Vendredi 24 novembre, le Saint-Père a reçu en audience les participants à la rencontre des aumôniers et agents pastoraux universitaires, promu par le Dicastère pour la culture et l’éducation dans la salle du Consistoire. Il leur a adressé un discours développant sa réflexion autour de trois approches pour leur service : apprécier les différences, accompagner avec soin et agir avec courage. Nous publions le texte intégral traduit de l’anglais par nos soins.
Frères et sœurs, bonjour !
Je salue le Cardinal Tolentino, les Supérieurs et les fonctionnaires du Dicastère pour la culture et l’éducation, et vous tous : aumôniers universitaires et agents pastoraux. Il est bon que vous soyez ici pour cette Conférence que vous avez organisée. Votre présence fait entendre la voix des étudiants, des enseignants des différentes disciplines et de tous ceux dont le travail, souvent caché, contribue au bon fonctionnement de vos institutions éducatives et sert les cultures, les Églises locales et les différents peuples, y compris les nombreux jeunes hommes et femmes, parmi lesquels les réfugiés et les pauvres, pour lesquels le droit à l’étude – malheureusement – reste encore un privilège inaccessible.
Vous avez choisi le thème de vos travaux : « Vers une vision polyédrique ». J’aime la figure du polyèdre, car elle est très expressive ; comme vous le savez, elle me tient à cœur. J’ai utilisé cette figure au début de mon pontificat, lorsque j’ai observé que la pastorale ne doit pas prendre comme « modèle la sphère… où chaque point est équidistant du centre et où il n’y a pas de différences » entre un point et un autre, mais plutôt « le polyèdre, qui reflète la convergence de toutes ses parties, chacune d’entre elles conservant sa spécificité » (Evangelii Gaudium, n. 236). De cette manière, l’Évangile s’incarne et s’exprime harmonieusement de différentes manières dans la vie des personnes, comme une mélodie unique qui se répète dans des tonalités diverses. Aujourd’hui, je voudrais vous proposer trois approches que je considère importantes pour votre service : apprécier les différences, accompagner avec soin et agir avec courage.
Apprécier les différences. Le polyèdre n’est pas une figure géométrique simple. Contrairement à la sphère, qui est lisse et facile à manipuler, il est anguleux et aussi tranchant : il a une arête, comme la réalité elle-même peut en avoir parfois. Cette complexité est pourtant à la base de sa beauté, car elle permet à la figure de refléter la lumière avec des tons et des dégradés différents, en fonction de l’angle de chaque facette. Une facette projette une lumière définie, une autre plus sourde et une autre encore un clair-obscur. De plus, grâce à ses multiples faces, un polyèdre peut également produire une variété de nuances.
Avoir une vision polyédrique implique donc d’entraîner nos yeux à saisir et à apprécier toutes ces nuances. D’ailleurs, l’origine des merveilleux polyèdres du monde minéral, comme les cristaux de quartz, est le résultat d’une très longue histoire, marquée par des processus géologiques complexes qui se sont déroulés sur des centaines de millions d’années. Ce processus patient, généreux et créatif nous fait penser à la manière de faire de Dieu. Comme le rappelle le prophète Isaïe, il crée l’éclat du soleil, mais ne dédaigne pas la lumière vacillante « d’une mèche qui faiblit » (Is 42, 3). Comme toutes ces images le suggèrent, le travail éducatif est une véritable mission, dans laquelle les individus et les situations sont accueillis, avec toutes leurs lumières et leurs ombres – leurs ombres aussi – avec une sorte d’amour « parental ». Cela facilite de manière unique la croissance des graines que Dieu a semées en chaque personne. Chaque personne doit être accompagnée telle qu’elle est, et c’est là le point de départ de tout dialogue, de tout cheminement et de tout progrès.
Cela nous amène au deuxième point : accompagner avec soin. Croire en la vitalité des graines que Dieu sème signifie aussi prendre soin de ce qui grandit silencieusement et se révèle dans les pensées, les désirs et les affections parfois confuses des jeunes qui vous sont confiés. N’ayez pas peur d’assumer cette responsabilité. Votre attitude ne doit pas se limiter à des excuses, à des questions et des réponses, à des interdictions : n’ayez pas peur d’affronter ces réalités. Si nous supprimons les arêtes et effaçons les ombres d’un solide géométrique, nous le réduisons à une figure plate, sans largeur ni profondeur.
