L’assemblée présente à l'ouverture de la 94e année judiciaire de la Cité du Vatican

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Justice et miséricorde : le discours du pape au Tribunal civil de la Cité du Vatican

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Discours du pape à l’occasion de l’ouverture de la 94e année judiciaire de la Cité du Vatican

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Samedi matin, 25 février, le pape a présidé l’ouverture de la 94e année judiciaire du Tribunal de l’État de la Cité du Vatican. La cérémonie s’est déroulée dans la Salle des Bénédictions, en présence du ministre de la Justice de la République italienne.

Je suis heureux de vous rencontrer à l’occasion de l’inauguration de la 94e année judiciaire du Tribunal de l’État de la Cité du Vatican et je vous salue cordialement.

Je remercie de leur présence le ministre de la Justice, Carlo Nordio, et le sous-secrétaire du Premier ministre, Alfredo Mantovano.

Je salue le Président du Tribunal, Giuseppe Pignatone, et le Promoteur de justice, Alessandro Diddi, ainsi que les magistrats de leurs bureaux respectifs. Je les remercie pour leur engagement généreux et compétent dans l’administration de la Justice, qui a été particulièrement pesante au cours de l’année écoulée. Pour cela, je remercie également vos collaborateurs et le personnel du corps de Gendarmerie, qui sont toujours disponibles pour vous apporter le soutien nécessaire dans l’exercice de vos délicates responsabilités.

Je salue la présence de plusieurs représentants des plus hautes juridictions de l’État italien, que j’honore et remercie, et je souhaite que cette occasion puisse contribuer à favoriser la connaissance et le dialogue entre les personnes impliquées dans le monde des institutions et, en particulier, de la justice.

Le temps qui s’est écoulé depuis notre dernière rencontre a malheureusement été marqué par des événements graves et imprévus, qui ont laissé de profondes cicatrices.

Après la terrible épreuve de la pandémie, avec son lourd cortège de deuils et de crises, nous espérions un prompt rétablissement, nourri et soutenu par un large esprit de solidarité. Nous espérions et nous nous efforcions de mettre de côté l’égoïsme et l’appât du gain pour essayer de prendre un nouveau départ ensemble, au niveau national et international, en faisant preuve d’un sens des responsabilités et d’une capacité de collaboration.

Grâce à Dieu, dans de nombreuses régions du monde et dans de nombreuses initiatives, cet espoir et ce désir ont trouvé une réalisation concrète, avec des croyants et des non-croyants travaillant côte à côte.

Malheureusement, au moment même où l’on progressait sur cette voie de reprise progressive, le déclenchement du conflit en Ukraine et son évolution tragique ont replongé le monde entier dans une crise profonde, aggravée par les multiples foyers de guerre qui continuent d’éclater dans d’autres nations également. En effet, des guerres frappent parfois plus près de nous, mais la réalité est que les conflits sont nombreux dans le monde, et qu’ils constituent une sorte d’autodestruction (cf. Conférence de presse sur le vol de retour du Soudan du Sud, 5 février 2023).

Face à ces scénarios, l’aspiration à la paix et à la justice grandit en nous. Elle renforce dans notre conscience – au point de devenir impérative – la nécessité de témoigner pour aider à construire la paix et la justice.

Comme je l’ai rappelé lors de mon récent voyage en République démocratique du Congo, « dans un monde découragé par la violence et la guerre, les chrétiens font comme Jésus : il a répété avec insistance aux disciples : « Paix, la paix soit avec vous ! » (cf. Jn 20, 19.21) ; et nous sommes appelés à faire nôtre et à dire au monde cette annonce prophétique et inattendue du Seigneur, l’annonce de la paix. Oui, nous chrétiens, envoyés par le Christ, nous sommes appelés par définition à être la conscience de la paix dans le monde » (Homélie de la messe à Kinshasa, 1er février 2023).

