Des acteurs d’exception, parmi lesquels Christophe Lambert, Marie-Christine Barrault, Giancarlo Giannini, Remo Girone, Gedeon Burkhard, David Wall, pour un film qui sera présenté hors concours, à l’occasion du Festival de Cannes et pendant les dix jours de la Rencontre mondiale des familles, en septembre 2015, à Philadelphie (Etats-Unis).
Le film raconte l’histoire d’un journaliste chargé de mener une enquête sur Pie XII. Très sceptique et critique au début, il rencontre des témoins qui vont peu à peu remettre sa thèse en question. Au cours des différentes rencontres avec des personnes qui ont survécu à l’holocauste, ou avec leurs enfants, l’enquêteur découvre que Pie XII n’a pas été un pape craintif qui n’aurait pas réussi à s’opposer à Hitler, mais qu’il a réellement réussi à sauver des centaines de milliers de juifs des chambres à gaz.
Devant les réactions à la projection du film ont été vives, parfois critiques et polémiques, mais parfois aussi très élogieuses, ZENIT a rencontré la réalisatrice, Liana Marabini.
Zenit – Les réactions à la projection du film ont été variées. Certaines sont très positives, d’autres neutres et quelques-unes très négatives. Vous y attendiez-vous ?
Liana Marabini – Oui, je m’y attendais. C’est un sujet très controversé et il est normal que les réactions soient de toutes sortes. Personne ne peut être assez ingénu pour penser que les avis seront unanimes. Le but du film est de faire parler de Pie XII et des injustices qu’il a subies et qu’il subit encore, en apportant des preuves étayées : non pas des preuves inédites, mais une sélection de celles qui existent déjà et il y en a énormément. Le film a été pensé non comme un monument historique mais comme une fenêtre ouverte sur une période controversée et il donne un espace pour permettre d’approfondir le sujet. Pie XII est le personnage le plus incompris du XXème siècle, alors c’est bien de chercher à expliquer un peu les choses, surtout le pourquoi de son silence.
Il ne faut pas ensevelir le pape Pacelli sous les cendres de l’oubli que l’histoire accumule parfois sur les choses et sur les personnes.
La critique de certains journaux catholiques est surprenante. Quelle est votre impression ?
Je m’attendais à beaucoup de critiques : tant mieux, parce qu’elles font parler du film et, implicitement, de Pie XII. Mais franchement, je ne m’attendais pas à tant de rancoeur de la part de certains journaux catholiques. J’en prends acte et je respecte toutes les opinions, même quand elles sont contre mon travail.
Certaines critiques sont infondées, d’autres sont très fondées, comme celle qui dit : « On pouvait faire mieux ». Je suis d’accord, on peut toujours faire mieux, qu’il s’agisse d’un film ou même d’un journal. Nous sommes ici pour améliorer.
À la critique qui reproche au film sa simplicité, je réponds que c’est un film pour tout le monde, pas pour les historiens ni pour une élite. C’est un message, ce n’est pas un essai. Les historiens ne doivent pas mépriser ceux qui ne sont pas des historiens et les masses n’en sont pas. Jésus aimait les masses.
Il y a aussi deux critiques « peu catholiques », exprimées par un journal catholique et c’est cela qui m’étonne : on me reproche que, dans une scène du film, on parle en faveur du célibat des prêtres et que, dans une autre scène, la communion soit donnée dans la bouche et non dans la main.
À la première, je réponds que le célibat des prêtres doit être soutenu par tous les moyens parce que c’est une valeur non négociable : je vais bientôt publier avec ma maison d’édition un livre sur ce thème, où sont rassemblés les écrits de grands auteurs contemporains et d’hommes d’Église connus. Le livre sera offert à tous les séminaires.