Aujourd’hui, nous voyons certains courants idéologiques au sein de l’Église, dans lesquels les personnes finissent par être réduites à une figure plate, sans nuances. Mais si nous valorisons avec sagesse une personne pour ce qu’elle est, nous pouvons en faire une œuvre d’art. Le Seigneur lui-même nous enseigne l’art de la sollicitude. Lui qui a créé le monde à partir d’un abîme informe et qui a ressuscité des ténèbres de la mort, nous enseigne comment tirer le meilleur de ses créatures, en prenant soin de ce qu’elles ont de plus fragile et de plus imparfait. Dans les défis éducatifs que vous rencontrez chaque jour au contact de personnes, de cultures, de situations, d’affections et de pensées très diverses et parfois problématiques, ne vous découragez pas. Occupez-vous de tous, sans chercher des résultats immédiats, mais avec l’espoir certain que, lorsque vous accompagnez les jeunes et que vous priez pour eux, des miracles surgissent. L’uniformité ne les fait pas prospérer ; ils prospèrent précisément dans les différences qui représentent leur richesse.
Et maintenant, le troisième point : agir avec courage. Chers amis, cultiver la joie de l’Évangile dans le milieu universitaire est une entreprise à la fois passionnante et exigeante, qui demande du courage. C’est la vertu que l’on trouve au début de toute entreprise, du « Fiat lux » de la création au « Fiat » de Marie, et même au plus petit oui que nous prononçons au cours de notre vie quotidienne. Le courage nous permet de franchir les gouffres les plus profonds, comme la peur, l’indécision et les alibis qui nous empêchent d’agir et qui favorisent le manque d’engagement.
Nous avons entendu la parabole du « serviteur infidèle » qui n’a pas investi le capital que le Maître lui avait donné, mais l’a enterré pour ne pas risquer de le perdre. La pire chose qu’un éducateur puisse faire est de refuser de prendre des risques. Là où il n’y a pas de risques, il n’y a pas de fruits : c’est une règle. Lorsque, au milieu des luttes intérieures, une personne prend une décision audacieuse et créative, il faut du courage : un courage qui va droit au but, en se concentrant sur l’essentiel et en surmontant toutes les hésitations initiales. C’est le courage qui a distingué les premiers disciples et la vertu des « pauvres en esprit » (Mt 5, 3) qui, reconnaissant leur besoin de miséricorde, implorent sans crainte la grâce dont ils ont besoin. C’est le courage de ceux qui, malgré leur pauvreté, nourrissent de grands rêves. Pour nourrir de grands rêves : les jeunes doivent rêver, et vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour les aider à rêver et à aspirer à la mesure du Christ : à la hauteur, à la largeur et à la profondeur de son amour (cf. Ep 3, 17-19). J’espère que, dans la vie et dans votre ministère, vous cultiverez toujours la confiance audacieuse de ceux qui croient. Et qui nous donne le courage d’aller de l’avant ? L’Esprit Saint, le « grand caché » de l’Église. Il nous donne la force et le courage : nous devons demander à l’Esprit de nous donner ce courage.
Avant de conclure, je voudrais vous donner une autre raison pour laquelle je suis heureux que nous nous rencontrions. On m’a dit que certains d’entre vous, soit individuellement, soit par l’intermédiaire des universités auxquelles vous êtes associés, ont contribué financièrement pour que d’autres, ayant moins de possibilités, puissent participer à cette Conférence. Merci, c’est une bonne chose. Il est bon que de tels gestes deviennent de plus en plus fréquents, inspirés par le désir d’aider, dans la mesure du possible, ceux qui en ont le plus besoin, avec la modestie caractéristique de la charité chrétienne. Le chrétien, lorsqu’il donne, reste toujours modeste, il donne en silence, discrètement, sans jamais offenser. Faites preuve de générosité de cœur en donnant, et de discrétion dans la manière dont vous le faites. C’est très bien, en effet. N’oubliez pas non plus que nous avons besoin les uns des autres et que, par conséquent, nous avons toujours quelque chose de précieux à donner. Je vous remercie de votre présence et je vous demande de saluer les étudiants qui vous sont confiés, ainsi que les autorités académiques et le personnel de vos universités et de vos Églises locales.
Je vous accompagne de mes prières et je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier pour moi.