« Noël nous invite à voir les choses à partir de son point de vue. Dieu désire s’incarner », « Dieu aime habiter dans notre étable » : c’est ainsi que le pape François a invité à réfléchir sur le paradoxe de l’Incarnation mis en avant par l’évangéliste saint Jean dans l’évangile de ce dimanche 2 janvier 2022.
Avant la prière de l’angelus de ce premier dimanche de l’année 2022, le pape François a commenté l’évangile du jour, deuxième dimanche après Noël – et non fête de l’Epiphanie, qui est fêtée le 6 janvier en Italie – tiré du Prologue de saint Jean, en particulier le verset 14 : « « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous ».
« Voilà l’œuvre de Dieu : venir au milieu de nous. Si nous nous considérons indignes, cela ne l’arrête pas, il vient. Si nous le refusons, il ne se lasse pas de nous chercher. Si nous ne sommes pas prêts et bien disposés à l’accueillir, il préfère quand même venir. Et si nous lui fermons la porte à la figure, il attend. Il est vraiment le bon pasteur. »
Dieu « veut habiter avec nous, il veut habiter en nous, ne pas rester loin », a insisté le pape en soulignant l’emploi du verbe « habiter » dans le passage de l’Evangile. Et d’interroger : « Et nous, voulons-nous lui faire de la place ? », en invitant à répondre de manière concrète : « Quel est l’espace que je garde uniquement pour moi et où je ne veux pas que Dieu vienne ? » « Soyons sincères, et répondons-y », a-t-il exhorté.
Paroles du pape François avant l’angelus
Chers frères et sœurs, bonjour !
L’Evangile de la liturgie de ce jour nous offre une très belle phrase, que nous prions souvent à l’Angelus et qui, à elle seule, nous révèle le sens de Noël : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). Si nous y réfléchissons, ces paroles contiennent un paradoxe. Elles mettent ensemble deux réalités opposées : le Verbe et la chair. « Verbe » indique que Jésus est la Parole éternelle du Père, Parole infinie, qui existe depuis toujours, avant toutes les choses créées ; « chair » indique en revanche précisément notre réalité, réalité créée, fragile, limitée, mortelle. Avant Jésus, c’était deux mondes séparés : le Ciel opposé à la terre, l’infini opposé au fini, l’esprit opposé à la matière. Et il y a une autre opposition dans le Prologue de l’Evangile de Jean, un autre binôme : lumière et ténèbres (cf. v. 5). Jésus est la lumière de Dieu entrée dans les ténèbres du monde. Lumière et ténèbres. Dieu est lumière : en lui, il n’y a pas d’opacité ; en nous, en revanche, il y a beaucoup d’obscurité. Maintenant, avec Jésus, lumière et ténèbres se rencontrent : sainteté et faute, grâce et péché. Jésus, l’incarnation de Jésus est précisément le lieu de la rencontre, de la rencontre entre Dieu et les hommes, la rencontre entre la grâce et le péché.
Que signifie annoncer l’Evangile avec ces polarités ? Quelque chose de splendide : la façon d’agir de Dieu. Face à nos fragilités, le Seigneur ne se dérobe pas. Il ne reste pas dans son éternité bienheureuse et dans sa lumière infinie, mais il se fait proche, il se fait chair, il se plonge dans les ténèbres, il habite des terres qui lui sont étrangères. Et pourquoi Dieu fait-il cela ? Pourquoi descend-il parmi nous ? Il le fait parce qu’il ne se résigne pas au fait que nous puissions nous égarer en allant loin de lui, loin de l’éternité, loin de la lumière. Voilà l’œuvre de Dieu : venir au milieu de nous. Si nous nous considérons indignes, cela ne l’arrête pas, il vient. Si nous le refusons, il ne se lasse pas de nous chercher. Si nous ne sommes pas prêts et bien disposés à l’accueillir, il préfère quand même venir. Et si nous lui fermons la porte à la figure, il attend. Il est vraiment le bon pasteur. Et la plus belle image du bon pasteur ? Le Verbe qui se fait chair pour partager notre vie. Jésus est le bon pasteur qui vient nous chercher là où nous sommes : dans nos problèmes, dans notre misère. C’est là qu’il vient.
