Philippe Naudin est un comédien et un clown qui souffre d’un déficit de mobilité cérébrale depuis son enfance. Il participe à beaucoup d’animations et de spectacles avec la Diaconie de la beauté, comme l’année dernière au Symposium de Rome présidé par le cardinal Paul Poupard et Michael Lonsdale ou les nombreuses rencontres dans la maison d’artistes à Lourdes. Zenit avait recueilli son témoignage en février 2020 après sa rencontre avec le pape François. Il témoigne encore ici.
Dès mon enfance, j’étais handicapé sans pouvoir parler ni marcher… La prière de maman à Lourdes m’a obtenu la guérison : aujourd’hui j’ai cinquante-quatre ans, je marche, je parle et je suis comédien.
Jésus nous donne deux commandements dans l’évangile de Matthieu (22, 34-40) :
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit,
et :
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Cet évangile me touche beaucoup parce qu’il est le fondement de ma foi : aimer l’autre autant que moi-même, sinon plus. Il n’est pas besoin d’être un docteur de la loi, un grand intellectuel pour appliquer ce commandement, pour le vivre. Vivre l’amour du prochain, le handicap m’a permis de le faire.
En tant que comédien, j’utilise un personnage : un ours, que j’appelle Booba. Quand je suis en ours, tout le monde vient vers moi, me touche, s’amuse avec moi : les enfants comme les adultes.
Un jour, au milieu d’une rencontre où tout le monde s’amusait avec moi, je me suis arrêté et j’ai retiré ma tête de booba. C’est alors que mon vrai visage est apparu : celui d’une personne atteinte d’une infirmité motrice cérébrale… ma figure a fait fuir tout le monde, sauf une petite fille qui m’a dit :
Tu ressembles à Jésus sur la Croix, tu es beau !
Elle seule avait su me regarder au-delà de l’apparence : elle seule avait su me regarder comme le Christ nous voit !
Cet événement m’a beaucoup aidé à surmonter le regard des autres et à me dire que le regard des autres, je dois le considérer aussi comme celui du Christ. Certes, il est terriblement difficile de vivre avec un handicap, mais l’amour me permet de passer outre.
D’une façon générale, nous avons tous une faiblesse, une écharde, comme l’écrit saint Paul (2 Cor 5), qu’elle se voie ou qu’elle ne se voie pas… Ne nous faut-il pas l’accepter, puisque c’est dans cette faiblesse que Dieu agit en nous ? En prenant conscience de cela, je regarde les autres avec ce regard bienveillant et plein d’amour, même si parfois le regard en face est dur.
A Rome, à deux reprises, j’ai pu rencontrer le pape François. La 1ère fois, c’était une audience privée pour les 5 ans de la Diaconie de la Beauté et il m’a demandé de le bénir ; la 2ème fois, c’était une audience publique, toujours avec la Diaconie de la Beauté. J’étais tout devant comme un cadeau de la Providence avec mes amis Michael Lonsdale, Anne Facérias et Yann Stefan. Lorsque le Pape est arrivé vers moi, je l’ai embrassé sur le front comme si j’embrassais le Christ lui-même. Le Saint Père s’est laissé faire, il ne s’y attendait pas. Les photographes ont pris des photos. L’audience n’était pas terminée que cette photo avait déjà fait le tour du monde comme pour montrer que les plus petits, les plus pauvres, les plus handicapés sont les amis du Seigneur, les amis du Pape !
Le mouvement de la Diaconie m’aide à vivre mon métier de comédien, et quand je n’ai pas assez de sous, je fais « la manche » à Lourdes, où je vis et où je demande au Seigneur de m’aider.
Je prie pour les artistes et pour mon ami Michael Lonsdale qui nous a quittés pour rejoindre le Père. Nous étions ensemble quelques jours avant son envol.
Je prie pour ceux qui me regardent durement, qui ne m’aident pas et qui me méprisent : je prie pour eux, car ils ne savent pas ce qu’ils font.
En ce moment, je prépare un spectacle : Qui suis-je ?, avec l’école Georges-Méliès à Orly et mon ami Jérôme. Je prépare également un spectacle sur le Petit Prince.
Que la joie de l’Évangile qui m’habite soit dans vos cœurs et dans vos vies !
Amen !
Philippe Naudin.
Propos recueilli par Anne Facérias
