Trois semaines de rencontres, de réflexions, d’actions concrètes et de prières. Un temps long mais productif, de dialogue académique et humain entre éducateurs et étudiants, en vue d’une formation intégrale. Voilà, en résumé, le sens du récent voyage institutionnel que le recteur de l’Université pontificale du Latran, Mgr Enrico dal Covolo, a effectué pendant la période de Noël (du 19 décembre 2013 au 11 janvier 2014).
La première étape, qui s’est déroulée dans le Pacifique, sur l’île évocatrice de Guam, a été suivie de deux autres en Amérique latine, au Pérou puis au Mexique. Guam, de l’archidiocèse d’Agaña, est un île de l’océan Pacifique occidental. Elle fait partie du territoire des États-Unis d’Amérique et compte environ 160.000 habitants, 85% d’entre eux étant de religion catholique.
Le recteur de l’Athénée du Latran a voulu que ce soit la première étape de son voyage.
Excellence, choisir de visiter Guam signifie toucher ce qu’on appelle une « périphérie du monde ». Pourquoi ce choix d’aller si loin ?
Mgr dal Covolo – Il y a deux raisons principales. En premier lieu, Guam est le siège de l’Institut de théologie catholique pour l’Océanie, consacré au bienheureux Diego Luis de San Vitores, le père jésuite qui a apporté la foi sur l’île dans la seconde moitié du XVIIème siècle. En second lieu, pour partager la mission du Latran avec une communauté éloignée des lieux habituels de la tradition chrétienne : pour sauvegarder l’idée authentique de l’université, qui se veut le lieu du savoir universel. Toutefois, ce n’est pas tant parce qu’on y trouve toutes les facultés possibles et imaginables que parce qu’il s’agit d’un environnement académique réellement ouvert à la synthèse de la philosophie et de la théologie, attentif aux questions fondamentales de l’homme : qui suis-je, pourquoi suis-je venu au monde, quel est le sens de ma vie, y a-t-il un Dieu et, si ce Dieu existe, prend-il soin de moi ? Voilà les questions caractéristiques d’une synthèse mûrie au niveau philosophique et théologique. Si je devais donc qualifier ces motifs par des adjectifs, je dirais que cela a été d’une part une visite institutionnelle et, de l’autre, une visite pastorale.
Depuis que vous dirigez l’Athénée du Latran, vous vous êtes rendu dans de nombreux pays : deux étapes en Amérique latine, cette fois-ci, mais aussi le Moyen-Orient et le Brésil l’an dernier, et un certain nombre de pays européens. Guam représente vraiment une nouveauté. Parlez-nous de ce pays, si peu connu.
C’est un pays festif et ouvert, malgré son passé récent. Pendant la seconde guerre mondiale, en effet, Guam a été victime d’extermination par les Japonais, après l’attaque de Pearl Harbour. Ces terres sont aussi baignées du sang de milliers de soldats américains et nippons, en raison du long combat au cours duquel les États-Unis ont reconquis l’île. Ce que j’y ai perçu, au-delà de l’accueil chaleureux que m’ont réservé les Autorités, les médias et la population en général, c’est une extraordinaire disponibilité pour accueillir notre message éducatif. C’est pour cette raison qu’il est urgent de trouver les modalités pour que notre formation soit accessible à un plus large éventail de la population océanienne, qui ne soit pas limité aux clercs dont le nombre et l’enthousiasme ne cessent d’augmenter dans cette région. Je ne peux que remercier Mgr Anthony Sablan Apuron, l’archevêque capucin d’Agaña pour cette extraordinaire occasion d’échanger.
Après Guam, vous vous êtes rendu au Pérou, puis vous avez terminé votre voyage par le Mexique. Quels ont été les moments les plus significatifs de ces deux étapes ?
Le 2 janvier a été un jour important pour les relations internationales de l’Université pontificale du Latran. En présence du Grand chancelier de l’Université catholique Sedes Sapientiae, l’évêque de Carabayllo, j’ai signé une convention qui lie les deux établissements. La réalité académique représente, en effet, une grande valeur ajoutée pour le Pérou, puisqu’elle permet aux jeunes plus pauvres du pays d’accéder à la formation universitaire. Elle a la particularité d’avoir des sièges délocalisés dans les zones les plus éloignées de la forêt amazonienne, afin d’être au service des populations indigènes. Au Mexique, j’ai fait une étape à Guadalajara, où j’ai visité le séminaire qui a le plus grand nombre de séminaristes au monde et qui est affilié à notre université : le séminaire de Toluca et de la ville de Mexico. Dans la capitale, la visite de la basilique de Notre Dame de Guadalupe, où j’ai pu célébrer l’Eucharistie et vénérer l’image de la Vierge, reste un souvenir inoubliable.
L’Amérique du Sud, située « au bout du monde », pour reprendre les paroles du pape François, et terrain fertile pour une nouvelle évangélisation et inculturation… À propos du pape argentin, percevez-vous une nouvelle voie pour l’Église universelle ?
Il est certain que chaque pape a sa spécificité pastorale. Avec le pape François, c’est encore plus évident à cause de son enthousiasme contagieux et de sa volonté de « vivre » parmi les gens. Toutefois je ne parlerais pas précisément de « discontinuité » de contenus doctrinaux, mais plutôt d’un nouveau style fait de simplicité, de transparence, d’immédiateté, de miséricorde à tous les niveaux. Je crois que le pape François est en train de réaliser une œuvre d’exorcisme sur l’Église, qui doit sortir de ses propres peurs et de ses fermetures. Les gens ont confiance et s’ouvrent à lui.
En conclusion, pourriez-vous trouver une image pour décrire votre voyage ?
Plus qu’une image, je choisis une des trois vertus théologales : l’espérance. À Guam, au Pérou et au Mexique, l’espérance s’incarne dans les visages et dans les actions des femmes et des hommes que j’ai eu le privilège de rencontrer. Malgré les difficultés évidentes (je pense, par exemple, à l’état de dégradation et de pauvreté des favelas au Pérou), j’ai lu la volonté d’une libération et d’un avenir, animée par la foi en Jésus-Christ.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat