« Charles de Foucauld, un itinéraire de conversions »: c’est le thème des conférences de Carême données à Notre-Dame de la Garde, par l’archevêque de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline. Il a donné, hier, dimanche 13 mars 2022, la première de ces conférences, sur le thème: « Se laisser guider ».
Il retrace les premières années de Charles de Foyucauld, puis sa carrière militaire et son exploration du Maroc, pour en tirer des « pistes » de méditation.
Alors que le bienheureux Charles de Foucauld sera canonisé le 15 mai 2022, à Rome – avec Marie Rivier, Titus Brandsma ocd, et Marie de Jésus Santocanale -, Mgr Jean-Marc Aveline propose une série de conférences sur « l’itinéraire de conversions » du futur saint, les 13, 20 et 27 mars et le 3 avril.
On peut suivre les conférences en direct à 16h sur Kto.tv .
Charles de Foucauld
Un itinéraire de conversions
Première conférence : se laisser guider
Chers amis,
Dans quelques semaines, le dimanche 15 mai 2022, dix nouveaux saints seront canonisés à Rome, dont trois Français, parmi lesquels le Bienheureux Charles de Foucauld. C’est pour nous préparer à vivre cet événement que le P. Olivier Spinosa, recteur du sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, a accepté ma proposition de consacrer les quatre conférences de ce Carême 2022 à la belle et lumineuse figure du frère Charles. Je le remercie profondément d’avoir préparé cet événement avec toute son équipe.
Nombreux parmi vous, dans cette basilique ou parmi les personnes qui nous suivez grâce à KTO, que je remercie d’avoir bien voulu relayer cette initiative, ont sans doute déjà beaucoup lu et médité l’œuvre spirituelle du frère Charles, bien plus que je n’ai pu le faire. Pour ma part, le premier mot qui me vient pour évoquer la figure de Charles de Foucauld, c’est la bonté. Et si l’on regarde attentivement les photos qui ont été prises au fil de sa vie, on voit comment son visage, de plus en plus, a reflété cette bonté, d’autant plus rayonnante qu’elle était dépouillée et abandonnée entre les mains de Dieu. En préparant ces conférences, j’ai été touché par sa constante disponibilité à se convertir, pour laisser le Seigneur faire ce qu’il voulait de cette vie qu’il lui avait donnée, même si lui-même ne comprenait pas pourquoi aucun de ses projets ne se réalisaient vraiment : ni celui d’évangéliser le Maroc, ni celui d’être trappiste, ni celui de fonder une communauté nouvelle. Certes, il avait compris que Dieu voulait de lui qu’il se contente de défricher, là où d’autres pourraient ensuite planter. Mais il pensait que c’était juste pour l’annonce de l’Évangile aux peuples du Sahara. Il ne savait pas que Dieu préparait à travers lui une nouvelle étape missionnaire pour toute l’Église. C’est ce cadeau de Dieu, fait à l’Église d’aujourd’hui à travers la vie et le témoignage de Frère Charles, que ces conférences de Carême se proposent de recueillir. Lui, le « prêtre libre » de Viviers, lui qui connut tour à tour la vie d’officier, d’explorateur, de géographe, de moine, de prêtre et d’ermite, peut-il nous aider à écouter ce que l’Esprit dit aujourd’hui à notre Église pour l’encourager dans sa mission ?
Au fil de nos entretiens, nous suivrons, en quatre étapes, le chemin de vie du frère Charles, depuis sa naissance à Strasbourg, le 18 septembre 1858 jusqu’à sa mort à Tamanrasset, le 1er décembre 1916. Dans ce premier entretien, je me propose de parcourir avec vous une première partie de ce chemin, jusqu’à son voyage d’exploration au Maroc (1883-1884) ? Ce voyage constitue, à mes yeux et à plus d’un titre, le premier grand moment de son chemin de conversion. Au fil de cette vie peu ordinaire, une vie qui semble suivre une route sinueuse mais qu’une main invisible et sûre, celle de l’Esprit de Dieu, conduit délicatement, nous chercherons à mieux comprendre quel est le don que Dieu nous fait à travers sa canonisation. Pour découvrir ce don, il ne faudra pas en rester à une analyse historique de la vie de Charles. Il faudra, à son école, regarder le Christ et marcher avec lui vers son mystère pascal. En ce deuxième dimanche du Carême, nous sommes invités à méditer l’Évangile de la Transfiguration. C’est ce visage christique, incarné et transfiguré, que Charles lui-même nous invite à contempler tout au long de notre exode vers Pâques.
Regardons les saints, [disait-il] mais ne nous attardons pas dans leur contemplation, contemplons avec eux Celui dont la contemplation a rempli leur vie. Profitons de leurs exemples, mais sans nous y arrêter longtemps, ni prendre pour modèle complet tel ou tel saint, et en prenant dans chacun ce qui nous semble plus conforme aux paroles et aux exemples de Notre Seigneur Jésus, notre seul et véritable modèle, en nous servant ainsi de leurs leçons, non pour les imiter eux, mais pour mieux imiter Jésus.
Imiter le Christ dans les choses les plus simples et les plus concrètes de la vie : ce sera la voie de Charles, sa « petite voie » à lui, faite de simplicité, de bonté et de fraternité, une voie qui, autrement que celle de Thérèse de Lisieux, éclairera le vingtième siècle et brille encore aujourd’hui de tout son éclat, comme Paul Claudel l’avait bien pressenti.[1] Charles, quant à lui, avait puisé dans les œuvres spirituelles de trois grands saints : saint Jean-de-la-Croix, sainte Thérèse d’Avila et saint Jean Chrysostome, ses trois auteurs préférés.[2] Mais je crois pouvoir dire que sa sainte de prédilection est restée jusqu’au bout sainte Marie-Madeleine, qui toujours l’attira à la Sainte-Baume, où il se rendit en pèlerinage presqu’à chaque fois qu’il passait à Marseille et où il avait fait entretenir une petite veilleuse aux bons soins du P. Vaissyère, dont il était très proche et dont j’ai eu la joie d’introduire, l’année dernière, la cause de béatification. Cette lampe a disparu aujourd’hui, mais elle a été remplacée par une autre, offerte il y a quelques années par les Petites Sœurs de Jésus, et celle-ci brille encore aujourd’hui encore dans la Grotte, devant le reliquaire.
Les premières années
Charles-Eugène de Foucauld (Charles-Eugène de Foucauld de Pontbriand, Vicomte de Foucauld) est né à Strasbourg dans l’ancienne résidence du maire Frédéric de Dietrich, résidence dans laquelle, selon la tradition provinciale et républicaine, le capitaine du génie Rouget de Lisle (1760-1836) entonna pour la première fois en 1792 son « chant pour l’armée du Rhin », devenu quelques mois plus tard « La Marseillaise ». Vous voyez que dès le début, il y a un point commun entre Charles de Foucauld et Marseille !