À la seconde critique, je fais observer que tous, prêtres et laïcs, quelle que soit notre sensibilité liturgique, que nous soyons « modernistes ou traditionnalistes », nous devons défendre la totalité des rites acceptés par l’Église catholique, qu’ils soient d’avant ou d’après le Concile, que ce soit le rite ambrosien ou un autre. Dans l’Église, aujourd’hui, il y a malheureusement déjà un désaccord à cause de la liturgie : nous ne devons pas l’augmenter avec des critiques inopportunes, parce que cela veut dire que nous critiquons l’Église elle-même et ses préceptes acceptés et codifiés. Et dans le cas en question, pour la scène « incriminée », au temps de Pie XII, la communion n’était pas donnée dans la main, c’est pourquoi il m’a semblé évident de mettre cette scène, pour rendre un ultime hommage au pape Pacelli qui vivait à cette époque.
Mais les commentaires ne feront que provoquer d’autres polémiques. Nous travaillons pour l’Église et cela n’a pas de sens de nous attaquer mutuellement ; laissons cette tâche aux ennemis de l’Église.
Et l’ouverture de la totalité des archives qui arrivera, j’espère, dans un avenir imminent, me donnera raison.
Je n’alimenterai pas ces conflits en répondant aux provocations : chacun est libre d’aimer ou pas mon film.
Le film est justement une tentative de dépasser les polémiques: il raconte une histoire qui tient compte de nombreuses vérités historiques et qui, d’une certaine façon, cherche à établir un dialogue avec qui fait encore l’objet de préjugés. Pourquoi avez-vous voulu aborder avec une belle histoire un thème aussi brûlant et qui suscite encore tant de polémiques ?
J’avais depuis longtemps le désir de faire quelque chose pour Pie XII : je pense que c’est le devoir de tous les catholiques. Il est l’un de nous, accusé injustement, il n’est pas cru, pas reconnu, sa mémoire est piétinée et traînée dans la boue tous les jours par ceux qui, parfois par ouï-dire, l’appellent le « pape de Hitler ». Notre devoir en tant que catholiques est d’aimer notre prochain jusqu’à ce que son cœur change. J’ai pensé à un film parce c’est un moyen immédiat et accessible à tous. J’ai créé une histoire pour le rendre plus fluide. Comme mon intention est de faire passer des notions historiques précises, avec des dates et des faits, cela aurait été ennuyeux si cela n’avait pas été imbriqué dans une histoire. Le film est aussi pensé pour les écoles. En septembre, il sera projeté dans 1.200 écoles en Italie et à l’étranger.
Comment se passe la distribution ? Est-il vrai que les articles critiques publiés dans diverses parties du monde ont, d’une certaine manière, favorisé la diffusion du film ?
En réalité, les « articles critiques publiés dans diverses parties du monde » ne sont que ceux qui sont sortis dans les deux journaux catholiques dont nous avons parlé. Mais je devrais les remercier, nous n’avons jamais vendu un film aussi rapidement. Après la publication des articles polémiques, les ventes ont grimpé de manière impressionnante. En trois jours seulement après l’avant-première, nous avons signé huit contrats qui couvrent à eux seuls le coût du film. D’ici la fin du mois, nous aurons conclu des contrats de vente avec vingt-et-un autres pays (dont la Chine et l’Inde). C’est un résultat impressionnant pour un film de ces dimensions, et en plus, sur un thème catholique.
Vous êtes à la foi la productrice et la réalisatrice, l’âme de ce film. Êtes-vous satisfaite de votre travail ?
Oui, je suis contente. J’y travaille depuis des années, à commencer par la documentation, qui a duré plus de cinq ans, puis la préparation du film pendant un an, la réalisation, la post-production et la promotion, encore un an.
Le fait qu’on en parle tant est un bien. Nous devons continuer à apporter le
s preuves des actions de Pie XII en faveur des juifs, aussi longtemps que ce sera nécessaire, nous devons entretenir cet intérêt.
En tant que catholiques, nous ne devons pas avoir peur des attaques et des critiques, nous ne devons pas alimenter les polémiques qui provoquent des séparations. La peur et la séparation sont des actions du démon et nous ne devons pas y succomber. Nous devons aller de l’avant et soutenir, de tous les moyens, la mémoire de ceux qui ont grandi l’Église. Et c’est ce qu’a fait Pie XII.
Traduction de l’italien par Constance Roques