« Le carême est une sorte de cure de désintoxication de l’âme »

Méditation de l’Evangile du dimanche 3 mars du père Cantalamessa

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ROME, Vendredi 3 mars 2006 (ZENIT.org) – Nous publions ci-dessous le commentaire de l’Evangile de ce dimanche, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 12-15

Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient. Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

© AELF

Concentrons notre attention sur la première phrase de l’Evangile : « Aussitôt l’Esprit pousse Jésus au désert ». Cette phrase contient un appel important au début du carême. Jésus vient à peine de recevoir, dans le Jourdain, l’investiture messianique pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, guérir les cœurs affligés, prêcher le royaume. Mais il ne s’empresse de faire aucune de ces choses. Au contraire, obéissant à une motion de l’Esprit Saint, il se retire dans le désert où il demeure pendant quarante jours, jeûnant, priant, méditant et luttant. Tout cela dans la solitude et le silence profonds.

Tout au long de l’histoire, des foules d’hommes et de femmes ont choisi d’imiter ce Jésus qui se retire dans le désert. En Orient, à commencer par saint Antoine Abbé, ils se retiraient dans les déserts d’Egypte ou de Palestine ; en Occident, où il n’existait pas de déserts de sable, ils se retiraient dans des lieux isolés, des montagnes ou des vallées à l’écart du monde.

Mais l’invitation à suivre Jésus dans le désert s’adresse à tous. Les moines et les ermites ont choisi un espace de désert. Nous devons quant à nous choisir au moins un temps de désert. Vivre un temps de désert signifie faire un peu de vide et de silence autour de nous, retrouver le chemin de notre cœur, nous soustraire au vacarme et aux sollicitations extérieures, pour entrer en contact avec les sources les plus profondes de notre être.

Bien vécu, le carême est une sorte de cure de désintoxication de l’âme. La pollution provoquée par l’oxyde de carbone n’est pas, en effet, la seule pollution qui existe. Il existe aussi la pollution acoustique et lumineuse. Nous sommes tous un peu étourdis par le bruit et le monde extérieur. L’homme est capable d’envoyer ses sondes jusqu’à la périphérie du système solaire mais il ignore le plus souvent ce qu’il y a dans son propre cœur. S’évader, se distraire, se divertir : ce sont des mots qui indiquent tous le fait de sortir de soi-même, de se dérober à la réalité. Il existe des spectacles « d’évasion » (la TV en propose en quantité), une littérature « d’évasion ». On les appelle, de manière significative, fiction. Nous préférons vivre dans la fiction plutôt que dans la réalité. On parle beaucoup aujourd’hui d’extraterrestres, mais nous sommes nous-mêmes des « extraterrestres », victimes d’une « aliénation », sur notre propre planète. Nous n’avons pas besoin que d’autres viennent de l’extérieur.

Les jeunes sont les plus exposés à cette ivresse du bruit. « Qu’on alourdisse le travail de ces gens – disait le pharaon à propos des juifs, à ses ministres – qu’ils le fassent et ne prêtent plus attention » aux paroles de Moïse, et ne pensent pas à se soustraire à l’esclavage (cf. Ex 5, 9). Les « pharaons » d’aujourd’hui disent, de manière tacite mais non moins péremptoire : « Qu’on amplifie le bruit sur ces jeunes, que cela les étourdisse, afin qu’ils ne pensent pas, qu’ils ne décident pas par eux-mêmes, mais suivent la mode, qu’ils achètent ce que nous voulons nous, consomment les produits que nous décidons nous ».

Que faire ? Etant donné que nous ne pouvons pas aller au désert, nous devons faire un peu de désert au-dedans de nous. Saint François d’Assise nous fait à cet égard, une suggestion pratique. « Nous avons, disait-il, un ermitage toujours avec nous, où que nous allions, et chaque fois que nous le souhaitons nous pouvons nous y enfermer comme des ermites. L’ermitage est notre corps et l’âme est l’ermite qui y habite ! ». Nous pouvons entrer dans cet ermitage « portable » sans attirer l’attention de quiconque, même dans un bus bondé. Le tout est de savoir de temps à autre « rentrer en nous-mêmes ».

Que l’Esprit qui « conduisit Jésus au désert », nous y conduise également, nous assiste dans le combat contre le mal et nous prépare à célébrer Pâques, avec un esprit renouvelé !

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ZENIT Staff

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