Sa famille, qui provenait du Périgord, avait de beaux quartiers de noblesse. Deux de ses arrière-grands-oncles figurent au nombre des « Martyrs des Carmes », tombés à Paris sous la Révolution française, le 2 septembre 1792. De l’union entre Édouard de Foucauld (1820-1864), inspecteur à l’Administration centrale des forêts, et Élisabeth de Morlet (1829-1864), fille unique du colonel de Morlet, union célébrée le 16 mai 1855, était né, en juillet 1856, un premier fils qui fut déjà appelé Charles, mais qui mourut le 16 août 1857, âgé seulement d’un peu plus d’un an. La famille suivit le père, sous inspecteur des forêts, lorsqu’il fut nommé à Wissembourg en 1859. C’est là que naquit Marie-Inès-Rodolphine de Foucauld, sœur de Charles-Eugène, le 13 août 1861.
Tout va bien pour ces deux enfants dans leurs premières années, jusqu’au décès brutal, le 13 mars 1864, de leur mère, alors qu’elle allait avoir trente-cinq ans. Dans ses lettres, Charles rappelle souvent les dernières paroles de sa mère avant de mourir : « Mon Dieu, que votre volonté se fasse, et non la mienne ». Sans doute s’en souvient-il parce qu’il y a là un trait fondamental de son âme : l’acceptation sans réserve de la volonté de Dieu.
La même année, le 9 août, les deux enfants perdent aussi leur père, âgé de quarante-quatre ans, alors qu’il est soigné à Paris, ayant peu à peu perdu ses capacités intellectuelles à cause de lésions cérébrales. Charles et Marie sont confiés à leur grand-père maternel habitant lui aussi à Strasbourg, M. Charles-Gabriel Beaudet de Morlet (1796-1878), polytechnicien, colonel du génie en retraite, commandeur de la légion d’honneur, passionné de lettres classiques. C’est dans sa bibliothèque que Charles va s’initier au goût des livres et de l’étude, un goût qu’il ne perdra jamais, même au fin fond du désert. Pendant l’été 1869, le jeune Charles passe une partie de ses vacances au château de Louÿe, dans l’Eure, où sa cousine, Marie Moitessier, de huit ans son aînée, fête ses dix-neuf ans (précisément le 19 août).[3] Plus tard, en 1874, elle épousera le vicomte Oliver de Bondy et deviendra la confidente de son cousin. Durant vingt-sept ans, elle ne cessa de lui écrire presque chaque semaine. Une des lettres écrites par Charles le jour même de son assassinat, lui était destinée.
Lorsqu’éclate la guerre franco-allemande de 1870, le grand-père se réfugie en Suisse avec les enfants. Ils séjournent à Berne et à Interlaken, où Charles contracte une maladie d’yeux par suite de l’éclat de la neige et des glaciers. Mais la Suisse et ses paysages magnifiques l’ont à jamais marqué. Lorsque, bien plus tard, il emmènera en France un jeune Targui, Ouksem, pour qu’il découvre les éléments de la culture française, il le fera passer par les Alpes, en Suisse puis à Chamonix ! En 1871, une fois la guerre terminée, M. de Morlet ne veut pas retourner à Strasbourg et décide de se fixer à Nancy. Charles ne le sait pas, mais le futur cardinal Lavigerie (1825-1892), celui qui fonda les Pères Blancs et les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, avait été évêque de Nancy quelques années auparavant, entre le 16 mars 1863 et le 27 mars 1867. Il fut alors le plus jeune évêque de France, nommé à 38 ans, et quitta Nancy pour devenir archevêque d’Alger.[4]
Le 28 avril 1872, Charles fait sa Première Communion et reçoit, le même jour, la Confirmation. Sa cousine lui offre les Élévations sur les Mystères, de Bossuet. Charles continue ses études au Lycée de Nancy, dévoilant peu à peu un esprit curieux, une nature inquiète et passionnée, perdant cependant, dès l’âge de quinze ans, toute conviction de foi. Bien qu’il se posât fiévreusement toutes sortes de questions, rien ne parvenait à emporter son adhésion. « La foi égale avec laquelle on suit des religions si diverses me semblait la condamnation de toutes », écrira-t-il plus tard à Henri de Castries.[5] Au lycée de Nancy, Charles retrouve Gabriel Tourdes (1857-1923) qu’il avait connu, enfant, à Strasbourg et avec qui il entretiendra toute sa vie, une amitié fidèle et confiante.[6]
En octobre 1874, afin de préparer son entrée à Saint-Cyr, il est envoyé chez les Jésuites de la rue des Postes à Paris. Depuis son plus jeune âge, il pense à une carrière militaire. Son grand-père, qui avait bercé son enfance des récits de sa vie sous les drapeaux et de sa passion pour l’histoire et l’archéologie, aurait préféré que Charles entrât, comme lui, à Polytechnique. Mais Charles, redoutant l’effort, opta pour Saint-Cyr, dont le concours était plus facile. Il obtient son baccalauréat en 1875, mais n’est plus motivé, étant comme « affolé » par une vie dépourvue de sens et de repère. Dans une lettre rétrospective de 1892, il écrit :
À dix-sept ans, je commençais ma deuxième année de rue des Postes. Jamais je crois n’avoir été dans un si lamentable état d’esprit. J’ai, d’une certaine manière, fait plus de mal en d’autres temps, mais quelque bien avait poussé alors à côté du mal ; à dix-sept ans, j’étais tout égoïsme, tout vanité, tout impiété, tout désir du mal, j’étais comme affolé. Quant au degré de paresse, à la rue des Postes, il a été tel qu’on ne m’y a pas gardé, et je vous ai dit que j’avais regardé, malgré les formes mises pour ne pas affliger mon grand-père, mon départ comme un renvoi, renvoi dont la paresse n’était pas la seule cause… J’ai été si libre, si jeune ! […] À dix-sept ans, j’ai tant fait souffrir mon pauvre grand-père, refusant le travail, qu’au mois de février, je crois, je n’avais pas encore coupé la géométrie dans laquelle je devais étudier chaque jour depuis novembre ; lui écrivant à peu près tous les deux jours, et quelquefois des lettres de quarante pages, pour lui demander de me rappeler à Nancy, et tout le reste que vous pouvez deviner, et qui résulte d’un tel affolement…[7]
Sa conduite laisse, en effet, tant à désirer que les Jésuites préfèrent le renvoyer à son grand-père en mars 1876. Celui-ci le confie à un précepteur, M. Dumont, pour qu’il le prépare à présenter quand même le concours d’entrée à Saint-Cyr en juin de la même année. Il est reçu et intègre l’école en octobre.
Une carrière militaire
On aurait tort de négliger sa courte carrière militaire et de ne la résumer qu’aux frasques d’une vie désordonnée. Elle constitue, d’une certaine manière, la matrice de sa vocation. Les années passées à Saint-Cyr ne sont cependant pas très glorieuses.
Une obésité précoce, qui faillit le faire refuser à Saint-Cyr, l’empêcha de trouver, à l’habillement, une veste et un pantalon. Durant plusieurs jours, il évolua à l’exercice vêtu d’habits civils et coiffé d’un képi. On dut lui faire tailler un uniforme sur mesure qui boudina bientôt de toute part, donnant à Charles de Foucauld l’aspect d’un convalescent à mesure que les exercices physiques le débarrassaient de son embonpoint.[8]
Mais il progresse ! Au classement de 1877, il est cent-quarante-troisième sur trois cent quatre-vingt-onze élèves. Il obtient ses galons de première classe et est admis parmi les quatre-vingts cavaliers de sa promotion. Mais la deuxième année, après la mort de son grand-père, survenue le 3 février 1878, Charles relâche ses efforts, perd ses galons, enchaîne les punitions (quarante-cinq différentes auxquelles s’ajoutent quarante-sept jours de consigne) et termine trois-cent-trente-troisième sur trois-cent-quatre-vingt-six. Il est néanmoins nommé sous-lieutenant. Il a vingt ans et entre, après Saint-Cyr, à l’École de Cavalerie de Saumur.[9]
Là, il va mieux, car il est un bon cavalier. Mais une certaine tristesse envahit sa vie, que des fêtes à répétition ne parviennent pas à dissiper. La mort de son grand-père a déstabilisé sa jeune existence devenue sans repères. L’héritage est confortable financièrement (840 000 francs-or de l’époque), mais l’ennui domine irrémédiablement. Il dépense sans compter en banquets et libations, tout en se montrant généreux, prêtant, voire donnant de l’argent à ses camarades dans le besoin. Il enchaîne 21 jours d’arrêts simples et 45 jours d’arrêts de rigueur.[10] Il termine bon dernier, jugé ainsi par l’Inspecteur général : « A de la distinction, a été bien élevé. Mais la tête légère et ne pense qu’à s’amuser. Privé de congés pour sa conduite et ses nombreuses punitions »[11]. Plus tard, le Général Laperrine, qui fut son camarade de régiment, écrira :
Bien malin celui qui aurait deviné, dans ce jeune saint-cyrien gourmand et sceptique, l’ascète et l’apôtre d’aujourd’hui. Lettré et artiste, il employait les loisirs que lui laissaient les exercices militaires à flâner, le crayon à la main, ou à se plonger dans la lecture des auteurs latins et grecs. Quant à ses théories et à ses cours, il ne les regardait même pas, s’en remettant à sa bonne étoile pour ne pas être séché.[12]
Nommé au 4e Régiment de Hussards, il rejoint sa garnison à Sézanne, dans la Marne, puis à Pont-à-Mousson, devenue ville frontière depuis le traité de Francfort du 10 mai 1871, qui avait amputé la France de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine. Il continue à y mener une vie assez excentrique, fréquentant une jeune femme qu’il surnomme Mimi (comme sa sœur), et qui s’appelait Marie Corbin, originaire de Nancy où elle était née le 8 août 1859. Mais le commandement militaire ne l’entend pas de cette oreille : le 12 juillet 1880, il est puni de quinze jours d’arrêt pour « s’être promené en ville, étant de semaine, en tenue bourgeoise, avec une femme de mauvaise vie dont il fit bientôt sa concubine », selon le texte de la punition.[13] Lorsque son Régiment (devenu le 4e Chasseurs d’Afrique) part pour l’Algérie en décembre 1880, Foucauld est envoyé à Sétif. L’Algérie est à l’époque non seulement une terre d’aventure pour officiers en quête de gloire, mais aussi la grande école de la géographie militaire française. Il s’agit de compléter les nombreuses cartes qui avaient été levées au gré des différentes expéditions militaires depuis 1830. On forme alors des « brigades topographiques » composées d’officiers, afin d’« effacer les blancs sur les cartes », comme disait Livingstone. Il fallait surtout éviter que des officiers de l’armée française ne sachent pas lire des cartes, comme cela avait été le cas lors de la guerre tragique de 1870.
Marie Corbin avait accompagné Charles à Sétif. Sommé de la renvoyer, il refuse, disant que cette personne était libre de rester où elle voulait, qu’elle n’était pas militaire et qu’il n’habitait pas avec elle, ne lui faisant que des visites dont son service ne souffrait pas.[14] Le colonel fit un rapport au ministre de la guerre et le sous-lieutenant de Foucauld fut mis en non-activité le 20 mars 1881, par retrait d’emploi, « pour indiscipline, doublée d’inconduite notoire ». Rentrant en France, Charles séjourne quelques temps au hameau de Bissinge, près d’Évian, rejoint par Marie Corbin. Mais quelques semaines plus tard, il apprend qu’une insurrection a éclaté dans le Sud-Oranais et que ses camarades du 4e Chasseurs sont désignés pour la répression.[15] Repris par le désir de la vie militaire, il se rend à Paris au ministère de la Guerre et demande sa réintégration dans l’armée en sollicitant l’honneur de partager les dangers de ses camarades. Il est prêt à y partir comme simple cavalier. Non seulement on le lui permet mais on lui rend son grade et son commandement. Il s’engage sur l’honneur à ne plus revoir Marie, dont il couvre cependant tous les frais de son séjour à Évian. Sa réintégration est acceptée le 16 mai et le 3 juin, il est affecté en Oranie au 4e régiment des chasseurs d’Afrique. Le 20 juin, il s’embarque à Marseille pour Oran.
Il se révèle alors un vrai chef et un bon soldat, brave, endurant, soucieux de ses hommes et dévoué envers eux. Le lieutenant Laperrine et le lieutenant interprète Motylinski, qu’il retrouvera plus tard au Sahara, font partie de cette expédition, ainsi que le comte Henri de Castries, avec lequel il échangera une correspondance suivie.[16] Ce séjour le transforme. Il en revient décidé à mener une vie plus sérieuse et à accomplir quelque chose de difficile.[17] C’est là un autre trait de son âme, comme le note le Frère Milad Aïssa, Petit frère de Jésus :
Avant même d’être « saisi par le Seigneur », Charles de Foucauld dévoile un trait dominant de son caractère : dans la vie ordinaire et monotone des hommes, il est médiocre ; dans l’épreuve, il est d’une volonté de fer, d’une endurance et d’une constance de travail sans égales. […] S’arrachant à l’ennui d’une vie sans relief, il choisit le difficile, le « pas encore fait », non par goût de l’aventure, mais par volonté de faire quelque chose de grand et d’utile, fût-ce au péril de sa vie.[18]
Lorsque sa mission est finie, il demande à servir au Sénégal, puis sollicite un congé pour faire un voyage d’études dans le Sud-Algérien. Ce congé est refusé. Alors, de Mascara, où il se trouve alors, Charles de Foucauld donne sa démission. Décidé à ne servir qu’en cas de guerre, il sollicite un emploi d’officier de réserve au 4e régiment de chasseurs d’Afrique. Jugé par son chef de corps « très apte à remplir cette fonction », cette requête lui est accordée le 10 mars 1882. Il a vingt-trois ans, il est libre et part s’installer à Alger. C’est le début d’une lente et immense conversion, qui donnera une nouvelle vérité à la devise des armoiries des Foucauld : « Jamais arrière » !
L’exploration au Maroc
En réalité, ce qui l’attire de plus en plus, c’est de partir explorer le Maroc, strictement fermé, jusque-là, à toute personne étrangère. En 1875 déjà, il avait pu assister, à Paris, au deuxième Congrès international de géographie. L’étude de la géographie, à l’époque, était fortement orientée par les besoins militaires de la colonisation. Mais pour Charles, ce n’est pas la raison principale. Au Maroc, c’est lui-même qu’il va chercher, pour se prouver et prouver à sa famille qu’il est capable de réaliser de grandes choses, des choses que personne n’a jamais faites avant lui. Car sa famille, qui avait été heureuse de le voir reprendre en 1881 son métier militaire, est consternée d’apprendre sa démission. Trop habituée à ses coups de tête, elle ne prend pas au sérieux ses projets d’études et d’explorations et lui impose, à partir du 12 juin 1882, un conseil judiciaire en la personne de George de Latouche, un de ses cousins.
Charles s’installe donc à Alger et commence à étudier la langue arabe et les diverses sciences nécessaires à son projet d’exploration. Le Maghreb, « l’île du couchant », le passionne ![19] Il travaille sous la direction de M. Oscar Mac-Carthy, qui était devenu conservateur de la Bibliothèque-Musée en 1869, après avoir sillonné l’Algérie de tous côtés, en excellent géographe explorateur. Charles de Foucauld ne pouvait pas mieux tomber ! Car Mac-Carthy, très exigeant du point de vue scientifique, était un homme d’une grande bonté et d’une grande honnêteté, qui aimait les gens qui habitaient les pays qu’il étudiait. En février 1883, Charles écrit à son ami, le Duc de Fitz-James, alors lieutenant à Alger : « Je me prépare à ce grand voyage qui me passionne. J’apprends l’arabe et à me servir du sextant sur le bateau de l’État stationné dans le port. Le commandant, qui est mon parent, est très aimable ».[20]
Dans la Bibliothèque (installée au Palais de Mustapha-Pacha, rue de l’État-Major), il rencontre le rabbin Mardochée Abi Serour, âgé alors de presque soixante ans et c’est avec lui qu’il décide d’accomplir son voyage, après avoir d’abord cherché un prince arabe, Sidi-el-Kader, qui finalement ne s’avéra pas fiable.[21] Il s’ouvre de son projet à Mac-Carthy, qui lui conseille de se déguiser en Juif marocain et d’étudier l’hébreu en plus de l’arabe. Il pressent les difficultés de son entreprise :
Les cinq-sixièmes du Maroc sont entièrement fermés aux chrétiens ; ils ne peuvent y entrer que par la ruse et au péril de leur vie. Cette intolérance extrême n’est pas causée par le fanatisme religieux ; elle a sa source dans un autre sentiment commun à tous les indigènes ; pour eux, un Européen voyageant dans leur pays ne peut être qu’un émissaire envoyé pour le reconnaître ; il vient étudier le pays en vue d’une invasion, c’est un espion.
Le 10 juin 1883, à 7 heures du matin, revêtu de son déguisement, Charles de Foucauld, qui s’appellera désormais le rabbin Joseph Aleman, quitte Alger en compagnie de Mardochée, qu’il prend à son service pour la somme de 270 francs par mois. Ce voyage durera presqu’un an et sera décisif dans l’itinéraire spirituel de Charles de Foucauld. Le soir même, ils sont à Oran. Le 12, ils arrivent en diligence à Tlemcen. Foucauld manque de se faire reconnaître par des officiers de son régiment alors qu’il déjeune avec Mardochée. Lui les reconnaît, mais eux non. Le 14 juin, ils sont à la frontière mais au vu des difficultés à pénétrer au Maroc sans être démasqués, ils préfèrent prendre la mer et, après une escale à Gibraltar le 19 et 20 juin, ils arrivent à Tanger. Le 21 juin, ils se joignent à une caravane composée d’une demi-douzaine d’hommes et d’une dizaine de bêtes de somme et pénètrent dans le Maroc. Tétouan, puis Fès, Taza et, du 23 au 27 août, un petit séjour à Meknès. Foucauld raconte :
Le Bled es Sîba [territoire « insoumis », échappant à l’autorité du Sultan], pays libre, commence aux portes de Meknès. […] Nous quittons donc pour longtemps les États du Sultan, le Bled el Makhzen, triste région où le gouvernement fait payer cher au peuple une sécurité qu’il ne lui donne pas ; où entre les voleurs et le caïd, riches et pauvres n’ont point de répit ; où l’autorité ne protège personne, menace les biens de tous ; où l’État encaisse toujours sans jamais faire une dépense pour le bien du pays ; où la justice se vend, où l’injustice s’achète ; où le travail ne profite pas ; ajoutez à cela l’usure et la prison pour dettes : tel est le Bled el Makhzen. On travaille le jour, il faut veiller la nuit ; ferme-t-on l’œil un instant, les maraudeurs enlèvent bestiaux et récoltes. […] À force de fatigues et de soins a-t-on sauvé les moissons, les a-t-on rentrées, il reste encore à les dérober au caïd : on se hâte de les enfouir, on crie misère, on se plaint de sa récolte. Mais des émissaires veillent ; ils ont vu que vous alliez au marché sans y acheter des grains : donc vous en avez ; vous voilà signalé : un beau jour, une vingtaine de mokhaznis arrivent : on fouille la maison, on enlève le blé et le reste ; avez-vous des bestiaux, des esclaves, on les emmène en même temps : vous étiez riche le matin, vous êtes pauvre le soir. Cependant il faut vivre, il faudra ensemencer l’année prochaine ; il n’y a qu’une ressource : le Juif. Si c’est un honnête homme, il vous prête à 60%, sinon à bien davantage : alors c’est fini ; à la première année de sècheresse, viennent la saisie des terres et la prison ; la ruine est consommée. Telle est l’histoire qu’on écoute à chaque pas ; en quelque maison que l’on entre, on vous la répète. Le caïd protège le Juif qui le soudoie ; le Sultan maintient le caïd qui apporte chaque année un tribut monstrueux, qui envoie sans cesse de riches présents et qui, enfin, n’amasse que pour son seigneur car, tôt ou tard, tout ce qu’il possède sera confisqué, ou de son vivant ou à sa mort. Aussi règne-t-il dans la population entière une tristesse et un découragement profonds : on hait et on craint les caïds ; parle-t-on du Sultan ? « temaa bezzef », « il est très cupide », vous répond-on ; c’est tout ce qu’on en dit, et c’est tout ce qu’on en sait.[22]
Foucauld et Mardochée descendent ensuite vers Benni Mellal où ils arrivent le 20 septembre, puis Ouarouizert et la traversée du Grand Atlas.
Après avoir vu la riante ville de Demnât (6 et 7 octobre), je franchis le Grand Atlas au Tizi n’Telouet. Ce col, élevé de 2634 mètres, appartient à la dépression appelée Tizi n’Glaoui. À l’est et à l’ouest de celle-ci s’élèvent, en masse blanches, de hautes cimes neigeuses. Les bois avaient commencé au sortir du Tadla ; ils avaient revêtu les côtes jusqu’au Tizi n’Telouet : là, toute verdure cesse ; le souffle brûlant des vents du sud met à nu le squelette rocheux de la montagne. Je descends le versant méridional du Grand Atlas, je traverse la haute vallée du Dra, où le fleuve n’est encore qu’un torrent ; je parviens au Petit Atlas et le franchis. Depuis Tizi n’Glaoui, pas un arbre, pas un tapis vert : monts et vallées, côtes et plateaux, ne sont que pierre ; tout est noir et semble calciné ; on dirait qu’un incendie a dévoré ces tristes pays. C’est le Sahara.[23]
Puis c’est Tikhirt (12-25 octobre), Tazanakht (26 octobre – 12 novembre) et l’entrée dans la Sahara marocain :
Le Sahara et les palmiers ont la crête du Petit Atlas pour limite nord. Au pied de la chaîne commence une plaine immense, presque infinie ; les ondulations grises s’en étendent vers le sud jusqu’à l’horizon ; le Dra coule au travers, puis voici le grand désert qui s’étend d’ici jusqu’au Soudan : plus de montagnes véritables d’ici à Tombouctou : partout la plaine, ondulée ou unie, sablonneuse ou pierreuse, toujours stérile et solitaire. Seuls restes de vie, quelques oasis la tachent, de loin en loin, de points noirs. Les oasis sont rares au sud du Dra, nombreuses au nord. Je parcours plusieurs de ces dernières : Tissint, Tatta, Aqqa, Mrimima ; je visite le lit du Dra, large de plus de trois kilomètres et à sec ; durant deux mois, je circule dans cette région intéressante et inexplorée.[24]
À Tissint, Foucauld et Mardochée, d’habitude reçus chez des Juifs, sont les hôtes d’un musulman, le Hadj Bou Rhim, qui impressionne beaucoup Charles :
Je ne puis dire combien j’eus à me louer de lui, ni quelle reconnaissance je lui dois : il fut pour moi l’ami le plus sûr, le plus désintéressé, le plus dévoué ; en deux occasions, il risqua sa vie pour protéger la mienne. Il avait deviné, au bout de peu de temps, que j’étais chrétien ; je le lui déclarai moi-même dans la suite : cette preuve de confiance ne fit qu’augmenter son attachement.[25]
En manque d’argent, Charles doit se rendre à Mogador pour pouvoir en faire venir de France. Il laisse Mardochée à Tissint et se rend avec le Hadj Bou Rhim jusqu’à Mogador, où ils parviennent le 28 janvier 1884. De là, il écrit à sa famille pour demander de l’argent. La réponse arrive, après quarante-cinq jours d’attente, le 14 mars. Il reprend alors, avec le Hadj Bou Rhim, la route du Sahara. À Tissint, il retrouve le rabbin Mardochée et remontent vers le nord. Ils franchissent le Petit Atlas à l’est du Dra, par le Dadès, le Todra et le Gueris, contournant au nord le Djebel Sagho, jusqu’à à Ksar es Souk, qu’ils atteignent le 1er mai. Ils traversent alors le Grand Atlas au Tizi n’Telghemt, par 2182 mètres d’altitude. Mais un peu plus loin, sur la route du nord, son escorte se fait attaquer. On lui dérobe tout ce qu’il a, la petite somme d’argent qui lui restait, en laissant cependant, parce que considéré sans intérêt, ses notes et ses instruments. C’est l’un de ses trois accompagnateurs, un certain Bel Qasem, qui, en parlementant, parvient à le sauver, lui et son mulet.
Étrange situation d’entendre, durant un jour et demi, agiter sa vie ou sa mort par si peu d’hommes, et de ne rien pouvoir pour sa défense. Il n’y avait point à agir. J’étais sans armes. Un revolver était dans mon bagage. Il m’avait été pris. L’eussé-je eu, il ne m’eût point servi : que faire, seul dans le désert, au milieu de tribus où tout étranger est un ennemi ? Il n’y avait qu’un seul parti à prendre : la patience ; elle m’a réussi.[26]
Il arrive enfin à Debdou, dépouillé de tout argent. Il vend ses mulets pour pouvoir en louer d’autres et gagner la frontière française. Le 17 mai, faisant sa toilette, il se met à laver sa barbe. Effroi de son compagnon de chambre (le Rabbi David Moïse Murciano) car un vrai Juif ne se lave jamais la barbe. Charles lui demande de ne pas le trahir, ainsi que tous ceux qui se trouvaient là. Personne ne manqua à ce devoir d’hospitalité. Le 22 mai, il arrive enfin à Oujda, puis à Lalla Marnia, où il se sépare de Mardochée. Il regagne Alger, puis embarque pour la France. Son ouvrage, Reconnaissance au Maroc, parut en janvier 1888, précédé d’un article publié dans la Bulletin de la Société Géographique de Paris, intitulé « Itinéraires au Maroc », dont voici quelques extraits :
Durant mon voyage, mon costume fut celui des Juifs marocains, ma religion la leur, mon nom le rabbin Joseph. Je priais et je chantais à la synagogue, je montais au sifer, les parents me suppliaient de bénir leurs enfants. À qui me demandait mon lieu de naissance, je répondais tantôt Jérusalem, tantôt Moscou, tantôt Alger. Demandait-on le motif de mon voyage ? Pour un musulman, j’étais un rabbin mendiant qui quêtait de ville en ville ; pour le Juif, un Israélite pieux venu au Maroc, malgré fatigues et dangers, pour s’enquérir de la condition de ses frères. L’état d’Israélite ne manquait pas de désagréments : marcher pieds nus dans les villes et quelquefois dans les jardins, recevoir des injures et des pierres n’était rien : mais vivre constamment avec les Juifs marocains, gens méprisables et répugnants entre tous, sauf de rares exceptions, était un supplice intolérable. Comme à un frère, à cœur ouvert, on se vantait d’actions criminelles, on me confiait des sentiments ignobles. Que de fois n’ai-je pas regretté l’hypocrisie ! Tant d’ennuis et de dégoûts étaient compensés par la facilité de travail que me donnait mon travestissement. Musulman, il eût fallu vivre sans cesse de la vie commune, sans cesse au grand jour, sans cesse en compagnie, n’avoir jamais un moment de solitude, voir toujours des yeux fixés sur soi ; il eût été difficile d’obtenir des renseignements, plus difficile d’écrire, impossible de se servir d’instruments. Si, pour un Juif, ces occupations ne devenaient point aisées, du moins elles étaient d’ordinaire possibles.
Et un peu plus loin dans le même article :
Tout mon itinéraire a été relevé à la boussole et au baromètre. En marche, j’avais sans cesse un cahier de cinq centimètres, caché dans le creux de la main gauche ; d’un crayon long de deux centimètres qui ne quittait pas l’autre main, je consignais ce que la route présentait de remarquable, ce qu’on voyait à droite et à gauche ; je notais les changements de direction, accompagnés de visées à la boussole, les accidents de terrain, avec la hauteur barométrique, l’heure et la minute de chaque observation, les arrêts, les degrés de vitesse de la marche, etc. J’écrivais ainsi presque tout le temps de la route, tout le temps dans les régions accidentées. Jamais personne ne s’en aperçut, même dans les caravanes les plus nombreuses ; je prenais la précaution de marcher en avant ou en arrière de mes compagnons afin que, l’ampleur de mes vêtements aidant, ils ne distinguassent point le léger mouvement de mes mains ; le mépris qu’inspire le Juif favorisait mon isolement. […] Peu d’observations ont été faites dans la campagne où il était malaisé de m’isoler. J’y suis parvenu quelquefois, prétextant la prière ; comme pour me recueillir, j’allais à quelque distance, couvert de la tête aux pieds d’un long sisit ; les plis en cachaient mes instruments ; un buisson, un rocher, un pli de terrain me dissimulaient quelques minutes et je revenais, ma prière terminée.[27]
Pistes pour méditer
1. Le Maroc a fait passer Charles de Foucauld, lentement mais sûrement, du libertinage à la liberté. Ce ne fut pas un parcours avec un événement brutal, mais plutôt un lent apaisement intérieur, mûri par la solitude, porté par la beauté des paysages, déployé par le goût de l’aventure et du danger. Antoine Chatelard, en fin connaisseur de Charles de Foucauld, en est venu à penser que ce n’est pas seulement le « Maroc » que Charles avait exploré pendant son périple. C’était autre chose, qui le dépassait et pour lequel il n’avait pas de mots, mais qui commençait à le saisir. Il a expérimenté ce que veut dire dépendre des autres, être pauvre et méprisé. Peut-être est-ce là, épousant la condition des Juifs, qu’il a compris combien les abjections peuvent paradoxalement être à la fois douloureuses et fécondes, et cette expérience, plus tard, l’aidera à comprendre la vie et la Passion du Christ. De plus, il a été profondément touché par la prière des croyants juifs et musulmans.
