Peinture de Louis Lefevre © Sanctuaire du Sacré-Cœur

Peinture de Louis Lefevre © Sanctuaire du Sacré-Cœur

Paray-le-Monial : Les grands enjeux du Jubilé des 350 ans

Deuxième partie

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P. Etienne Kern

 

Nous poursuivons, dans le cadre du Jubilé des 350 ans des apparitions du Sacré-Cœur à la religieuse Marguerite-Marie Alacoque, une réflexion sur les enjeux de ce Jubilé. Vendredi dernier, nous avons publié la première partie de ces enjeux. En voici la seconde et dernière partie.

 

La semaine dernière, nous avons présenté les deux premiers enjeux majeurs du Jubilé des 350 ans des Apparitions du Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie :

  1. Sortir la dévotion au Sacré-Cœur des impasses dans lesquelles elle s’est retrouvée enfermé
  2. Déployer un lieu vivant, où se vit une expérience intense de la foi aujourd’hui

 

Aujourd’hui, voici les trois autres enjeux principaux :

III. Redécouvrir l’actualité du thème de la réparation

  1. Approfondir la communion qui unit les différentes réalités ecclésiales attachées Sacré-Cœur
  2. Recevoir ce que Dieu veut pour notre sanctuaire

III. Redécouvrir l’actualité du thème de la réparation

Les événements de Paray-le-Monial font référence quant à la spiritualité de la réparation. Ainsi, la demande d’institution de la fête du Sacré-Cœur par Jésus, au cours de la grande apparition de juin 1675, est une demande de réparation. A la suite des événements de Paray-le-Monial, la réparation prendra une place de choix dans la spiritualité de l’Église, jusqu’au grand tournant anthropologique des années 1970, où elle périclite très rapidement. La demande de réparation est centrale à Paray-le-Monial. Il n’est pas possible de l’occulter sans amputer le message. Il revient donc au sanctuaire de retrouver des chemins d’accès à cette demande du Christ et à en proposer une nouvelle actualité.

Par ailleurs, la question de la réparation retrouve une actualité sensible dans les sphères culturelle et sociale. On peut citer, parmi tant d’autres œuvres, le livre de Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, paru en 2014, vendu à plus de 400 000 exemplaires et adapté à l’écran, ou celui de docteur Denis Mukwebe, prix Nobel de la Paix 2018, Réparer les femmes, paru en 2019 sur la chirurgie réparatrice, ou encore le film de Jeanne Herry, Je n’oublierai jamais vos visages, sorti en 2023, sur la justice réparatrice…

Il aurait été difficile d’avoir simplement pour thème du Jubilé « La Réparation », car c’est une expression difficilement compréhensible sans explication préalable. D’où le choix de retenu de Rendre amour pour amour, qui en exprime la dynamique spirituelle profonde tout en étant capable de parler au cœur d’emblée. Par contre, le colloque organisé par le sanctuaire à l’occasion du Jubilé, Réparer l’irréparable du 1° au 5 mai à Rome, abordera frontalement la Réparation. Il s’agit de montrer que les événements de Paray ont quelque chose à dire aujourd’hui à l’Église en France, et à la société, alors que la soif de réparation semble se réveiller. Cette question se situe aussi dans l’actualité douloureuse de l’Église, à savoir « la crise des abus ». L’extension endémique et systémique des abus crie réparation. Les paroles de Jésus à sainte Marguerite-Marie, ainsi que leur héritage dans l’histoire, peuvent apporter une lumière précieuse.

L’un des enjeux de ce jubilé est donc d’approfondir la problématique suivante : Comment la demande de Jésus de réparer les indignités faites à son Cœur, et particulièrement par des consacrés, peut-elle ouvrir des chemins pour la nécessaire réparation due aux victimes d’abus dans l’Église, et particulièrement par des consacrés ?

D’emblée s’impose à nous cette évidence : les offenses faites à Dieu sont irréparables. Les offenses faites aux victimes d’abus sont irréparables. Pourtant, à Paray, le Christ demande réparation. Lui-même, lui seul, ouvre et offre un chemin de réparation. Au cours du colloque, nous affronterons donc les nombreuses questions que cela pose : Peut-on dès lors comparer les « indignités » que Jésus explicite en « ingratitudes », « irrévérences », « sacrilèges », « froideurs » et « mépris » avec les crimes commis sur les victimes d’abus ? Peut-on passer de Jésus-victime aux victimes elles-mêmes ? Comment échapper à une spiritualisation trop rapide, négatrice de la justice, pour peut-être découvrir une réparation qui assume la justice et l’excède aussi, répondant à une soif profonde du cœur ? Comment dépasser la suspicion d’une perversion morbide de la réparation pour y retrouver l’expression d’une plus grande liberté ? Cela a-t-il un sens de parler d’amour, de réparation d’amour, là où la dignité de l’homme a été si violemment bafouée, si loin de ce que peut être l’amour ? La réparation spirituelle, peut-elle permettre de prononcer un nom sur l’innommable ? L’écoute des victimes offre-t-elle une nouvelle oreille à la plainte du Christ ? Cette écoute, comment participe-t-elle à réformer la vie et les pratiques de l’Église ?

Je remercie dès à présent le père Louis Pierre Dupont, qui porte l’organisation de ce colloque et vous renvoie au site du sanctuaire où vous trouverez toutes les informations complémentaires pour vous inscrire.

IV. Approfondir la communion qui unit les différentes réalités ecclésiales attachées Sacré-Cœur

Le pape François rappelle que l’Esprit Saint est celui qui crée à la fois la diversité et l’unité.

Une grâce particulière de fraternité a été donnée par le Cœur de Jésus à Sainte Marguerite-Marie et Saint Claude qui se sont alors reçus l’un l’autre comme frère et sœur pour pouvoir remplir leur mission respective. Il y a un an, le 16 octobre 2022, avec le directeur du sanctuaire, le curé, la supérieure de la Visitation et le supérieur des jésuites de Paray, nous recevions du vicaire général, le père Grégoire Drouot, la mission de travailler ensemble au rayonnement du Sacré-Cœur et d’accueillir les pèlerins, chacun selon les modalités propres à sa mission.

Or, pour reprendre l’expression du pape François, la communion n’est pas sphérique (ou tout point de la sphère est à égale distance du centre), mais polyédrique (le polyèdre étant cette figure géométrique complexe composée de multiples facettes intégrant la diversité. Nos histoires, nos sensibilités spirituelles ne sont pas les mêmes. Nous ne sommes pas tous également attachés aux différents aspects que comporte la richesse du Cœur de Jésus. Notre manière d’en parler n’est pas la même et l’expérience dont nous sommes porteurs est variée. Nous faisons ici l’expérience que nous recevoir comme frère et sœur est certes un beau défi, mais que le Seigneur nous le donne et que cela ne fait que fortifier notre fidélité au Seigneur et enrichir la proposition pastorale que nous pouvons offrir aux pèlerins.

Cela appelle de la part de chacun d’entre nous de l’humilité. L’humilité de reconnaitre les dons que le Seigneur nous a fait et l’humilité de reconnaitre les dons qu’il a fait aux autres réalités ecclésiales attachées au Cœur de Jésus. L’humilité d’avoir besoin des autres et l’humilité de prendre la place que le Seigneur nous demande de prendre. Personne ne peut identifier le Sacré-Cœur à soi-même ou affirmer que « Le Sacré-Cœur, c’est moi ! ». Personne ne peut revendiquer l’exclusivité de cette dévotion. Personne ne peut mettre la main sur le Cœur de Jésus et se l’approprier. Nous sommes ensemble au service d’une grâce qui nous dépasse, chacun selon la mission reçue de l’Église.

Pour le redire simplement, nous faisons une belle expérience de la synodalité. Exigeante, certes, mais profondément réjouissante et féconde. Les pèlerins en bénéficient déjà aujourd’hui, avec la rédaction commune du journal gratuit « spécial Paray – 350 ans » à destination des touristes qui visitent la basilique et le sanctuaire. Ils continueront d’en bénéficier davantage dans quelques semaines car j’ai la joie de vous annoncer qu’en collaboration avec la mairie, nous allons totalement refaire et unifier la signalétique pour l’ensemble des réalités d’Église à Paray.

Aujourd’hui, notre assemblée reflète cette même diversité ecclésiale et spirituelle, comme j’aurai l’occasion de le souligner dans le mot de bienvenue pendant la messe. Ainsi, cette grâce de fraternité qui est à l’origine de la diffusion de la dévotion du Sacré-Cœur continue de s’étendre entre nous tous, apôtres du Cœur de Jésus, réunis en cette circonstance. Notre monde en a plus que jamais besoin pour que résonnent ces paroles du Seigneur prononcées ici il y a 350 ans aujourd’hui « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour tous les hommes et pour toi en particulier. »

