Somalie: "Bombarder la Somalie ne servirait à rien " déclare Mgr Bertin

Fides interroge l´Administrateur apostolique

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CITE DU VATICAN, Jeudi 6 décembre 2001 (ZENIT.orgFIDES) – « Bombarder la Somalie ne servirait à rien  » déclare Mgr Bertin à l´agence Fides, au moment où des rumeurs parlent d´éventuelle offensive américaine contre la Somalie, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme international.

« Bombarder la Somalie ne servirait à rien. Au contraire, cela risquerait d´apporter de nouvelles recrues aux terroristes. Je demande aux dirigeants occidentaux d´abandonner cette idée et d´utiliser d´autres méthodes pour combattre » le terrorisme. Telle est l´opinion de Mgr Bertin, évêque de Djibouti et administrateur apostolique de Somalie. Il a accepté de répondre aux questions de Fides au moment où la presse internationale indique la Somalie comme objectif possible de la campagne occidentale contre le terrorisme.

F. – La Somalie est indiquée comme le prochain objectif de la guerre contre le terrorisme. Que pensez-vous d´une intervention militaire éventuelle ? Quelle force représentent les groupes extrémistes dans le pays ?

Mgr B. – A partir de 1985, et surtout dans les dernières années d´absence de l´Etat, on a vu se former des groupes islamiques qui, face à l´échec de l´Etat laïc, proposent de créer un Etat islamique. Certains groupes sont armés. Ils ont entrepris des actions en Ethiopie surtout, dans des régions habitées par les Somalis. Une certaine confusion s´est ainsi créée entre le mouvement somalien de revendication et l´islamisme. La population somalienne ne mérite pas d´être bombardée : tout d´abord, parce que les groupes islamiques ne représentent pas une menace pour le monde occidental. Depuis des années, l´Ethiopie les combat, et il est difficile qu´ils puissent entreprendre des actions de grande envergure. Ensuite, parce que les extrémistes sont isolés du reste de la société somalienne : la majorité des Somaliens ne les reconnaît pas. Une action militaire amènerait les gens à se solidariser avec les extrémistes, en aggravant le problème. Les dirigeants occidentaux doivent donc bien réfléchir, et recourir à d´autres moyens pour combattre le terrorisme.

F. – Quelle est la situation de la communauté chrétienne en Somalie ?

Mgr B. – On ne peut parler de communauté chrétienne. Il n´y a que quelques chrétiens, y compris des religieuses. Il s´agit en grande partie d´étrangers qui travaillent pour des organisations humanitaires. Il existe aussi un groupe de jeunes catholiques à Mogadiscio. Ces jeunes gens, dans la situation de chaos où se trouve le pays, vivent isolés et dans de véritables « catacombes ». Moi-même, je ne puis les rencontrer en tant que groupe, pour la raison également que je dois respecter des règles de sécurité, ni même deux ou trois en même temps. Le retour des autorités de l´Etat est important pour garantir aux quelques chrétiens la sécurité personnelle, et à l´Eglise, la possibilité de mener son action pastorale et caritative. La Caritas de Somalie elle-même n´est pas présente dans le territoire comme structure, mais elle appuie les initiatives d´autres organisations humanitaires.

F. – La Somalie n´a plus d´Etat central depuis 1991. Quelle est la situation politique actuelle du pays?

Mgr B. – La Somalie est divisée actuellement en trois parties au moins. Au nord, il y a la République du  » Somaliland « , qui s´est déclarée indépendante il y a 10 ans, mais n´a pas été reconnue par la communauté internationale. Dans cette région, il y a une certaine stabilité, en particulier dans la partie centrale occidentale.

Dans la partie nord-est, il s´est créé, durant les 3 ou 4 dernières années une région de sécurité relative qui a amené à la fondation de la « Puntland ». Il s´agit d´une administration locale provisoire qui n´a pas de visées d´indépendance. Toutefois, ces deux dernières années, la situation s´est dégradée rapidement, avec la création de deux pouvoirs exécutifs en lutte l´un contre l´autre.
Le sud de la partie centrale, la plus habitée et la plus riche en ressource potentielles, est la région du pays qui n´a jamais réussi à se donner une administration stable. Le gouvernement de transition, formé il y a un an avec la Conférence de Djibouti, s´est installé dans la capitale Mogadiscio ; mais il ne contrôle pas le reste du territoire. Le gouvernement toutefois continue à être accrédité auprès de la communauté internationale.

Récemment, M. Hassan Abshir Farah a formé un nouvel exécutif qui a entrepris des relations avec l´Ethiopie. Mogadiscio et Addis-Abeba ont décidé de convoquer dans les prochains mois une conférence à Nairobi pour tous les partis somaliens. Il s´agit d´un développement important, parce que l´Ethiopie a toujours cherché à affaiblir le gouvernement de Mogadiscio, et ce dernier n´a toujours pas été appuyé par les différentes éléments et groupes locaux.

F. – D´où vient cette instabilité en Somalie ?

Mgr B. – Les Somaliens n´ont pas le  » culte de l´Etat « . Ce sont des populations liées surtout au clan et au nomadisme. Il ne faut pas oublier que, après l´indépendance de 1960 ; les dirigeants de la Nation ont pillé avec avidité et sans retenue les ressources du pays. Ces derniers temps, en outre, les différents chefs de clans n´ont travaillé pour leur propre intérêt. Tout cela désagrège le sens de la communauté : la logique du clan prévaut sur celle du bien commun.

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ZENIT Staff

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