, renouveler sa relation aux autres, avec lesquels on partage cette nature. En tant que chrétien, les vacances sont aussi le temps pour renouveler sa relation à Dieu, et reconnaître sa bonté et sa beauté dans la nature dans laquelle nous sommes.