La prière de Benoît XVI pour les malades est « un ministère pastoral très important ». Lorsqu’il était pape, sur son prie-Dieu, une petite boîte contenait des intentions de prière qu’il recevait : « Je sais qu’il les feuilletait souvent », confie Mgr Xuereb.
Dans un entretien publié en polonais sur le blog catholique « Stacja 7 », Mgr Alfred Xuereb évoque ses années de service auprès du pape Benoît XVI, comme second secrétaire (cf. Zenit du 3 mars 2014 pour la première partie).
L’archevêque maltais a été prélat d’antichambre pontificale au temps de Jean-Paul II, puis second secrétaire de Benoît XVI à partir de 2007. Après l’élection du cardinal Jorge Mario Bergoglio au siège de Pierre, il est devenu le premier secrétaire particulier du pape François.
Comment est arrivée votre nomination de second secrétaire du pape Benoît ?
Mgr Alfred Xuereb – Je travaillais déjà au deuxième étage comme prélat d’antichambre pour accompagner les personnalités qui avaient une audience privée dans la Bibliothèque. Un jour on m’a dit: « Le pape a besoin de te parler ». J’étais très ému de me retrouver assis sur la chaise où pendant quelques années, avec Jean-Paul II, puis avec Benoît XVI, j’avais invité les personnes à s’asseoir juste à côté du bureau du pape. Benoît XVI voulait me parler personnellement, et il m’a dit de très belles paroles: « Comme vous le savez, Mgr Mieczyslaw Mokrzycki (connu à Rome comme “Don Mietek”, ndlr) retourne en Ukraine. Nous avons été très contents de lui et j’ai pensé que vous pourriez le remplacer. Je sais – disait-il – que vous avez été en Allemagne, et que vous connaissez donc un peu l’allemand ». Je lui ai répondu que j’avais été à Műnster, où j’avais fait un peu de pratique dans un hôpital, que le pape m’a dit connaître. Il connaissait aussi le quartier où nous habitions et la paroisse, voire même le curé, parce qu’il avait habité dans les parages et y avait enseigné. Il connaissait deux professeurs, le prof. Pieper et un théologien appelé Pasha. Un bombardement avait détruit sa maison et il avait été accueilli par les personnes qui m’ont reçu. Le Saint-Père m’a dit aussi quelque chose sur Malte avant d’ajouter : « Bien entendu, chacun aura ses tâches ». Je compris alors que l’on devait bientôt commencer. Et j’ai commencé tout de suite.
J’imagine que cette fois-ci vous avez fait vos valises avec joie …
Et avec émotion, tant d’émotion…
Benoît XVI a-t-il suivi la tradition de Jean-Paul II en portant dans ses prières personnelles toutes les intentions qui arrivaient au secrétariat ?
Oui, Jean-Paul II le faisait déjà et cette tâche revenait à Mgr Mietek. J’ai hérité de cette très belle tâche. Les intentions arrivaient presque tous les jours ; beaucoup n’arrivaient pas au secrétariat particulier, mais directement à la Secrétairerie d’Etat. On répondait que le pape prierait à cette intention. Benoît XVI était très impressionné : combien de maladies, et que de familles vivant le drame de la maladie ! Il pensait non seulement à la personne malade, mais à toutes les familles qui jour et nuit, à Noël ou Pâques, été comme hiver, devaient soigner et s’occuper de ses malades, certains très graves. Que de familles angoissées parce qu’il s’agissait de nouveau-nés ou de petits ! Et quand arrivait une intention de prière de Malte ou de ma ville, il me demandait : « Vous connaissez ces personnes ? ». Parfois je lui disais oui parce ce que je les connaissais, d’autres fois je lui disais non. Mais ce qui me frappait c’est que le pape, quelques jours plus tard, après avoir récité son chapelet dans les jardins, s’adressait à moi et me disait : « Avez-vous des nouvelle de ce monsieur – il me disait son nom – dont vous m’avez parlé ? ». Dans certains cas je devais dire qu’hélas la personne était morte, et cela me touchait de voir le Saint-Père aussitôt après se recueillir et réciter le « Requiem aeternam » (« le repos éternel »). Et il m’invitait moi aussi à prier. Pour le pape, qui avait mille choses, mille pensées, sa prière pour les malades était un ministère pastoral très important. Je laissais les feuillets avec les noms des personnes sur le prie-Dieu, sur lequel il y avait une petite boîte. Je sais qu’il les feuilletait souvent. Ils étaient là, je ne les enlevais jamais tant qu’il ne me l’avait pas dit.
La canonisation de Jean-Paul II approche. Benoît XVI parlait-il souvent de lui ?
Oui, bien sûr. Il l’appelait « le Pape ». Quand il disait « le Pape », au début je ne comprenais pas. Il se considérait lui-même comme quelqu’un qui collaborait avec « le Pape ». Je pense qu’il servit fidèlement « le Pape » non seulement parce qu’il savait ce que veut dire théologiquement « le Successeur de Pierre », mais aussi parce qu’il avait une vénération particulière pour ce pape, vénération à laquelle il avait été éduqué dans le milieu religieux de la Bavière. En ce sens là, pour lui, servir « le Pape » fut un très grand don.
A votre niveau, comment regardiez-vous ces liens d’amitié qui unissaient Jean-Paul II et le cardinal Ratzinger ?
Je n’ai participé qu’une seule fois aux rencontres que le cardinal Ratzinger a eues avec Jean-Paul II, et ce fut précisément à l’occasion de l’Audience plénière de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont il était le préfet. Je peux seulement confirmer ce que tout le monde sait, c’est-à-dire que Jean-Paul II avait une très grande confiance en Joseph Ratzinger, il s’adressait à lui pour demander un avis ou pour rédiger et corriger des documents importants. Le fait même que Jean-Paul II n’ait pas accepté, plusieurs fois, la démission du cardinal Ratzinger, qui avait déjà dépassé la limite des 75 ans, veut dire qu’il ne voulait pas perdre un homme de confiance, un collaborateur aussi valable. Là je vois un autre aspect de la sainteté de Jean-Paul II, et c’est sa clairvoyance. Il regardait très loin devant lui et prévoyait peut-être aussi que Joseph Ratzinger aurait pu être son successeur.
Comment avez-vous vécu la béatification de Jean-Paul II ?
Le pape Benoît était très heureux de cela. On l’a vu aussi à la messe, quand il a prononcé, au cours de l’homélie, la phrase « Maintenant il est bienheureux ! ». Il faudrait revoir le film pour comprendre combien il était heureux !
Traduction d’Océane Le Gall