Pollution plastique dans les mers © Wikimedia commons / Hajj0

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Droit de la mer : Mgr Auza invite à davantage de rigueur juridique

Un document juridique à l’étude pour la protection de la diversité biologique marine

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« Améliorer les instruments et cadres juridiques existants en les coordonnant, en les conciliant et en les complétant » : tel est, pour Mgr Auza, l’objectif du document juridique à l’étude pour la protection de la diversité biologique marine. Il a déploré plusieurs lacunes juridiques dans le projet d’instrument juridiquement contraignant, en particulier l’absence d’un texte stipulant « les objectifs ou moyens scientifiques de base requis », ainsi que la nécessité de débattre sur la question des « compétences ».

Mgr Bernardito Auza, observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations Unies, a prononcé le discours d’ouverture à la deuxième session de la Conférence intergouvernementale sur un instrument international juridiquement contraignant au titre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) concernant la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà des juridictions nationales, à New York, le 25 mars 2019.

Le représentant du Saint-Siège a aussi souligné la « vulnérabilité particulière » des petits États insulaires en développement « aux conséquences d’une mauvaise conservation et d’une utilisation non réglementée et non durable des ressources ». Il a regretté que les « préoccupations » des PEID n’aient pas été « pleinement » prises en compte et a invité les participants à la Conférence à « réfléchir davantage à la manière dont l’instrument juridiquement contraignant sur lequel nous travaillons pourrait être mieux axé sur leur aide ».

Voici notre traduction du discours d’ouverture prononcé en anglais par Mgr Auza.

HG

Discours d’ouverture de Mgr Bernardito Auza

Madame la Présidente,

Ma délégation tient à vous remercier pour l’aide à la discussion du Président qui servira d’outil utile à nos délibérations.

Bien que notre mandat initial, énoncé dans la résolution 69/292, ait été formulé en termes négatifs pour « ne pas saper les instruments et cadres juridiques pertinents existants ainsi que les organes mondiaux, régionaux et sectoriels pertinents », nous devons aborder nos travaux de manière plus constructive. En ce sens, le principal objectif de l’instrument juridiquement contraignant sur lequel nous travaillons serait d’améliorer les instruments et cadres juridiques existants en les coordonnant, en les conciliant et en les complétant. En outre, étant donné que les activités scientifiques et commerciales seraient au cœur de cet instrument, il est de notre responsabilité d’éviter la nécessité de renégocier un accord mondial chaque fois qu’une nouvelle ressource est découverte ou qu’une activité commerciale différente est exercée dans des zones situées au-delà des juridictions nationales (ZAJN). Dans cet esprit, alors que nous débattons des détails spécifiques du projet, ma délégation souhaiterait commenter ce que nous considérons comme cinq lacunes juridiques :

Tout d’abord, une lacune fondamentale. Le projet ne contient pas de texte de base non seulement sur la manière de combler les lacunes, mais aussi sur les éléments nécessaires pour fonder les décisions concernant les études d’impact sur l’environnement (EIE) et les outils de gestion par zone (ABMT), pour assurer une coordination efficace avec les autres organismes de réglementation, ou pour fonder le renforcement des capacités et le transfert technologique. Cette absence signifie également que l’accord laisserait à un organisme scientifique et technique le soin de déterminer les objectifs ou les moyens scientifiques. L’établissement de listes d’activités ou de « normes et critères » pour ce qui doit être fait dans une évaluation ou de seuils de préjudice raisonnable ne peut remplacer les objectifs ou moyens scientifiques de base requis. Un texte fondamental établirait une base plus claire en ce qui concerne la biodiversité et les écosystèmes méritant une attention particulière et permettrait de mieux les concilier avec les dispositions existantes de l’Organisation maritime internationale (OMI), de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) et d’autres régulateurs.

Deuxièmement, il y a une lacune sur le plan des compétences. Le projet de texte fait référence aux « activités prévues sous la juridiction et le contrôle d’un État partie » comme base de l’application de la juridiction. La compétence d’un État ou d’un tribunal, cependant, est fondée sur la relation d’un État avec une personne, qu’il s’agisse d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier, et non avec une activité, prévue ou non. Il semble également évident que si l’activité elle-même se déroule en dehors de la juridiction de l’État, ce dernier n’aurait aucun contrôle sur elle. La mise en garde qui prévoit l’octroi d’une licence ou d’un financement en tant que lien ne comblerait pas la lacune en matière de compétence. Ma délégation estime donc qu’il est nécessaire de poursuivre le débat sur cette question, étant donné que la réglementation de ce qui se passe dans les ZAJN est au cœur de l’instrument juridiquement contraignant sur lequel nous travaillons actuellement.