La vie solitaire, les difficultés du parcours, les menaces de mort répétées, tout cela a pu jouer, mais c’est surtout la rencontre avec des croyants qui fut déterminante. Des hommes, dira-t-il, qui vivaient « dans la continuelle présence de Dieu », des hommes avec lesquels il s’est lié d’amitié : tout cela ne l’a-t-il pas ouvert à une autre dimension ?[28]
On reviendra sur l’importance pour Foucauld de sa fréquentation des croyants de l’islam, déjà lorsqu’il était à Mascara et qu’il lisait le Coran.[29] « L’islam a produit en moi un profond bouleversement. […] La vue de cette foi […] m’a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines : “ad majora nati sumus » [nous sommes nés pour des choses bien plus grandes]. […] Je me suis mis à étudier l’islam ». Et un peu plus loin, il avoue : « J’ai songé à me faire musulman ».[30]
2.Ce qui saute aux yeux, lorsqu’on relit toute cette période de la vie de Foucauld, c’est l’importance de la bonté. Une bonté qui déjà l’habite intérieurement et une bonté qu’il sait trouver et reconnaître en beaucoup de personnes. « La bonté n’a pas de religion. Elle habite le cœur de l’homme», a écrit récemment Mgr Paul Desfarges, archevêque émérite d’Alger, lointain successeur de Lavigerie.[31] Bonté de son grand-père, bonté de sa cousine et de sa sœur, bonté de son ami Gabriel Tourdes, bonté de Mac Carthy, bonté du Hadj Bou Rhim, bonté de Bel Qacem, bonté du rabbin Murciano… Le chemin de l’amour, qui devait le conduire au Christ, Charles l’a trouvé en se laissant guider par la bonté de ceux qui l’ont aimé, qui l’ont encouragé et, pour plusieurs d’entre eux, qui lui ont sauvé la vie. Par eux, l’Esprit Saint, lentement, préparait son cœur à la découverte de la bonté de Dieu. J’ai été très impressionné en lisant ces jours-ci une lettre que son tuteur judiciaire, George de Latouche, avait écrite à M. Mac Carthy, à la Bibliothèque d’Alger, pour lui parler de Charles et lui recommander de veiller sur lui.
M. de Foucauld a été orphelin dès ses premières années ; il a été élevé par son grand-père maternel, le colonel de Morlet, dont la bonté n’a été égalée que par une excessive faiblesse. Sous une direction moins sénile, cet enfant admirablement doué, d’une intelligence d’élite, au cœur d’or, eût pu devenir un homme remarquable. La mort de son grand-père le laisse, à vingt ans, maître d’une belle fortune et, en même temps, sans défense contre ses goûts de luxe et les encouragements intéressés de ses camarades. En moins de quatre ans, il dissipe plus de 110 000 francs de son patrimoine. Il commit une dernière folie, ce fut de donner sa démission d’officier. Alors sa tante, Mme Moitessier, intervint et lui fit donner un conseil judiciaire. Cette tâche ingrate, je l’acceptai, persuadé qu’avec une nature si foncièrement bonne, si honnête, il y avait encore de la ressource. Charles fut étonné de se sentir dirigé par une volonté ferme, prodigue à la fois d’amitié et de résistance : loin de se raidir, il se laissa guider et m’accorda toute sa confiance. […] Avant d’envoyer à M. de Foucauld l’argent destiné à son voyage d’exploration, j’ai tenu à vous consulter sur la foi qu’on peut avoir en ce guide [le rabbin Mardochée]. Est-il bien le même que celui qui est allé à Tombouctou ? Est-il, ainsi que je le suppose, incapable d’attirer un voyageur dans un guet-apens ou de l’abandonner dans le péril ? Est-il assez intelligent pour suppléer à l’inexpérience de Charles qui est un rêveur manquant complètement de ce sens pratique qui seul fait l’homme d’aventures ?[32]
3.Foucauld, par son incessante curiosité, par sa profonde liberté intérieure et par son désir de se dépasser, était tout le contraire de ce que Charles Péguy appelle « une âme habituée» ! Je voudrais terminer cette première méditation de Carême en relisant avec vous ce passage bien connu de Péguy.
Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme perverse. C’est d’avoir une âme habituée. De là viennent tant de manques que nous constatons dans l’efficacité de la grâce, et que, remportant des victoires inespérées dans l’âme des plus grands pécheurs, elle reste souvent inopérante auprès des plus honnêtes gens. Car ceux-ci n’ont pas de défaut dans l’armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale constamment intacte leur fait un cuir et une cuirasse sans faute. Ils ne présentent point cette entrée à la grâce qu’est essentiellement le péché. C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé et celui qui n’est pas sale ne sera jamais essuyé. Les honnêtes gens ne mouillent pas à la grâce.[33]
L’âme de Charles de Foucauld n’était pas « une âme habituée ». Bien au contraire, elle était habitée d’un profond et fougueux désir. Certes, elle avait goûté aux plaisirs et aux satisfactions du monde, mais ceux-ci n’étaient jamais parvenus à combler ce désir. Elle cherchait une paix au-delà de la tranquillité facile. Elle était prête à tous les efforts pourvu qu’ils lui fassent entrevoir le vrai bonheur. « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos, tant qu’il ne repose en toi ! », disait saint Augustin, qui parlait d’expérience lui aussi, bien avant Charles de Foucauld, depuis cette même terre du nord de l’Afrique.
L’âme de Charles était disposée à recevoir. Quitte, pour cela, à risquer de tout perdre. Tel est le moment de conversion que représente l’exploration au Maroc. Lorsqu’il arrive à la frontière et rentre en Algérie, à Lalla Marnia, le 23 mai 1884, il se trouve que le lieutenant Maumené, qu’il avait connu à Saint-Cyr, y faisait des travaux cartographiques. « Il vit arriver un être maigre, couvert de vermine, pieds nus, sordide. Le dévisageant, il ne trouvait absolument rien du Charles de Foucauld connu à Saint-Cyr, quand celui-ci le reconnut : “Tiens ! Maumené, comment es-tu là ?” ».[34] Ce que Maumené ne pouvait pas voir, c’est que si Foucauld avait le visage défiguré, il avait l’âme transfigurée ! Il avait réussi un exploit qui lui vaudra la médaille d’or de la Société de géographie de Paris. Mais ce qui était bien plus important, et dont il avait secrètement conscience même s’il ne savait pas l’exprimer, c’est que son âme avait « mouillé à la grâce » et qu’il pouvait, désormais, s’abandonner à elle. Certes, les paysages découverts lors de ce voyage l’avaient enchanté. Mais bien plus encore, il avait perçu, en risquant lui-même sa vie, combien l’humanité est capable de bonté, de don de soi, en quête de rédemption. Ces hommes et ces femmes qui, depuis sa naissance, l’avaient aimé et lui avaient prodigué leur bienveillance étaient chrétiens, juifs, musulmans ou agnostiques. Mais tous avaient fait preuve d’humanité et de bonté. Plus tard, quand il aura découvert le Christ, il n’oubliera jamais cette leçon, priant sans cesse le Seigneur pour que « tous les hommes soient sauvés ».