Chers frères et sœurs, souvent, nous nous tenons à distance de Dieu parce que nous pensons que nous ne sommes pas dignes de lui pour diverses raisons. Et c’est vrai. Mais Noël nous invite à voir les choses à partir de son point de vue. Dieu désire s’incarner. Si ton cœur te semble trop pollué par le mal, s’il te semble désordonné, s’il te plaît, ne te ferme pas, n’aie pas peur : il vient. Pense à l’étable de Bethléem. Jésus y est né, dans cette pauvreté, pour te dire qu’il ne craint pas du tout de visiter ton cœur, d’habiter une vie négligée. C’est cela, la parole : habiter. Habiter est le verbe qu’emploie aujourd’hui l’Evangile pour signifier cette réalité : elle exprime un partage total, une grande intimité. Et c’est ce que Dieu veut : il veut habiter avec nous, il veut habiter en nous, ne pas rester loin.
Et je m’interroge, moi-même, et vous, vous tous : et nous, voulons-nous lui faire de la place ? En paroles, oui ; personne ne dira : « moi, non » ; oui. Mais concrètement ? Peut-être y a-t-il des aspects de notre vie que nous gardons pour nous, exclusifs, ou des lieux intérieurs dans lesquels nous avons peur de laisser entrer l’Evangile, dont nous ne voulons pas que Dieu se mêle. Aujourd’hui, je vous invite à être concrets. Quelles sont les choses intérieures dont je crois qu’elles ne plaisent pas à Dieu ? Quel est l’espace que je garde uniquement pour moi et où je ne veux pas que Dieu vienne ? Que chacun de nous soit concret et répondons-y. « Oui, oui, je voudrais que Jésus vienne, mais qu’il ne touche pas à cela ; et à cela, non, et à cela… ». Chacun a son péché – appelons-le par son nom – et lui, il ne s’effraie pas de nos péchés : il est venu pour nous guérir. Au moins, montrons-le lui, qu’il voit le péché. Soyons courageux et disons : « Seigneur, je suis dans cette situation, je ne veux pas changer. Mais toi, s’il te plaît, ne t’éloigne pas trop ». C’est une belle prière. Soyons sincères aujourd’hui.
En ces jours de Noël, cela nous fera du bien d’accueillir le Seigneur précisément là. Comment ? Par exemple, en nous tenant devant la crèche, parce qu’elle montre Jésus qui vient habiter toute notre vie concrète, ordinaire, où tout ne va pas bien, il y a beaucoup de problèmes – certains par notre faute, d’autres par la faute des autres – et Jésus vient. Nous voyons les bergers qui travaillent durement, Hérode qui menace les innocents, une grande pauvreté… Mais au milieu de tout cela, parmi tant de problèmes – et aussi parmi nos problèmes – il y a Dieu, il y a Dieu qui veut habiter avec nous. Et il attend que nous lui présentions nos situations, ce que nous vivons. Alors, devant la crèche, parlons à Jésus de nos histoires concrètes. Invitons-le officiellement dans notre vie, surtout dans les zones obscures : « Regarde, Seigneur, il n’y a pas de lumière ici, l’électricité n’y arrive pas, mais s’il te plaît, ne touche pas, parce que je ne me sens pas de quitter cette situation ». Parler clairement, de manière concrète. Les zones obscures, nos « étables intérieures » : chacun de nous en a. Et racontons-lui également sans peur les problèmes sociaux, les problèmes ecclésiaux de notre temps ; les problèmes personnels, même les plus sombres : Dieu aime habiter dans notre étable.
Que la Mère de Dieu, en qui le Verbe s’est fait chair, nous aide à cultiver une plus grande intimité avec le Seigneur.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat