Remise de l’anneau aux nouveaux cardinaux : Homélie de Benoît XVI

Célébration du 25 mars, place Saint-Pierre, en la solennité de l’Annonciation

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ROME, Dimanche 26 mars 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le texte de l’homélie que le pape Benoît XVI a prononcée ce samedi au cours de la célébration lors de laquelle il a remis l’anneau cardinalice aux quinze nouveaux cardinaux créés lors du consistoire du vendredi 24 mars.

* * *

Messieurs les Cardinaux et Patriarches,
Vénérés Frères dans l’Episcopat et dans le Sacerdoce,
Chers frères et sœurs !

C’est un grand motif de joie pour moi que de présider cette concélébration avec les nouveaux cardinaux, après le Consistoire d’hier, et je considère providentiel le fait que celle-ci se déroule en la solennité liturgique de l’Annonciation du Seigneur et sous le soleil que nous donne le Seigneur. Dans l’Incarnation du Fils de Dieu, nous reconnaissons en effet les débuts de l’Eglise. Tout provient de là. Toute réalisation historique de l’Eglise et également chacune de ses institutions doivent se rapporter à cette Source originelle. Elles doivent se rapporter au Christ, Verbe de Dieu incarné. C’est Lui que nous célébrons toujours : l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous, par l’intermédiaire duquel s’est accomplie la volonté salvifique de Dieu le Père. Et cependant (nous contemplons cet aspect du Mystère précisément aujourd’hui) la Source divine s’écoule par un canal privilégié : la Vierge Marie. Utilisant une image éloquente, saint Bernard parle, à ce propos d’aquaeductus (cf. Sermo in Nativitate B.V. Mariae: PL 183, 437-448). En célébrant l’Incarnation du Fils nous ne pouvons pas, par conséquent, ne pas honorer sa Mère. C’est à Elle que fut adressée l’annonce de l’ange : Elle l’accueillit, et lorsque du plus profond de son cœur elle répondit : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1, 38), à ce moment-là, le Verbe éternel commença à exister comme être humain dans le temps.

De génération en génération, on continue de s’émerveiller devant ce mystère ineffable. Imaginant s’adresser à l’Ange de l’Annonciation, Saint Augustin demande : « Dites-moi donc, ange de Dieu, d’où vient à Marie cette faveur ? » La réponse, dit le Messager, est contenue dans les paroles mêmes de la salutation : « Je vous salue, pleine de grâce » (cf. Sermo 291, 6). Effectivement, l’Ange, en « entrant chez Elle », ne l’appelle pas par son nom terrestre, Marie, mais par son nom divin, comme Dieu la voit et la qualifie depuis toujours : « Pleine de grâce – gratia plena », qui dans l’original grec est « kecharitoméne », « pleine de grâce », la grâce n’étant rien d’autre que l’amour de Dieu, nous pourrions à la fin traduire cette parole par : « aimée » de Dieu (cf. Lc 1, 28). Origène observe que jamais un tel titre ne fut donné à un être humain, que rien de semblable n’est décrit dans l’ensemble des Saintes Ecritures (cf. In Lucam, 6, 7). Il s’agit d’un titre exprimé sous forme passive, mais cette « passivité » de Marie, qui est depuis toujours et pour toujours l’« aimée » du Seigneur, implique son libre consentement, sa réponse personnelle et originale : en étant aimée, en recevant le don de Dieu, Marie est pleinement active, car elle accueille avec une disponibilité personnelle la vague de l’amour de Dieu qui se déverse en elle. En cela également, Elle est la parfaite disciple de son Fils, qui à travers l’obéissance à son Père réalise entièrement sa propre liberté et précisément de cette manière exerce la liberté, en obéissant. Dans la deuxième lecture nous avons entendu la merveilleuse page dans laquelle l’auteur de la Lettre aux Hébreux interprète le psaume 39, précisément à la lumière de l’Incarnation du Christ : « Aussi, en entrant dans le monde, le Christ dit :… Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 5-7). Face au mystère de ces deux « me voici », le « me voici » du Fils et le « me voici » de la Mère, qui se reflètent l’un dans l’autre et forment un unique Amen à la volonté d’amour de Dieu, nous demeurons stupéfaits et, remplis de reconnaissance, nous adorons.

Quel grand don, chers Frères, de pouvoir tenir cette célébration suggestive en la solennité de l’Annonciation du Seigneur ! Que de lumière pouvons-nous puiser dans ce mystère pour notre vie de ministres de l’Eglise ! Vous en particulier, chers nouveaux cardinaux, quel soutien pourrez vous avoir pour votre mission d’éminent « Sénat » du successeur de Pierre ! Cette coïncidence providentielle nous aide à considérer l’événement d’aujourd’hui, dans lequel ressort de manière particulière le principe pétrinien de l’Eglise, à la lumière de l’autre principe, le principe marial qui est encore plus originel et fondamental. L’importance du principe marial dans l’Eglise a été particulièrement soulignée, après le Concile, par mon bien-aimé prédécesseur le pape Jean-Paul II, de façon cohérence, dans sa devise « Totus tuus ». A travers sa spiritualité et son infatigable ministère il a rendu la présence de Marie comme Mère et Reine de l’Eglise, manifeste aux yeux de tous. Il a senti cette présence maternelle plus que jamais lors de l’attentat du 13 mai 1981, ici, place Saint Pierre. En souvenir de cet événement tragique il a voulu qu’une mosaïque représentant la Vierge domine la place Saint-Pierre, du haut du Palais apostolique, pour accompagner les moments culminants et le cours ordinaire de son long pontificat, qui, précisément il y a un an, entrait dans sa phase finale, à la fois douloureuse et triomphale, vraiment pascale. L’icône de l’Annonciation nous fait comprendre clairement, mieux que n’importe quelle autre, que tout dans l’Eglise remonte à ce moment-là, à ce mystère d’accueil du Verbe divin, où, par l’Esprit Saint, l’Alliance entre Dieu et l’humanité a été scellée de manière parfaite. Tout dans l’Eglise, chaque institution et ministère, y compris celui de Pierre et de ses successeurs, est « enveloppé » sous le manteau de la Vierge, dans l’espace rempli de grâce de son « oui » à la volonté de Dieu. Il s’agit d’un lien qui a naturellement en chacun de nous une résonance affective, mais qui a avant tout, une valeur objective. Entre Marie et l’Eglise il existe en effet une connaturalité que le Concile Vatican II a fortement soulignée par l’heureux choix de placer le traité sur la Bienheureuse Vierge Marie en conclusion de la Constitution sur l’Eglise, la Lumen gentium.

Nous pouvons retrouver le thème du rapport entre le principe pétrinien et le principe marial également dans le symbole de l’anneau, que je vous remettrai tout à l’heure. L’anneau est toujours un signe nuptial. Vous l’avez presque tous reçu le jour de votre ordination épiscopale, comme expression de fidélité à l’engagement à préserver la sainte Eglise, épouse du Christ (cf. Rite d’ordination des évêques). L’anneau que je vous remets aujourd’hui, précisément de la dignité cardinalice, vise à confirmer et renforcer cet engagement, à partir, encore une fois, d’un don nuptial, qui vous rappelle que vous êtes avant tout intimement unis au Christ, pour accomplir la mission d’époux de l’Eglise. Que le fait de recevoir cet anneau soit donc pour vous comme un renouvellement de votre « oui », de votre « me voici », adressé en même temps au Seigneur Jésus, qui vous a choisis et constitués, et à sa sainte Eglise, que vous êtes appelés à servir avec un amour sponsal. Les deux dimensions de l’Eglise, mariale et pétrinienne, se rencontrent donc dans ce qui constitue l’accomplissement de ces deux dimensions, c’est-à-dire dans la valeur suprême de la charité, le charisme « le plus grand », la « meilleure voie de toutes », comme écrit l’apôtre Paul (cf. 1 Co 12, 31 ; 13, 13).

En ce monde,
tout passe. Dans l’éternité, seul l’Amour demeure. Pour cette raison, chers frères, profitant du temps propice du Carême, efforçons-nous de nous assurer que toute chose dans notre vie personnelle comme dans l’activité ecclésiale dans laquelle nous sommes engagés, est dictée par la charité et tendue vers la charité. Le mystère que nous célébrons aujourd’hui nous éclaire également pour cela. En effet, le premier geste accompli par Marie, après avoir entendu le message de l’Ange, a été celui de se rendre « en hâte » chez sa cousine Elizabeth pour lui proposer ses services (cf. Lc 1, 39). L’initiative de la Vierge fut une initiative de charité authentique, humble et courageuse, dictée par la foi dans la Parole de Dieu et l’élan intérieur de l’Esprit Saint. Celui qui aime s’oublie lui-même et se met au service de son prochain. Voici l’image et le modèle de l’Eglise ! Toute communauté ecclésiale, comme la Mère du Christ, est appelée à accueillir avec une totale disponibilité, le mystère de Dieu qui vient habiter en elle et la pousse sur les chemins de l’amour. C’est la voie sur laquelle j’ai voulu engager mon pontificat, en invitant chacun, avec ma première Encyclique, à édifier l’Eglise dans la charité, comme une « communauté d’amour » (cf. Deus caritas est, Deuxième partie). En poursuivant ce but, vénérés Frères Cardinaux, votre proximité, spirituelle et concrète, m’est d’un grand soutien et réconfort. Pour cela je vous remercie, en vous invitant tous, prêtres, diacres, religieux et laïcs, à vous unir à l’invocation de l’Esprit Saint, afin que le Collège des cardinaux soit toujours plus ardent de charité pastorale, pour aider toute l’Eglise à diffuser l’amour du Christ dans le monde, pour la gloire et la louange de la Très Sainte Trinité. Amen !

© Copyright du texte original en italien : Libreria Editrice Vaticana
Traduction réalisée par Zenit

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ZENIT Staff

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