Rite romain
Ez 17,22-24 ; PS 91 ; 2Cor 5,6-10 ; Mc 4,26-34
1) L’amour enseveli dans la terre
Pour être productive, la graine de blé doit être placée sous terre. Ainsi Dieu, pour que son Royaume naisse et grandisse, a mis son Amour dans la terre, dans le jardin du sein de la Vierge Marie : “c’est ainsi que cette fleur a germé” (cf. Dante). Le vrai et grand Semeur continue de “jeter” le Fils, la semence divine, sur la terre. Mais nous terriens, sommes-nous une terre fertile comme la Vierge Marie ?
Face à notre extrême fragilité, tout de suite non dirions que nous ne le sommes pas. Mais en nous regardant dans le Christ, nous disons oui, nous le sommes. De plus, nous ne devons pas oublier que Jésus-Christ, la Parole de Dieu, ne vient pas à nous seulement comme un don, mais comme un pardon.
Nous avons la tâche d’ouvrir la terre de notre cœur en implorant la miséricorde, qui recrée. Une belle antienne de la liturgie ambrosienne dit : « Antequam discutias mecum, Domine, miserere mei » : « Avant de parler avec moi, mon Seigneur, pardonne-moi, selon ta grande miséricorde (cf. Ps 50), selon ta justice revêtue de piété et tendresse ».
Cette tendresse de Dieu nous prend comme la brindille dont parle le prophète Ézéchiel dans la première lecture romaine d’aujourd’hui : “À la cime du grand cèdre, je prendrai une tige ; au sommet de sa ramure, j’en cueillerai une toute jeune, et je la planterai moi-même sur une montagne très élevée. Sur la haute montagne d’Israël je la planterai. Elle portera des rameaux, et produira du fruit, elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils habiteront. Alors tous les arbres des champs sauront que Je suis le Seigneur”.
Dans les mains de Dieu, tout homme qui accueille son don, qui vit de sa Parole, qui marche sur les traces de son Fils, peut devenir un annonciateur du salut et un ouvrier plein d’initiative dans le Royaume d’amour, de justice et de paix auquel aspire toute l’humanité.
Bien sûr, Dieu le Père nous prend avec ses “mains” et nous plante. Bien sûr, Dieu le Père c’est le Semeur, la Parole est la Semence, le sol est l’homme. Mais dans ce processus, le sol n’est en aucun cas passif. En effet, la qualité de la récolte dépend de la bonne préparation de la terre, bref, de la fertilité du sol profond et insondable qui est le cœur de l’homme. Comme le dit bien un exemple célèbre de l’Écriture : “La Parole a toujours son efficacité, comme la pluie qui descend du ciel” (cf Is 55, 10 – 11) : elle a en elle-même la capacité d’irriguer et de favoriser la croissance, mais si le sol il est aride et réfractaire, il ne peut porter que peu de fruits.
Le terrain de l’homme est préparé sur la base de la volonté et de la prédisposition de l’homme lui-même, qui ne doit jamais paraître suspect ou méfiant à l’égard de la Parole, mais la considérer comme un Don, s’ouvrant délibérément avec confiance et se laissant former par elle.
Cependant, je crois qu’avant même d’être des personnes de bonne volonté et confiantes, nous devons être purs et humbles pour accueillir la semence, comme Notre-Dame nous en a donné un bel exemple. Elle qui a toujours été Immaculée, s’est humblement mise au service de la Parole, nous, à qui la douleur et le pardon ôtent le péché, pouvons faire de même. Marie avec son immense pureté et son humilité sans bornes a ennobli la nature humaine à tel point que “son Créateur n’a pas dédaigné d’être sa Créature” (Dante). Nous pouvons devenir une terre digne, noble et féconde, imitant Notre-Dame dans son humilité, grâce à laquelle elle n’a pas été définie par l’issue des choses à faire, mais par l’amour de Dieu. Et, rendus purs par le pardon imploré, nous serons la vraie demeure de Dieu.
2) L’amour semé dans le ciel
Le fruit qui vient de la terre permet à ceux qui en mangent de vivre, mais ne les empêche pas de mourir. Le Christ, semence semée dans le ciel par la Croix, “produit” le pain d’immortalité.
Si nous le suivons jusque-là, le Verbe divin s’insinue dans notre vie, pour la transformer selon son dessein d’amour, tout comme la semence qui, “tombée” et dispersée parmi les “mottes” du ciel, se déploie mystérieusement et notre cœur, terre auparavant inculte et abandonnée dans un champ fécond de moisson, fructueux de cultures : la graine pousse peu à peu. Elle est nourrie par la terre et par le climat approprié de la saison, elle se transforme d’abord en petits épis jusqu’à ce que le “sol” du ciel produit du grain céleste prêt pour la récolte.
N’oublions pas qu’avant d’être semé dans ciel par la Croix, Jésus s’agenouilla devant les hommes, leur lavant les pieds. En cela imitons le Rédempteur qui, par le geste de laver les pieds, a montré l’amour divin avec toutes ses composantes humaines : sympathie, tendresse, générosité, émotion et service. Le Fils de Dieu a fait ça avec cette vibration humaine qui le rend proche de tous et en conquiert les cœurs.
