Cardinal Pietro Parolin © ZENIT - HSM

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Émotion, affection, beauté… ces composantes oubliées de l'éducation

Intervenant à l’Unesco, le cardinal Parolin plaide notamment pour remettre à l’honneur « l’intelligence émotive et affective », faire plus de place à la beauté et à ses dimensions « éducative et thérapeutique », revenir à « un caractère concret ».

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Remettre à l’honneur « l’intelligence émotive et affective », faire plus de place à la beauté et à ses dimensions « éducative et thérapeutique », revenir à « un caractère concret » plus en harmonie avec le monde du travail et bannir le relativisme, le nihilisme, le radicalisme : ce sont quelques-unes des recommandations éducatives de l’Église présentées par le cardinal Pietro Parolin, Secrétaire d’État.

Le cardinal est intervenu au cours du forum « Éduquer aujourd’hui et demain » qui s’est ouvert ce 3 juin 2015 à Paris, organisé par la Mission d’observation permanente du Saint-Siège auprès de l’Unesco et la Congrégation pour l’éducation catholique, sous le patronage de l’Unesco.

Cet événement a lieu dans le cadre du 70e anniversaire de la fondation de l’Unesco, du 50ème anniversaire de la Déclaration conciliaire Gravissimum educationis, ainsi que du 25ème anniversaire de la Constitution apostolique Ex corde Ecclesiae.

Dans son intervention intitulée « L’Église catholique et l’éducation », le cardinal Parolin a évoqué la vision de l’Église catholique « qui a placé l’éducation au centre de sa mission » et qui continue « à la considérer comme sa priorité, dans un contexte d’urgence globale pour l’éducation ».

Rappelant sa « longue histoire » au service de l’éducation, il a relevé en particulier les positions du Concile Vatican II avec Gravissimum educationis, qui « propose une éducation intégrale et complète, en mesure de construire les fondements préliminaires d’une société inclusive, dialogique et pacifique » : « La formation des nouvelles générations, en effet, doit assurer un processus qui tienne sur le même plan le développement cognitif, psychologique, pragmatique et manuel, affectif et spirituel. »

« Les écoles, les universités et les centres de recherche ont pour vocation d’être un ‘laboratoire d’humanité’ ouvert à tous et accueillant pour tous », a-t-il souligné en énumérant certains des défis éducatifs actuels.

Remettre à l’honneur l’intelligence émotive et affective

« Au moment où prévaut la conception artificielle et positiviste de l’homme-machine sur l’homme-personne », le cardinal a plaidé pour retrouver « la centralité de l’humain face à une tendance surtout technicienne qui prive l’instruction de son caractère universel ».

« Les nouveaux mots d’ordre sont efficacité, concurrence, incitation, compétence avec le risque [que l’éducation] devienne une véritable idéologie globale, présentée cependant comme une « technè » et donc absolument libérée des valeurs et de tout jugement moral », a-t-il mis en garde.

« L’intelligence émotive et affective, la capacité d’empathie, la sympathie participative, le travail en équipe », qui sont « des mérites essentiels et fondamentaux dans les institutions éducatives », risquent « d’être marginalisés au nom d’une connaissance technique standardisée, codifiée et quantitative ».

En effet, « l’application systématique au monde de la formation et du travail d’une méthodologie économique fondée sur l’exaltation de la rapidité productive et de la rapidité de la consommation, génère une spirale défavorable dans laquelle les personnes peuvent être mises à part et confinées à l’oubli sans aucun égard à leur dignité ».

Place à la beauté, éducative et thérapeutique

« L’éducation se réalise dans une relation asymétrique et génératrice, a rappelé le cardinal : c’est un mouvement vers l’autre pour lui tendre la main. Ce n’est pas une simple assimilation de notions, une répétition servile de normes, une utilisation mécanique de moyens… éduquer c’est se mettre à côté, dans l’adhésion au bien, et c’est accompagner dans la recherche de la vérité, en aidant à libérer la force créative de la raison qui ne méprise pas la beauté et la bonté. »

« L’homme moderne semble symboliquement desséché tant il ne donne pas l’importance convenable à la promotion du beau et, en conséquence, à la défense de la nature. Cette dimension de la beauté est, en même temps, éducative et thérapeutique », a-t-il ajouté : « Face à l’intensification de sentiments d’opposition et de haine, il paraît nécessaire de repartir du « partage du beau » et de la « louange du créé », en valorisant l’apport que chacun peut offrir et en proposant un rapprochement humble et patient entre les individus, les communautés et les peuples. »

Il ne faut donc pas éliminer « les sciences humaines », disciplines parmi lesquelles « l’éducation à la beauté, à l’art, à la musique, à la poésie occupe une place irremplaçable » : « Grâce à elles se structurent une capacité logique, une faculté de jugement et une complexité de la pensée qui offrent des possibilités extraordinaires de connaître rationnellement et d’approfondir scientifiquement des concepts, des données et des formulations. »

L’Église catholique, a poursuivi le cardinal, « veut aller au-delà des bas-fonds de l’individualisme et dépasser le gué d’une construction épistémologique trop fermée sur elle-même ». Il s’agit de « favoriser une rencontre positive entre les diverses disciplines de manière à leur éviter de s’enfermer dans une conception particulariste, en promouvant une vision synthétique, sans pour autant mettre en question l’intégrité et les méthodologies propres des disciplines elles-mêmes ».

Le Saint-Siège souhaite aussi que l’on retrouve « la responsabilité communautaire de l’éducation » : « Dans la société on doit créer les conditions pour une coopération fructueuse [entre] tous les acteurs de l’univers éducatif ».

Ni relativisme, ni nihilisme, ni radicalisme

Face « à un monde digital alternatif et virtuel, il serait opportun de revenir aussi à un certain caractère concret aussi bien dans les écoles que dans les universités, où – souvent – le travail reste encore une expérience très marginale et à l’arrière-plan d’un système académique, dans certains cas, obsolète », a fait observer le cardinal.

Cela consisterait par exemple à « imaginer des cours d’étude plus flexibles qui adjoignent le travail – assurément sans se substituer à lui – mais en l’intégrant et en l’accompagnant jour après jour », car l’objectif d’un enseignement « ne doit pas être le ‘titre’ mais la connaissance, l’apprentissage et l’approfondissement ».

Enfin, « l’école et l’université sont appelées à proposer de nouveau les conditions nécessaires pour un nouvel humanisme qui sache reconstruire un esprit de fraternité entre les personnes et entre les nations », sans « relativisme, nihilisme [ni] radicalisme », a expliqué le cardinal qui a conclu en saluant l’éducation comme « la plate-forme idéale pour abattre les murs de l’incompréhension et de l’orgueil ». 

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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