Presque cinquante ans plus tard, au début du n°13 de Lumen gentium, les Pères de Vatican II écriront : « À faire partie du nouveau peuple de Dieu, tous les hommes sont appelés (Ad novum Populum Dei cuncti vocantur homines) ». Avec cette petite phrase, par laquelle commence l’un des paragraphes les plus importants du Concile, nous avons commencé à ouvrir le cadeau que Dieu nous fait par la vie du saint frère Charles de Foucauld. Que celui-ci nous accompagne tout au long de cette semaine !
Amen !
+ Jean-Marc Aveline
Archevêque de Marseille
NOTES
[1] Paul Claudel, Trois figures saintes pour le temps actuel. Le frère Charles, Sainte Thérèse de Lisieux, Ève Lavallière, Paris, Amiot-Dumont, 1953.
[2] « Il ne semble pas avoir suivi les maîtres du Carmel dans leur voie mystique d’expérience de l’union divine. Mais de sainte Thérèse d’Avila, il a appris l’amour passionné du Seigneur, de saint Jean de la Croix, le sens du total renoncement et la foi en l’efficacité de la Croix. Peut-être a-t-il été encore plus marqué par le réalisme et la force de l’imitation évangélique de Jésus qu’on découvre dans les sermons de saint Jean Chrysostome sur l’Évangile. Charles de Foucauld est un homme d’action. Son esprit est inquiet tant qu’il n’a pas réalisé. Il ne se repose pas dans la connaissance, même aimante. Il n’a de paix que lorsqu’il agit de telle façon que son action est à la fois imitation fidèle de Jésus et perte de soi dans le Bien-aimé » (Fr. Milad Aïssa, « Introduction », dans Frère Charles de Jésus (Charles de Foucauld), Œuvres spirituelles. Anthologie. Publiées par l’Association « Charles de Jésus, Père de Foucauld » ; Préface de S. E. Mgr de Provenchères. Textes réunis par Denise Parat, Paris, Éditions du Seuil, 1958, p. 18).
[3] Marie Moitessier est née le 19 août 1950 au château de Villiers. Elle se marie le 11 avril 1874. C’est en 1876, peu avant la naissance de son second fils, Robert, qu’elle entre par hasard, à Saint-Augustin, dans le confessionnal de l’abbé Huvelin. L’affection et la confiance du P. de Foucauld pour sa cousine, à laquelle il avait promis de dire toujours « la chère vérité » étaient très profondes. Pour Charles, cette « chère vérité » est fondée sur une immense confiance, et elle est « chère » parce qu’il lui en coûte de la dire, à certains moments de sa vie. Il adressa à sa cousine, entre son départ pour la Trappe et sa mort, 734 lettres. Le 15 août 1933, un incendie éclata au château de la Barre, à Chinon, qui détruisit la propriété et un bon nombre d’affaires de Charles de Foucauld.
[4] Mgr Lavigerie était très attaché au sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, où il aimait à monter prier lorsqu’il passait à Marseille. Il avait participé à sa consécration en 1864 et en 1882, devenu archevêque d’Alger, c’est à lui que Mgr Robert, alors archevêque de Marseille, avait demandé de consacrer le nouveau maître-autel érigé dans la basilique après un incendie.
[5] Lettre à Henri de Castries, 14 août 1901.
[6] Charles avait demandé à sa sœur, Madame de Blic, de prévenir, lorsqu’il mourrait, ses « deux incomparables amis », Gabriel Tourdes et Henri Laperrine. Cf. Lettre de Madame de Blic à Gabriel Tourdes, 18 janvier 1917, citée par Bernard Jacqueline dans Charles de Foucauld, Lettres à un ami de lycée (1874-1915) Correspondance avec Gabriel Tourdes, Paris, Nouvelle Cité, 1982, p. 16-17.
[7] Lettre à un ami, 17 avril 1892, citée par René Bazin, Charles de Foucauld explorateur du Maroc, ermite au Sahara, Paris, Plon, 1964, p. 7-8. Dans une autre lettre, datée du 8 novembre 1893, il écrit : « De foi, il n’en restait pas trace dans mon âme » (ibid., p. 8). Et il explique : « Si vous saviez combien toutes les objections qui m’ont tourmenté, qui écartent les jeunes gens, sont lumineusement et simplement résolues dans une bonne philosophie chrétienne. Il y a eu pour moi une vraie solution quand j’ai vu cela… Mais on jette les enfants dans le monde sans leur donner les armes indispensables pour combattre les ennemis qu’ils trouvent en eux et hors d’eux et qui les attendent en foule à l’entrée de la jeunesse… Les philosophes chrétiens ont résolu depuis longtemps si clairement tant de questions que chaque jeune homme se pose fiévreusement sans se douter que la réponse existe, lumineuse et limpide, à deux pas de lui » (ibid. p. 6).
[8] Georges Gorrée, Sur les traces de Charles de Foucauld, Paris, Arthaud, 1947, p. 32.
[9] À Gabriel Tourdes (1857-1923), un ami de Strasbourg et de Nancy, il écrit : « Tu me demandes si, en quittant Saint-Cyr, je ne sais s’il faut rire ou pleurer : Foutre ! Oui ! Je le sais : il faut rire, et terriblement, et furieusement, c’est effroyable : tu ne te figures pas quel enfer est Saint-Cyr » (Charles de Foucauld, Lettres à un ami de lycée : correspondance avec Gabriel Tourdes (1874-1915), Introduction et notes de Pierre Sourisseau, Paris, Nouvelle Cité, 2010, p. 97).
[10] À Saumur, Charles partageait sa chambre avec Antoine de Vallombrosa, marquis de Morès (1858-1896) qui, après Saumur, sera affecté au 1er régiment de cuirassier (cf. R. Bauchard, Le Père de Foucauld et le marquis de Morès à l’École de cavalerie de Saumur, Saumur, Imprimerie Girouard et Richou, 1947). Selon le futur général Henry Laperrine (1860-1920), camarade de régiment de Charles de Foucauld au 4e régiment de chasseurs d’Afrique et que nous retrouverons à chaque étape de la vie de Charles, cette chambre de Saumur était vite devenue célèbre « par les excellents dîners et les longues parties de cartes que l’on y faisait, pour tenir compagnie au puni, car il était bien rare que l’un des deux occupants ne fût pas aux arrêts » (Général Laperrine, « Les étapes de la conversion d’un houzard. Le Père de Foucauld », Revue de cavalerie, octobre 1913).
[11] Voir détails dans Gorrée, op. cit., p. 35-36.
[12] Henry Laperrine, « Les étapes de la conversion d’un housard », Revue de cavalerie, octobre 1913.
