ROME, Jeudi 27 juillet 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte de la méditation improvisée par le pape Benoît XVI le dimanche 23 juillet, au cours d’un temps de prière qui s’est déroulé dans l’église de la paroisse de Rhêmes-Saint Georges, dans le Val d’Aoste où le pape poursuit ses vacances.
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Je ne prononcerai qu’une brève méditation sur la lecture que nous venons d’entendre. Nous sommes frappés, alors qu’en arrière-plan apparaît la situation dramatique du Proche-Orient, par la beauté de la vision illustrée par l’Apôtre Paul (cf. Ep 2, 13-18): le Christ est notre paix. Il a réconcilié les uns et les autres, les juifs et les païens, les unissant dans son Corps. Il a dépassé l’inimitié dans son Corps, sur la Croix. Par sa mort, il a surmonté l’inimitié et nous a tous unis dans sa paix.
Mais nous sommes frappés, plus encore que par la beauté de cette vision, par le contraste avec la réalité que nous vivons et que nous voyons. Et nous ne pouvons, dans un premier temps, que dire au Seigneur: « Mais Seigneur, que nous dit ton Apôtre: “Ils sont réconciliés”? ». Nous voyons, en réalité, qu’ils ne sont pas réconciliés… C’est encore la guerre entre les chrétiens, les musulmans et les juifs; et d’autres fomentent encore la guerre et partout règne encore l’inimitié, la violence. Où se trouve l’efficacité de ton sacrifice? Où est, dans l’histoire, cette paix dont nous parle ton Apôtre ?
Nous ne pouvons pas, nous les hommes, résoudre le mystère de l’histoire, le mystère de la liberté humaine de dire « non » à la paix de Dieu. Nous ne pouvons pas résoudre tout le mystère de la relation Dieu-homme, de son action et de notre réponse. Nous devons accepter le mystère. Il existe toutefois des éléments de réponse que le Seigneur nous donne. Un premier élément — cette réconciliation du Seigneur, son sacrifice — n’est pas resté sans effet. Il y a la grande réalité de la communion de l’Eglise universelle, de tous les peuples, le réseau de la Communion eucharistique, qui transcende les frontières des cultures, des civilisations, des peuples, des époques. Il y a cette communion, ces « îlots de paix » dans le Corps du Christ. Ils existent. Et ce sont des forces de paix dans le monde. Si nous regardons l’histoire, nous pouvons voir les grands saints de la charité qui ont créé des « oasis » de cette paix de Dieu dans le monde, qui ont sans cesse rallumé sa lumière, et qui étaient également toujours capables de réconcilier et de créer la paix. On peut voir les martyrs qui ont souffert avec le Christ, qui ont donné ce témoignage de la paix, de l’amour qui fait obstacle à la violence.
Et en constatant que la réalité de la paix existe — même si l’autre réalité demeure — nous pouvons aller plus en profondeur dans le message de cette Lettre de saint Paul aux Ephésiens. Le Seigneur a vaincu sur la Croix. Il n’a pas vaincu avec un nouvel empire, avec une force plus puissante que celle des autres et capable de les détruire; il n’a pas vaincu à la manière des hommes, comme nous l’imaginons, avec un empire plus fort que l’autre. Il a vaincu avec un amour capable d’aller jusqu’à la mort. Telle est la nouvelle façon de vaincre de Dieu : à la violence, il n’oppose pas une violence plus forte. A la violence, il oppose précisément le contraire: l’amour jusqu’au bout, sa Croix. Telle est l’humble façon de vaincre de Dieu: avec son amour — et cela n’est possible que de cette manière — il fait obstacle à la violence. Il s’agit d’une façon de vaincre qui nous apparaît très lente, mais c’est la véritable façon de vaincre le mal, de vaincre la violence, et nous devons avoir confiance dans cette façon divine de vaincre.
Avoir confiance signifie entrer activement dans cet amour divin, participer à ce travail de pacification, pour être en harmonie avec le Seigneur lorsqu’il dit: « Heureux les pacificateurs, les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». Nous devons apporter, autant que nous le pouvons, notre amour à tous ceux qui souffrent, sachant que le Juge du Jugement Dernier s’identifie avec ceux qui souffrent. Et donc, ce que nous faisons à ceux qui souffrent, nous le faisons au Juge Ultime de notre vie. Cela est important: en ce moment, nous pouvons apporter au monde cette victoire qui est la sienne, en participant activement à sa charité. Aujourd’hui, dans un monde multiculturel et multireligieux, de nombreuses personnes sont tentées de dire: « Pour la paix dans le monde entre les religions, les cultures, il vaut mieux ne pas trop parler des spécificités du christianisme; c’est-à-dire de Jésus, de l’Eglise, des sacrements. Contentons-nous des choses qui peuvent être plus ou moins communes…». Mais cela n’est pas vrai. Précisément en ce moment — au moment d’un grand abus du nom de Dieu — nous avons besoin du Dieu qui vainc sur la Croix, qui ne vainc pas avec la violence, mais avec son amour. Précisément en ce moment, nous avons besoin de la Face du Christ, pour connaître la véritable Face de Dieu et pour apporter ainsi la réconciliation et la lumière à ce monde. C’est pourquoi, avec l’amour, avec le message de l’amour, avec tout ce que nous pouvons accomplir pour les personnes qui souffrent dans ce monde, nous devons également apporter le témoignage de ce Dieu, de la victoire de Dieu précisément à travers la non violence de sa Croix.
Nous revenons ainsi au point de départ. Ce que nous pouvons faire, c’est apporter le témoignage de l’amour, le témoignage de la foi; et surtout élever un cri à Dieu: nous pouvons prier! Nous sommes certains que notre Père écoute le cri de ses enfants. Lors de la Messe, en nous préparant à la Sainte Communion, à recevoir le Corps du Christ qui nous unit, nous prions avec l’Eglise: « Libère-nous, ô Seigneur, de tous les maux, accorde la paix à notre temps ». Que telle soit notre prière en ce moment: « Libère-nous de tous les maux et donne-nous la paix ». Mais pas demain ou après-demain: donne-nous, Seigneur, la paix aujourd’hui! Amen.
© Copyright du texte original plurilingue : Libreria editrice vaticana
Traduction réalisée par Zenit