Troisièmement, une lacune dans l’applicabilité juridique. Bien que le projet contienne de nombreuses dispositions relatives à la coordination et à la coopération, ainsi que des idées concernant la consultation avec d’autres organes, ces mesures devraient mieux refléter les relations juridiques des Etats et entre eux, les promoteurs des activités, les activités elles-mêmes et les autres accords et organismes de réglementation. Par exemple, le point concernant son champ d’application pourrait exclure soigneusement les activités qui ne seraient pas réglementées par l’instrument juridiquement contraignant sur lequel nous travaillons. Une disposition pourrait différencier la recherche scientifique marine des activités soumises à cet instrument. Des stipulations concernant la recherche prévue pour les études de base pourraient être incluses. Des dispositions prévoyant des mesures procédurales et institutionnelles concernant les outils de gestion pourraient mieux intégrer la participation des organismes de réglementation au processus, par exemple en créant un organisme économique et social, en plus d’un organisme environnemental (l’organisme scientifique et technique) et permettant aux trois d’évaluer les risques. Des conditions concernant la diligence raisonnable devraient également être incluses.

Quatrièmement, une lacune économique. L’absence de dispositions concernant les éléments commerciaux et économiques, autres que le partage des avantages et la création d’un fonds volontaire, laisserait une grave lacune pratique et juridique dans l’instrument juridiquement contraignant, d’autant plus que les activités prévues dans les ZAJN sont des activités commerciales et que l’application des mesures de procédure, de mise en conformité et d’application entraîne des coûts énormes. Les possibilités de renforcement des capacités et de transfert de technologie dans le cours normal des affaires et l’utilisation évidente d’outils financiers de prévention et d’atténuation ne doivent pas être ignorées.

Cinquièmement, une lacune concernant le « patrimoine commun de l’humanité » (PCH) et la « liberté de la haute mer » (FHS). Bien que le projet présente cinq options en ce qui concerne le PCH et la liberté de la haute mer, il est peu probable que l’instrument juridiquement contraignant offre une base juridique pour l’application cohérente des droits et obligations dans toutes les situations et pour toutes les ressources sans autre rédaction. A cet égard, ma délégation voudrait suggérer une formulation de compromis dans laquelle l’application des principes resterait inchangée, comme indiqué dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, mais le sens de l’expression « compte dûment tenu » à l’article 87, Liberté de la haute mer, serait précisé davantage, pour inclure les obligations et avantages de la  « diligence due » des États.

Madame la Présidente,

Ma délégation souhaite conclure sa déclaration d’ouverture en attirant l’attention sur les petits États insulaires en développement (PEID). Si l’on considère que la Partie VIII, Régime des îles, ne contient qu’une seule disposition qui définit essentiellement ce qu’est une île, il est clair que nous n’avons pas pleinement pris en compte les préoccupations des PEID. Bien que des conditions aient été incluses en ce qui concerne la prise en compte spéciale des PEID en ce qui concerne le partage des avantages, le renforcement des capacités et le transfert de technologie, le Saint-Siège exhorte cette Conférence intergouvernementale à réfléchir davantage à la manière dont l’instrument juridiquement contraignant sur lequel nous travaillons pourrait être mieux axé sur leur aide.

Par exemple, étant donné la relation critique qui existe entre l’océan et les populations des PEID et leur vulnérabilité particulière aux conséquences d’une mauvaise conservation et d’une utilisation non réglementée et non durable des ressources – y compris la diminution des ressources alimentaires provenant de l’océan, la mort des récifs barrières qui servent de protection et d’habitat du poisson, la montée du niveau de la mer et leur isolement géographique par rapport aux autres États -, il faudrait en priorité déterminer et appliquer des mesures de conservation et de gestion destinées à réduire leurs impacts négatifs sur ces populations.

Merci, Madame la Présidente.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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