[13] Dossier individuel. Service historique de la défense (Vincennes), dossier YH 130, 9 M 596. Cité par Jean Bourcart, « Le sous-lieutenant Charles de Foucauld. Pages de vie d’un officier de cavalerie légère entre garnisons et opération : 1878-1891 », dans Équipe du Centenaire. Diocèse de Viviers, Charles de Foucauld. Officier, géographe, linguiste, Marseille, Publications Chemins de Dialogue 2017, p. 111-138 ; ici p. 124
[14] Cf. Josette Fournier, Charles de Foucauld. 2. Le temps de l’incroyance, Saint-Léger Éditions, 2021, p. 392-393.
[15] « En avril 1881, un lieutenant des affaires indigènes est assassiné dans le Sud-Oranais et une insurrection éclate, conduite par Bou-Amana, qui met en échec les troupes françaises ; Castries est envoyé, comme chef de brigade topographique, dans le Chott Tigri, en zone marocaine ; il est accompagné d’une forte escorte de la Légion étrangère ; le convoi est attaqué et pillé, le commandant de l’escorte tué. Castries organise la défense ; des renforts arrivent, parmi lesquels se trouve le sous-lieutenant Laperrine, et délivrent les assiégés ; […] le capitaine de Castries, qui a sauvé le détachement, entre dans la notoriété militaire » (Brigitte Cuisinier et Jean-François Six, « Présentation et mise en texte », dans Charles de Foucauld, Lettres à son ami Henry de Castries (1901-1916), Paris, Nouvelle Cité, 2011, p. 19).
[16] Henry Laperrine raconte que, « au milieu des dangers et des privations des colonnes expéditionnaires, ce lettré fêtard se révéla un soldat et un chef, supportant les plus dures épreuves, payant constamment de sa personne, s’occupant avec dévouement de ses hommes » (Revue de cavalerie, 1913, op. cit.).
[17] « Je fais partie d’une colonne qui manœuvre sur les hauts plateaux, au sud de Saïda. C’est très amusant : la vie de camp me plaît, autant que la vie de garnison me déplaît : ce n’est pas peu dire ! J’espère que la colonne durera très longtemps ; quand elle sera finie, je tâcherai d’aller ailleurs où on se remue ; si je ne puis pas, je ne sais trop ce que je ferai ; mais à aucun prix je ne veux plus mener la vie de garnison » (Lettres à un ami de lycée. Correspondance inédite avec Gabriel Tourdes, op. cit., p. 116-117).
[18] Fr. Milad Aïssa, « Introduction », dans Frère Charles de Jésus (Charles de Foucauld), Œuvres spirituelles. Anthologie. Publiées par l’Association « Charles de Jésus, Père de Foucauld » ; Préface de S. E. Mgr de Provenchères. Textes réunis par Denise Parat, Paris, Éditions du Seuil, 1958, p. 15.
[19] Le terme arabe Djazirat el Maghreb (littéralement : « l’île du couchant ») rend bien compte de cette partie du continent africain isolée par le Sahara et bordée la Méditerranée et l’Atlantique. Par son relief, le Maghreb, avec ses chaînes de montagnes plus ou moins parallèles à la côte, se présente comme une série d’avenues largement ouvertes vers l’est, avec une grande plaine fertile et cultivable de plus de 3000 kilomètres de long sur moins de 200 kilomètres de large. Hérodote (Ve siècle avant notre ère), appelait Maxyes les habitants du Maghreb, et le nom d’Imazighen (liés aux Mazices, nom dérivé de Maxyes, désignant les habitants de la Maurétanie Césarienne (Libye non-tripolitaine) et de la Maurétanie Tingitane (Maroc et ouest de l’Algérie). Voir l’ouvrage fondamental de l’historien Ibn Khaldoun (1332-1406), L’histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale, Paris, Geuthner, 1925.
[20] Ce Fitz-James avait fait partie de l’expédition dans le Sud-Oranais. Il témoignait du dévouement de Foucauld : « Aussi endurant aux fatigues et privations qu’il l’avait été au plaisir. Toujours de bonne humeur, supportant gaiement la faim et surtout la soif, et si bon pour ses cavaliers ! Ne pensant qu’à améliorer leur sort, partageant tout avec eux » (cf. P. Lesourd, La vraie figure du P. de Foucauld, Paris, Flammarion, 1993, p. 62).
[21] Mardochée Abi Serour était né vers 1830 à Aqqa, petite ville du Maroc située à 1235m d’altitude, dans la région du Souss-Massa, au sud du pays. Après avoir étudié à Jérusalem, il enseigne à Alep. Il voyage beaucoup, traverse plusieurs fois le Sahara, ouvre un commerce à Tombouctou. Puis, ruiné, il revient au Maroc et accomplit plusieurs missions scientifiques pour le compte de la Société de Géographie de Paris et l’Alliance Israélite. Ensuite, il se retire à Alger. Il mourut à Alger, en se livrant à des recherches sur la pierre philosophale.
[22] Charles de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, p. 40 ; cité par Georges Gorrée, Sur les traces de Charles de Foucauld, Paris, Arthaud, 1947, p. 44-45.
[23] Charles de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, p. 105 ; cité par Georges Gorrée, op. cit., p. 46.
[24] Cité par Georges Gorrée, op. cit., p. 48.
[25] Charles de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, p. 159 ; cité par Georges Gorrée, op. cit., p. 49.
[26] Charles de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, p. 244 ; cité par Georges Gorrée, op. cit., p. 54.
[27] Charles de Foucauld, « Itinéraires au Maroc », Bulletin de la Société de Géographie de Paris, 1er trimestre 1887, cité par Georges Gorrée, op. cit., p. 69-71.
[28] Antoine Chatelard, Charles de Foucauld. Le chemin vers Tamanrasset, Paris, Karthala, 2002, p. 31.
[29] Voir l’étonnant et touchant témoignage d’Eugénie Buffet, cité par Josette Fournier, Charles de Foucauld. 3. Naissance de l’intellectuel, op. cit., p. 25-29.
[30] Lettre à Henry de Castries, 8 juillet 1901.
[31] Paul Desfarges, « Préface », dans Josette Fournier, Charles de Foucauld. 3. Naissance de l’intellectuel, Saint-Léger Éditions, 2021, p. 8.
[32] Cité par Josette Fournier, Charles de Foucauld. 3. Naissance de l’intellectuel, op. cit., p. 202-206.
[33] Charles Péguy, Note conjointe sur la philosophie de M. Descartes, 1914.
[34] Josette Fournier, Charles de Foucauld. 3. Naissance de l’intellectuel, op. cit., p. 202-256. Elle ajoute le témoignage d’Albert Canal, qui travaillait pour la Société de géographie : « Nous étions en train de prendre le café. Nous voyons arriver devant nous un indigène, de taille moyenne, ne portant pour tout vêtement qu’un léger sarouel de toile et par-dessus, une djellaba de laine blanche maculée par le voyage et les couchages rustiques, vêtement à courtes manches et à petit capuchon ; la tête couverte de la calotte noire, seule tolérée aux juifs marocains. Ses pieds étaient nus ; sa figure, son cou et ses avant-bras ainsi que ses jambes nues, brunis, à demi brûlés par le soleil du Maghreb. »