La liturgie, un bienfait certain pour la création

Une écologie chrétienne, par le P. Cassingena-Trévedy

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Le chrétien ne s’expose à aucun « confinement » en allant à l’église car « la liturgie introduit la création dans son espace », et elle lui « fait profondément du bien » : « en l’enrôlant activement dans la louange, elle achemine la création vers le Royaume qui est son stade achevé », explique le P. Cassingena-Trévedy.

Le P. François Cassingena-Trévedy, osb, de l’abbaye Saint-Martin de Ligugé et maître de conférences à l’Institut catholique de Paris, est intervenu ce 20 mars 2014 en fin d’après-midi, à l’Université pontificale Grégorienne, sur le thème « La liturgie, achèvement de la création et matrice d’une écologie chrétienne ».

Son intervention a eu lieu dans le cadre du cycle de conférences intitulé « Qu’as-tu fait de la création ? Un parcours philosophique et théologique pour penser le défi écologique. »

A l’église, pas de confinement !

Le P. François Cassingena-Trévedy, citant le fondateur de son ordre saint Benoît de Nursie, rappelle que la journée monastique ne commence jamais sans que l’on chante le psaume « Venite exsultemus Domino » : « Oui, c’est un grand Dieu que le Seigneur, grand Roi plus haut que tous les dieux… Dans sa main sont tous les confins de la terre, et les sommets des montagnes, il les embrasse, lui, de son regard. À lui la mer : c’est lui qui l’a faite ; La terre sèche, ses mains en ont posé les fondations… (Ps 95, 3-5) »

« À l’heure où tant d’hommes et de femmes se lèvent, déjà résignés… déjà ankylosés par une tristesse aussi pénétrante que la suie, quelle aération majeure ! Quel privilège que de se trouver aux premières loges d’un tel théâtre et d’entraîner de telles vastitudes dans le cortège ordinaire de son propre réveil ! », fait observer le bénédictin : « Dira-t-on, après cela, que l’on se condamne au confinement en allant à l’église ? ».

En effet, « l’action liturgique n’est ni étrangère, ni sourde, ni aveugle à ce qui se passe, à ce qui vit, à ce respire, à ce qui existe tout simplement au dehors de l’enceinte où elle se déroule, à tel point qu’[…]elle peut trouver dans la beauté, la majesté, le caractère singulier du cadre naturel qui l’environne, un surcroît de signification et de mystère ».

Jésus lui-même, ajoute-t-il, « est un homme de grand air, de grandes eaux, de grand chemin, de grand feu (Lc 12, 49 ; Jn 21, 9), un grand vivant qui pose un pied sur la mer (Mt 14, 22-33 ; Lc 5, 1-11) et l’autre sur les collines (Jn 6, 1-15), un maître dont l’école de sagesse et les leçons de choses prennent en considération les oiseaux du ciel et les lis des champs (Mt 6, 26-30), les graines qui deviennent des arbres (Mt 13, 31-32), les poissons aux formes étranges que le filet ramène sur la rive (Mt 13, 47-50) et les brebis égayées dans les solitudes (Lc 15, 4-7) ».

Le P. Cassingena-Trévedy souligne la particularité de la liturgie chrétienne, qui ne célèbre pas « un éternel retour », mais « une nouveauté absolue,… un événement majeur au cœur de cette histoire, à savoir l’incarnation de Dieu et la Pâque de Jésus-Christ ».

Et si elle est « une liturgie cosmique », cela ne peut être que « moyennant la centralité du Christ pascal dont les épitres pauliniennes de la captivité affirment la seigneurie sur la totalité du monde créé ».

L’écologie de la liturgie

« La liturgie introduit la création dans son espace, l’invite dans son « assemblée » de façon tout à fait concrète », poursuit le P. Cassingena-Trévedy, donnant l’exemple du pain et du vin, deux « ambassadeurs de toute la création » qui « assurent [la] présence synthétique du ciel et de la terre qui collaborent à la croissance des céréales, de l’homme qui élabore et hausse la nature au degré de civilisation ».

Il donne aussi l’exemple de « la pierre invitée pour former la chair de l’édifice », du « bois qui retrouve une vie dans l’arborescence du vaisseau », de « la lumière dont les vitraux déploient le prisme », des fleurs qui « offrent au Seigneur des collines l’ovation du monde végétal ».   

Ainsi « la liturgie hausse [la nature] jusqu’à la maison de Dieu ; elle lui donne forme et l’oriente vers sa fin… ; elle la jardine, elle la cultive, elle la met à l’abri de la sauvagerie pour l’initier à l’urbanité divine ».

Pour le P. Cassingena-Trévedy, « ce qui se passe à l’église ne nous éloigne donc pas du monde naturel, ni ne nous en isole, ni ne nous retarde dans notre hâte de prendre l’air, et la terre, et, le ciel, et la mer, à bras le corps, en un mot d’embrasser, de toute notre envergure marquée du signe cosmique aussi bien que salvifique de la croix, le grand et beau dehors ».

En d’autres termes, « la liturgie ne se déroule ni ne se conçoit à huis-clos, dans une espèce d’étanchéité ou d’indifférence au grand et beau dehors ». Au contraire, ce dehors « l’intéresse, il relève de son domaine, de son intendance, de sa responsabilité ».

Le bénédictin va plus loin encore : « l’action liturgique fait profondément du bien à la création… en instaurant avec elle un rapport gratuit et respectueux, en l’enrôlant activement dans la louange, la liturgie achemine la création vers le Royaume qui est son stade achevé ».

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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