Comme une petite graine de moutarde, Jésus s’est fait petit, pauvre et sans défense, partageant la condition des faibles et des rejetés et pour cela il a été exalté avec un nom au-dessus de tout autre nom (Phil 2,9). Une fois mort et enseveli, Jésus a fait croître le Royaume qu’il avait déjà semé par ses paroles et ses œuvres. Par ses apparitions de Ressuscité, dans l’Ascension au Ciel et dans la réalisation de la promesse du don de l’Esprit à la Pentecôte et dans la continuité de son annonce par l’Église, le Christ fait sans cesse croître la semence du Royaume et répand partout ses fructueuses moissons.
En effet, comme le dit l’Évangile d’aujourd’hui, nous ne connaissons pas et ne pourrons jamais connaître les temps et les manières dont Dieu fait croître sa semence, il ne nous est pas donné de savoir quelles procédures, quels temps, quels chemins Dieu met en place pour faire sa propre semence, nous ne saurons jamais combien d’étapes il faut jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Personne ne peut se leurrer de prédire des résultats futurs ou d’anticiper des événements et des solutions. Il suffit de s’en remettre à Dieu, dont les voies et les chemins sont différents des nôtres (Is 55, 5) et attendre dans l’humilité, la foi et l’espérance.
Se confier à Dieu pour être des semeurs en son nom implique certes d’être petit et de grandir progressivement, sans bruler les marches. Celui qui se trouve aujourd’hui en bonne position pour réussir ou qui fait le point sur les abondantes ressources acquises a dû commencer petit, affronter les durs combats et les sacrifices inévitables que chaque objectif implique.
En tout cas, souvent et dans tous les domaines, le succès commence par une série d’échecs, de frustrations et d’incompréhensions de la part des autres. Il connaît des écueils parfois préétablis, demande constance, confiance et persévérance dans l’épreuve et dans la tentation de vouloir abandonner. Mais quand l’objectif est enfin atteint, eh bien, les résultats sont comparables à la plante issue d’une graine de moutarde insignifiante : elle est maintenant si grosse qu’elle domine toute la flore qui se trouve devant elle et abrite de nombreux nids d’oiseaux.
Participer activement à la nouveauté du Royaume apportée par le Christ, c’est suivre inlassablement ses pas et atteindre les mêmes prix de gloire même si l’étape nécessaire et inévitable est toujours la Croix, où le Christ a manifesté que l’amour fou de Dieu a vaincu le mal, où la mort a été vaincue par la Vie.
Donc, recevons le Christ comme le Ciel l’a reçu quand les hommes l’ont mis sur la Croix.
D’une manière particulière les Vierges Consacrées doivent être la terre devenue ciel grâce à la consécration. Elle sont dans le sillon des vierges consacrées qui ont subi le martyre pour rester fidèles au Seigneur ont été très nombreuses, surtout les trois premiers siècles de la vie de l’Église.
La mémoire des vierge consacrées martyres doit rester pour ces femmes est restée comme un vif rappel du don total de soi que la consécration virginale exige. (cf Ecclesiae Sponsae Imago, Introduction, 8 juin 2018).
Lecture Patristique
Saint Bonaventure
L’ARBRE DE VIE
« En toi est la source de vie »
Considère attentivement, toi qui as été racheté, quel est celui qui, pour toi, est suspendu à
la Croix, quelle est sa grandeur, quelle est sa sainteté, lui dont la mort rend la vie à ceux qui sont morts, lui dont le trépas met en deuil le ciel et la terre, et fait se briser les pierres les plus dures.
Pour que, du côté du Christ endormi sur la Croix, surgisse l’Église, et pour que soit accomplie
la parole de l’Écriture : Ils contempleront celui qu’ils ont transpercé, la sagesse divine a bien voulu que la lance d’un soldat ouvre et transperce ce côté. Il en sortit du sang et de l’eau, et c’était le prix de notre salut qui s’écoulait ainsi. Jailli de sa source, c’est-à-dire du plus profond du cœur du Christ, il donne aux sacrements de l’Église le pouvoir de conférer la vie de la grâce et, à ceux qui ont déjà en eux la vie du Christ, il donne à boire de cette eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle.
Debout ! toi qui es aimé du Christ, sois donc comme la colombe qui fait son nid sur le bord de l’abîme. Et là, comme l’oiseau qui a trouvé un nid, ne te relâche pas de ta vigilance ; là, comme la tourterelle, viens cacher les enfants de ton amour chaste, et de cette plaie approche tes lèvres pour puiser de l’eau à la source du Sauveur. C’est là qu’on trouve la source qui jaillissait au milieu du Paradis et qui, se partageant en quatre bras puis répandue dans les cœurs aimants, arrose et féconde la terre tout entière.
À cette source de vie et de lumière, accours donc, animé d’un brûlant désir, qui que tu sois, toi qui es donné à Dieu, et de toute ta force, du plus profond de ton cœur, crie vers lui : O beauté ineffable du Dieu très-haut, éclat très pur de l’éternelle lumière, vie qui communique la vie à tous les vivants, lumière qui donne son éclat à toute lumière, toi qui conserves dans leur immuable splendeur et leur diversité les astres qui brillent, depuis la première aurore, devant le trône de ta divinité !
O jaillissement éternel et inaccessible, plein de lumière et de douceur, de cette source cachée à tous les regards humains ! profondeur sans fond, hauteur sans limite, grandeur incommensurable et pureté inviolable !
C’est de toi que coule ce fleuve qui réjouit la cité de Dieu et c’est grâce à toi qu’aux accents des acclamations et des actions de grâce, nous pouvons te chanter le cantique de louange, car nous pouvons témoigner, par expérience, qu’en toi est la source de la vie, et que par ta lumière, nous verrons la lumière.