Jeudi 11 avril 2024
Je suis heureux de vous accueillir au terme de votre Assemblée plénière annuelle, au cours de laquelle vous avez entrepris d’approfondir un sujet existentiel, fortement existentiel : la maladie et la souffrance dans la Bible. C’est une quête qui concerne tout être humain, en tant que sujet à la maladie, à la fragilité et à la mort. En effet, notre nature blessée porte aussi en elle les réalités de sa limitation et de sa finitude, et souffre des contradictions du mal et de la douleur.
Le sujet me tient à cœur : la souffrance et la maladie sont des adversaires à affronter, mais il est important de le faire d’une manière digne de l’être humain, d’une manière humaine, si je puis dire : les éliminer, les réduire à des tabous qu’il vaut mieux taire, peut-être parce qu’ils nuisent à l’image de l’efficacité à tout prix, utile pour vendre et gagner de l’argent, n’est pas la solution. Nous vacillons tous sous le poids de ces expériences et nous devons nous aider à les traverser en les vivant en relation, sans nous replier sur nous-mêmes et sans que la révolte légitime ne se transforme en isolement, en abandon ou en désespoir
Nous savons, également grâce au témoignage de tant de frères et sœurs, que la douleur et la maladie, à la lumière de la foi, peuvent devenir des facteurs décisifs sur le chemin de la maturité : le creuset de la souffrance nous permet en effet de discerner ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas. Mais c’est surtout l’exemple de Jésus qui nous montre le chemin. Il nous exhorte à prendre soin de ceux qui vivent dans des situations de maladie, avec la détermination de vaincre la maladie ; en même temps, Il nous invite avec douceur à unir nos souffrances à son offrande salvatrice, comme une semence qui porte du fruit. Concrètement, notre vision de la foi m’a incité à proposer quelques éléments de réflexion sur deux mots décisifs : compassion et inclusion.
Le premier, la compassion, montre l’attitude récurrente et caractéristique du Seigneur envers les personnes fragiles et démunies qu’Il rencontre. En voyant les visages de tant de personnes, brebis sans berger qui luttent pour trouver leur chemin dans la vie (cf. Mc 6,34), Jésus est ému. Il a de la compassion pour les foules affamées et épuisées (cf. Mc 8,2) et accueille inlassablement les malades (cf. Mc 1,32), dont Il entend les demandes : pensons aux aveugles qui Le supplient (cf. Mt 20,34) et aux nombreux malades qui demandent à être guéris (cf. Lc 17,11-19) ; il est saisi de « compassion » – dit l’Évangile – pour la veuve qui accompagne son fils unique au tombeau (cf. Lc 7,13). Une grande compassion. Cette compassion se manifeste comme une proximité et conduit Jésus à s’identifier à celui qui souffre : « J’étais malade et vous m’avez visité » (Mt 25,36). Une compassion qui conduit à la proximité.
Tout cela révèle un aspect important : Jésus n’explique pas la souffrance, mais Il se penche vers ceux qui souffrent. Il n’aborde pas la souffrance avec un encouragement général et une consolation stérile, mais il en accepte le drame, en se laissant toucher par elle. L’Écriture Sainte est à cet égard instructive: elle ne nous laisse pas un manuel de bonnes paroles ou un livre de recettes de sentiments, mais elle nous montre des visages, des rencontres, des histoires concrètes.
Pensons à Job, avec la tentation de ses amis d’énoncer des théories religieuses qui lient la souffrance à la punition divine, mais ils se heurtent à la réalité de la douleur, témoignée dans la vie de Job lui-même. La réponse de Jésus est donc vitale, c’est celle de la compassion qui assume et, en assumant, sauve l’être humain et transfigure sa douleur. Oui, le Christ a transformé notre douleur en la faisant sienne jusqu’au bout : en la vivant, en la souffrant et en l’offrant comme un don d’amour. Il n’a pas donné de réponses simples à nos « pourquoi », mais sur la croix, il a fait sien notre grand « pourquoi » (cf. Mc 15, 34). Ainsi, ceux qui assimilent l’Écriture Sainte purifient leur imagerie religieuse des attitudes erronées, en apprenant à suivre le chemin indiqué par Jésus : toucher la souffrance humaine de sa propre main, avec humilité, douceur et sérénité, pour apporter, au nom du Dieu incarné, la proximité d’un soutien salvateur et concret. Toucher de sa main, non pas théoriquement.
Et cela nous amène au second mot : inclusion. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un mot biblique, il exprime bien un trait marquant du style de Jésus : aller à la recherche du pécheur, du perdu, du marginalisé, du stigmatisé, pour qu’il soit accueilli dans la maison du Père (cf. Lc 15). Pensons aux lépreux : pour Jésus, personne ne doit être exclu du salut de Dieu (cf. Mc 1, 40-42). Mais il y a un autre aspect à l’inclusion : le Seigneur veut que la personne tout entière soit guérie, son esprit, son âme et son corps (cf. 1 Th 5, 23). En effet, une guérison physique du mal ne servirait pas à grand-chose si le cœur n’était pas guéri du péché (cf. Mc 2, 17 ; Mt 10, 28-29). Il s’agit d’une guérison totale : corps, âme et esprit.
Cette perspective d’inclusion nous conduit à des attitudes de partage : le Christ, qui allait parmi les gens en faisant le bien et en guérissant les malades, a ordonné à ses disciples de prendre soin des malades et de les bénir en Son nom (cf. Mt 10, 8 ; Lc 10, 9), partageant avec eux Sa mission de consolation (cf. Lc 4, 18-19). C’est pourquoi, à travers l’expérience de la souffrance et de la maladie, nous sommes appelés, en tant qu’Église, à marcher ensemble avec tous, dans la solidarité chrétienne et humaine, en ouvrant, au nom de la fragilité commune, des possibilités de dialogue et d’espérance. La parabole du bon Samaritain « nous montre par quelles initiatives une communauté peut être reconstruite grâce à des hommes et des femmes qui s’approprient la fragilité des autres, qui ne permettent pas qu’émerge une société d’exclusion mais qui se font proches et relèvent puis réhabilitent celui qui est à terre, pour que le bien soit commun. » (Lett. enc. Fratelli tutti, n. 67).
Chers frères et sœurs, – le sermon se termine, hein ! – en vous laissant ces réflexions, je vous remercie pour votre service et je vous encourage à approfondir, avec rigueur critique et esprit fraternel, les sujets que vous étudiez, afin d’éclairer de la lumière de l’Écriture les questions délicates qui nous concernent tous. La Parole de Dieu est un puissant antidote à toute fermeture, à toute abstraction et à toute idéologisation de la foi : lue dans l’esprit dans lequel elle a été écrite, elle accroît la passion pour Dieu et pour l’homme, libère la charité et ravive le zèle apostolique. C’est pourquoi l’Église a un besoin constant de s’abreuver aux sources de la Parole. Je vous bénis, vous et votre mission d’étancher la soif du saint peuple de Dieu avec les eaux fraîches de l’Esprit. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Je vous remercie.