En 1981, le père Pedro Arrupe, alors général des jésuites, affirmait : « Je suis persuadé que peu de preuves pourraient être aussi claires de la rénovation spirituelle de la Compagnie de Jésus qu’une dévotion vigoureuse et générale au Cœur de Jésus. Notre apostolat y trouverait une nouvelle vigueur et nous ne tarderions pas à en voir les effets, aussi bien dans notre vie personnelle que dans nos activités apostoliques ». Ces vibrantes paroles résonnent comme un appel prophétique pour les jésuites mais aussi beaucoup plus largement ! C’est pour cela que je voudrais adresser un deuxième appel, cette fois aux congrégations religieuses liées au Sacré-Cœur (nous en avons recensé et invité plus de 250 dans le monde), les paroisses consacrées au Sacré-Cœur (plus de 120 en France ont reçues notre invitation), les institutions scolaires du Sacré-Cœur (250 écoles, 60 collèges et 26 lycées ont été invitées), les sanctuaires du Sacré-Cœur dans le monde (nous avons écrit à une vingtaine d’entre eux en Belgique, Canada, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal) : Venez à Paray, venez redécouvrir vos racines spirituelles, venez boire à la source du Cœur de Jésus. C’est pour cela que le sanctuaire organise une rencontre internationale des supérieures majeures de congrégations religieuses et des instituts liés au Sacré-Cœur, les 14 et 15 octobre 2023.

V. Recevoir ce que Dieu veut pour notre sanctuaire

Nous savons ce que nous avons préparé, ce que nous croyons que Dieu nous a demandé de préparer. Mais nous ne savons pas encore ce que Dieu, lui, nous a effectivement préparé. Comme dit le livre des Proverbe, chapitre 16 : 01 Dans son cœur, l’homme propose ; par sa parole, Dieu dispose.09 L’homme, en son cœur, fait des projets de route, et le Seigneur dirige ses pas.

Il y a 50 ans, en 1975, le recteur de l’époque avait contacté bien des personnes dans l’Église pour les inviter à Paray pour le 300° anniversaire des apparitions. Et personne n’est venu … sauf un groupe de quelques charismatiques qui ont débarqué à Paray, conduit par Pierre Goursat, le fondateur de l’Emmanuel, sans savoir qu’il s’agissait des 300 ans. Quelles sont les surprises que le Seigneur nous prépare-t-il ? Quels sont les appels qu’il nous fera ? Nous ne le savons pas, mais il nous revient de nous disposer dès à présent pour « écouter ce que l’Esprit dit aux Églises » comme dit le livre de l’Apocalypse.

C’est dans cet état d’esprit que j’aborde la question de la consécration. Laissons-nous instruire par la manière de faire du Seigneur pour obtenir qu’une fête soit instituée en l’honneur de son Sacré-Cœur. S’il avait voulu être efficace et rapide, il serait apparu directement au pape et aux cardinaux pour ordonner que la fête du Sacré-Cœur soit instituée. Le pape aurait certainement obtempéré, signé un décret et, l’année suivante, toute l’Église aurait célébré cette fête. Mais le Seigneur ne gouverne pas par décret, même si cela nous arrangerait parfois. Il est apparu à une femme, cloîtrée au fin fond d’un monastère du Charollais pour le demander. Ce fut moins efficace et moins rapide, certes, mais plus fécond. Cette demande a travaillé le corps de l’Église, des cœurs, des familles, des paroisses et des diocèses, des congrégations et des pasteurs, jusqu’à l’institution de la fête du Sacré-Cœur plus de 150 ans plus tard.

Ainsi en est-il pour la consécration. D’où le troisième appel que j’adresse aujourd’hui : que nous comprenions mieux ce qu’est la consécration au Sacré-Cœur, que nous la vivions personnellement et en famille / paroisse / diocèse / communauté / congrégation, que nous en vivions et qu’elle nous transforme. Et, qu’ainsi, nous discernions en Église quelle est l’appel de Dieu pour nous, l’Église, la France et tous nos pays à ce sujet. L’essentiel n’est-il pas que le monde connaisse l’amour du Cœur de Jésus ?

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Sanctuaire du Sacré-Cœur

Au sanctuaire du Sacré-Cœur de Paray-le Monial, un jubilé est célébré du 27 décembre 2023 au 27 juin 2025, pour fêter les 350 ans des apparitions de Jésus à sainte Marguerite-Marie. Ce jubilé est une occasion de venir en pèlerinage à la Chapelle des Apparitions au monastère de la Visitation. Cette démarche jubilaire est une invitation à se mettre en marche pour répondre à l’appel de Jésus : venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et je vous donnerai le repos, car je suis doux et humble de Cœur (Mt 11, 28). Passer la Porte jubilaire, c’est entrer dans le Cœur de Jésus pour être renouvelé en profondeur dans notre vie de baptisé et lui rendre amour pour amour. Pour plus d'informations, rendez-vous sur https://sacrecoeur-paray.org/demarche-jubilaire/

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