Mgr Francesco Follo à l'UNESCO, 2 juillet 2021 © Mgr Follo

Mgr Francesco Follo à l'UNESCO, 2 juillet 2021 © Mgr Follo

« Le Christ, Parole qui devient Pain de Vie », par Mgr Follo

« Nous unir à sa vie divine en l’imitant »

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« Comprendre que le Christ est Pain qui nourrit notre cœur et notre esprit, se faisant aussi nourriture pour le chemin de notre vie et un ami avec qui converser »: c’est l’invitation de Mgr Francesco Follo dans ce commentaire des lectures de dimanche prochain, 8 août 2021.

Comme lecture patristique, l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris (France) propose une passage de la « Hiérarchie ecclésiastique » de Denys l’Aréopagite (+ après 510).

AB

Le Christ, Parole qui devient Pain de Vie

1) Pain de vie éternelle

Le Christ est la nourriture qui donne la vie éternelle, parce qu’il est le Fils unique de Dieu, que demeure dans le sein du Père, qui est venu pour donner à l’homme la vie en plénitude, pour introduire l’homme dans la vie même de Dieu.

Il y a deux semaines nous avons vu le don du pain fait par Jésus sur le lac Tibériade, multipliant cinq pains, afin de les partager avec les nombreuses personnes qui le suivaient. Dimanche dernier, nous avons vu ces personnes qui cherchaient ce pain multiplié et partagé qu’ils voulaient encore manger. Aujourd’hui, le Messie explique que l’important  n’est pas le pain de la terre mais le Pain du ciel, c’est à dire Lui même. Face à cette affirmation de Jésus : « Moi, je suis le pain de la vie » (Jn 6,48), les Juifs réagissent en murmurant. Ils ne croient pas à l’origine divine de Jésus. Pour eux, qui pensent bien le connaître, il est seulement le fils de Joseph. Donc, comment pouvait-il être descendu du Ciel? Face à ces murmures, Jésus ne discute pas, mais il réaffirme : « Moi, je suis le pain venu du ciel », « Je suis le pain de la vie ».

Le pain de Moïse ne donne pas la vie pour toujours : « Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts » (Jn 6,49). Jésus, et seulement Jésus, est le « Pain », la Parole et la sagesse dont l’homme a faim. Plus loin, on comprendra que le pain est aussi l’Eucharistie, mais maintenant, à ce moment du discours, l’insistance est sur la Parole. L’ancien Testament est parcouru par une recherche anxieuse de  la Parole de Dieu qui éclaire le chemin de la vie et en révèle le sens. Dans la tradition judaïque, la manne était le symbole de la Parole. Et les Juifs l’attendaient à nouveau comme un don, en abondance.  Notre récit évangélique affirme que Jésus, lui-même, le fils du charpentier, résume en lui toute cette attente et la porte à son accomplissement. Face au refus des Juifs, Jésus ne se limite pas à en dénoncer l’incrédulité et ne se contente pas d’en indiquer la raison. Il nous révèle l’origine et les conditions de la Foi. Cette pensée est tellement importante que Jésus la répète deux fois : « Celui qui écoute le Père et se laisse instruire par Lui, qu’il vienne à moi », « Personne ne vient à moi si il n’est attiré par le Père ». Personne ne peut aller vers le Christ si le Père ne l’attire pas. On ne devient Chrétien que par cette attraction et non par l’endoctrinement. Nous devenons  des Chrétiens par  attraction : nous sommes attirés par un Dieu Bon semblable au pain, humble comme le pain, nourriture inépuisable qui nourrit la vie, chaque vie, toute la vie.

Dans  le cœur de chaque homme il y a l’attraction au Fils, exercée par le Père. La structure fondamentale de l’homme est d’être fils. Même le désir de fraternité indique la nécessité d’un père (Jésus est la première personne qui a vécu en son corps la réalité de Fils du Père et Frère de tous). Et que veut un Fils du Père? Il veut la vie dans l’amour. Il veut être aimé par le Père sans conditions. Tout cela est inscrit dans le cœur de chaque personne humaine et c’est ce désir de l’amour du Père qui nous fait être fils et nous attire au Fils, notre frère, source inépuisable de vie, de bien et de grâce.

