Dans une décision historique qui mêle l’identité religieuse et culturelle du Brésil, la Cour suprême fédérale (STF) a décidé d’autoriser le maintien des symboles religieux, tels que les crucifix et les images de saints, sur les bâtiments publics. Huit des onze magistrats ont rejeté une requête du ministère public fédéral (MPF) demandant leur retrait, en invoquant la séparation de l’Église et de l’État.
La décision du STF reflète la reconnaissance de la riche histoire culturelle du Brésil, façonnée en partie par l’influence du christianisme depuis l’époque coloniale. Le magistrat Cristiano Zanin, juge en chef dans cette affaire, a souligné que les traditions et les liens historiques du Brésil avec les valeurs chrétiennes sont profondément enracinés et vont bien au-delà d’une simple signification religieuse.
Un débat culturel, pas seulement religieux
Dans son avis, le juge Zanin a souligné l’héritage durable du christianisme, affirmant que sa présence a joué un rôle central dans le « développement éducatif et moral » du Brésil. Selon lui, les symboles ne sont pas une imposition de la foi, mais un témoignage de l’évolution culturelle du pays, marquée par des jours fériés, des noms de lieux et des institutions inspirés de l’héritage chrétien.
« La présence de symboles religieux dans les espaces publics », écrit M. Zanin, « ne diminue pas l’impartialité des administrateurs publics ou des juges, pas plus qu’elle ne porte atteinte aux libertés individuelles de croyance ou d’incroyance ». Il a proposé que ces symboles reflètent la tradition culturelle plutôt que l’approbation de la religion par l’État.
Un équilibre entre laïcité et liberté religieuse
D’autres juges se sont fait l’écho de ce point de vue, soulignant l’équilibre entre un État laïque et le respect du pluralisme culturel. Le juge Flávio Dino a souligné que la laïcité brésilienne devait promouvoir la coexistence plutôt que de supprimer l’expression religieuse, déclarant que « l’État ne doit pas être indifférent ou hostile à la religion, mais doit favoriser un environnement dans lequel la foi peut coexister harmonieusement avec le pluralisme ».
Le juge Edson Fachin a précisé que la laïcité ne signifiait pas l’effacement de la religion de la vie publique. « La séparation de l’Église et de l’État ne signifie pas l’isolement des individus religieux dans leur sphère privée », a-t-il affirmé, signalant que des symboles tels que le crucifix ont une signification culturelle qui va au-delà de leur signification religieuse.
Un vote ancré dans la tradition et la diversité
Le juge Alexandre de Morais a souligné la nécessité de la tolérance dans une société pluraliste. Il a mis en garde contre les abus commis dans le passé au nom de la religion et a insisté sur le fait que la liberté de religion moderne doit englober le respect et la diversité. « La pleine liberté de religion doit garantir la coexistence de toutes les croyances sans hiérarchie ni exclusion », a-t-il déclaré.
La décision de la Cour réaffirme le rôle des symboles religieux en tant qu’objets culturels qui résonnent au-delà des frontières sociales. Elle crée également un précédent pour les affaires futures concernant l’intersection de la religion, de l’État et de la vie publique au Brésil.
Des implications plus larges
L’arrêt met en évidence une vision plus large de la manière dont les États modernes interprètent la laïcité. En préservant ces symboles, le pouvoir judiciaire brésilien envoie un message : la laïcité peut coexister avec la reconnaissance du patrimoine culturel, pour autant qu’elle respecte la diversité et n’impose pas l’adhésion à une religion.