Le Père ne nous attire pas avec la force mais avec le don de son Fils, une offrande qui suscite la liberté du destinataire : la manne est « don et question » (manne vient de man hu, « qui est-ce? »); le don qu’est Jésus, suscite beaucoup de questions sur son identité (« qui est-il? «  cf. Jn 6,42). Ainsi, toutes les questions de ceux qui n’accèdent pas à la foi en lui, révélateur du Père, car ils connaissent l’origine humaine de Jésus, expriment aussi le caractère non coercitif et non obligeant du don que Jésus est, et fait ; le vrai don s’expose à la liberté du destinataire, et même à son possible refus, à l’humiliation de l’indifférence ou du rejet.

 

2) Manger

 

L’Evangile d’aujourd’hui, Jn 6, 48-51, parle de la chair à manger. Et croire sera remplacé par le manger et le boire. Croire est une chose concrète : c’est manger. Manger est le processus d’assimilation, même chose pour le « boire ». L’Eucharistie est l’assimilation du Fils et nous verrons comment elle arrive.

Je pense qu’il est correct de dire que le verbe principal de l’Evangile d’aujourd’hui est « manger ». Il indique un geste simple, quotidien, mais vital. Manger est une question de vie ou de mort et Dieu est cela : Il est une question de vie ou de mort. Notre vie est en question. Le secret, le dernier sens dans le temps et dans l’éternel est de vivre de Dieu. Le Christ ne se donne pas à manger seulement pour que nous devenions bons mais pour nous devenions Dieu, fils dans le Fils. Manger le corps et le sang du Christ ne vise qu’à nous transformer en ce que nous recevons (Léon le Grand).

Le corps du Christ,  son essence d’homme parmi nous, la pauvreté humaine qu’il a assumé, est le Pain qui donne la vie éternelle. Et l’homme est arraché à la mort et est ressuscité « le dernier jour », mais déjà maintenant, qui croit en le Christ possède la vie éternelle. « Comme le bois de la vigne plantée en terre, donne du fruit à son rythme, comme le grain du froment, tombé par terre pourri, et se multiplie. De la même façon, nos corps nourris par l’Eucharistie, déposés en terre et dissous, resurgiront en leur temps parce que le Verbe de Dieu leur élargira la résurrection à la gloire de Dieu Père. Dieu n’a pas toléré que nous nous dissolvions dans la terre » (Irénée de Lyon).

Jésus  est venu apporter beaucoup plus que le pardon des péchés : il a apporté Lui-même, il s’est donné Lui-même, en s’offrant comme nourriture. Toute la vie du Fils fut, et est, Eucharistie, donc, tout est vu par lui comme Eucharistie. Manger la chair et le sang du Christ ne se réduit pas au rite de la Messe. Le corps du Christ n’est pas seulement sur l’autel – la terre est pleine de son Esprit- Dieu s’est revêtu d’humanité au point que l’humanité entière est la « chair » de Dieu. En effet, il dit : « Ce que vous avez fait à un de ceux-ci, vous l’avez fait à moi ». « Manger le pain de Dieu » c’est se nourrir du Christ et des Evangiles, c’est manger ce bon pain, constamment.

Demandons-nous alors : de quoi nous nourrissons-nous? De quoi alimentons-nous notre cœur et nos pensées? Nous sommes en train de manger générosité, beauté, profondeur? Ou sommes-nous en train de nous nourrir de superficialité, myopie, égoïsme, intolérance, stupidités? Si nous accueillons en nous des pensées dégradées, elles nous réduisent comme elles ; si nous accueillons les pensées d’évangile, de bonté et de beauté, ces pensées nous permettent d’être des hommes et des femmes de beauté. Si nous nous nourrissons d’évangile, l’évangile donne forme à notre « penser », notre « sentir », notre « aimer ». Si nous nous nourrissons du Corps du Christ, nous nous assimilons à lui et devenons ce qui nous habite.

Un exemple particulier de vie eucharistique est celui qui nous est offert pas les Vierges Consacrées dans le monde. Ces femmes sont conscientes que « la vie consacrée retrouve son identité lorsqu’ elle laisse apparaître, dans les faits, la mémoire vivante de la façon  d’exister et d’agir de Jésus comme Verbe incarné face au Père et face aux frères. Elle est une tradition vivante de la vie et du message du Sauveur (Vita consecrata, n.22). Certains maîtres  spirituels distinguent trois types de communion qui permettent d’appréhender Dieu : l’Eucharistie, la contemplation et l’obéissance.

Ces trois types ne s’opposent pas entre eux et la vie des Vierges consacrées montre comment ceux-ci peuvent être unis et fructueux  entre eux :

Avant tout, la communion eucharistique quotidienne qui assure aux consacrées la présence et l’action vivifiante du Corps et du Sang, de l’Ame et de la Divinité du Christ qui diffuse sa vie en s’immolant. En second lieu, la contemplation ; elle est la prière qui devient regard et avec elle, la personne consacrée s’expose à la lumière du Verbe devenu Chair, lumière qui se transforme et devient de plus en plus claire. Enfin, l’obéissance qui n’est pas vécue comme soumission  extérieure ou comme simple exécution d’un ordre par les vierges consacrées, mais comme la répétition dans la vie de tous les jours du « oui » de Marie au Seigneur qui leur demandent de demeurer en elles et à travers elles, dans le monde.

 

Lecture patristique

Denys l’Aréopagite (+ après 510)

La Hiérarchie ecclésiastique,

3, 12-13; PG 3, 444

 

Lorsque Jésus, le Verbe divin, dans sa bonté et son amour pour les hommes, a assumé notre nature humaine, son unité simple et cachée s’est rendue présente en un être composé et visible, sans en subir aucune altération. En unissant étroitement notre bassesse à sa souveraine divinité, il a généreusement établi entre lui et nous une intime communion.

 

Celle-ci ne peut se réaliser que si nous lui sommes unis harmonieusement, comme les membres au corps, si nous nous conformons à la même vie pure et divine et si nous ne nous livrons pas à la mort en cédant aux passions destructrices, qui nous rendraient incapables de nous adapter et d’adhérer aux membres parfaitement sains de Dieu, et de vivre en union avec eux.

 

Car si nous désirons être en communion avec lui, il faut que nous contemplions la vie toute divine qu’il a menée dans la chair. Il faut aussi qu’en mettant dans notre vie la sainte innocence qui la rendra semblable à la sienne, nous tendions vers l’état de pureté parfaite et la divinisation. C’est ainsi, en effet, qu’il nous donnera de bénéficier de sa ressemblance selon le mode qui nous convient.

 

Cela, l’évêque le révèle lorsque, dans la célébration des mystères, il découvre les dons cachés et divise leur unité en de nombreuses parts, et que, par l’union intime des réalités sacramentelles avec ceux qui les reçoivent, il accomplit en ceux qui y participent, la parfaite communion avec elles.

 

En présentant à notre regard le Christ Jésus, l’évêque montre d’une manière sensible, au moyen des éléments sacramentels, qui en sont comme les figures, ce qui constitue notre vie spirituelle. Il révèle que le Christ, sorti du secret de sa divinité, a pris la forme humaine par amour pour nous en assumant toute notre humanité sans se mélanger à elle; qu’il est descendu de son unité essentielle jusqu’à notre nature divisée sans subir aucun changement; qu’il appelle l’humanité à avoir part à sa divinité et à ses biens propres, en lui offrant les bienfaits de son amour pour les hommes.

 

Il nous demande seulement de nous unir à sa vie divine en imitant celle-ci autant que nous le pouvons, afin que s’accomplisse en nous la véritable communion avec Dieu et ses divins mystères.

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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