Tout engagement en faveur de la paix implique et requiert un engagement en faveur de la justice. Une paix sans justice n’est pas une paix véritable, elle n’a pas de fondement solide et aucune possibilité d’avenir. Et la justice n’est pas une abstraction ou une utopie. Dans la Bible, elle est l’accomplissement honnête et fidèle de tout devoir envers Dieu, elle est l’accomplissement de sa volonté. Elle n’est pas seulement le fruit d’un ensemble de règles à appliquer avec une expertise technique, mais elle est la vertu par laquelle nous donnons à chacun son dû, indispensable au bon fonctionnement de toutes les sphères de la vie commune et à une vie sereine pour tous. C’est une vertu à cultiver par un engagement de conversion personnelle et à exercer avec les autres vertus cardinales que sont la prudence, la force et la tempérance. [1]

Cette vertu est confiée de manière éminente à la responsabilité de ceux qui se consacrent au monde judiciaire, afin de rendre possible le rétablissement de la paix violée entre les différents sujets de la communauté en conflit entre eux et au sein de la communauté.

C’est dans cette perspective qu’opèrent les tribunaux de l’État de la Cité du Vatican, qui jouent un rôle précieux au profit du Saint-Siège lorsqu’il s’agit de résoudre des litiges civils ou pénaux. Il s’agit de litiges qui, par leur nature même, échappent à la compétence des tribunaux et des tribunaux canoniques du Saint-Siège et doivent être jugés sur la base d’un réseau complexe de sources canoniques et civiles, comme celui prévu par le système Vatican, dont l’application requiert une expertise spécifique.

Ces dernières années, ces litiges et les procès qui en découlent se sont multipliés, tout comme, dans plus d’un cas, la gravité des comportements mis en lumière, notamment dans le domaine de la gestion patrimoniale et financière. Il faut ici être clair et éviter le risque de « confondre le doigt avec la lune » : le problème n’est pas les procès, mais les faits et les comportements qui les suscitent et les rendent douloureusement nécessaires. En effet, de tels comportements de la part des membres de l’Église nuisent gravement à son efficacité à refléter la lumière divine. Grâce à Dieu, cependant, ils « ne diminuent ni le désir profond de cette lumière ni la disponibilité de l’Église à l’accueillir et à la partager » [2], car les disciples du Christ sont « appelés à être la lumière du monde (Mt 5, 14). C’est ainsi que l’Église reflète l’amour salvateur du Christ, qui est la Lumière du monde (cf. Jn 8,12). » [3]

Chers frères et sœurs, l’Église « accomplit son mandat avant tout lorsqu’elle témoigne, en paroles et en actes, de la miséricorde qu’elle a elle-même librement reçue » [4]. « Comme elle est belle pour notre vie, cette réalité de la foi : la miséricorde de Dieu ! L’amour de Dieu pour nous est si grand, si profond, un amour qui ne fait jamais défaut, qui nous prend toujours par la main et nous soutient, nous relève, nous guide. » [5] Un amour qui devient proche, miséricordieux et tendre.

C’est avec cette attitude de miséricorde et de proximité que nous sommes appelés à considérer nos frères et sœurs, surtout quand ils sont en difficulté, quand ils commettent des erreurs, quand ils sont mis à l’épreuve du jugement. Une épreuve qui est parfois nécessaire lorsqu’il s’agit de relever des comportements qui ternissent le visage de l’Église et provoquent le scandale dans la communauté des fidèles. Cette épreuve est facilitée par l’exercice d’un discernement rigoureux, qui « empêche le développement d’une morale froide et bureaucratique dans le traitement des questions les plus délicates » [6] ; ainsi que par le recours prudent au canon de l’équité, qui peut favoriser la recherche de l’équilibre nécessaire entre justice et miséricorde. La miséricorde et la justice ne sont pas des alternatives, mais elles marchent ensemble, procédant en parité vers la même fin, car la miséricorde n’est pas la suspension de la justice, mais son accomplissement (cf. Rm 13, 8-10).

Chers magistrats, le chemin de la justice rend possible une fraternité dans laquelle tous sont protégés, surtout les plus faibles. Je vous souhaite à tous de travailler en maintenant toujours vivante cette conscience et l’effort vers la vérité. Je vous bénis et vous assure de mes prières. N’oubliez pas de prier pour moi. Je vous remercie.

Traduction de l’original italien par ZENIT

Notes :

[1] Discours aux représentants de l’Association nationale de la Magistrature, 9 février 2019.

[2] Constitution apostolique In Ecclesiarum communione (6 janvier 2023), 4.

[3] Constitution apostolique Praedicate Evangelium (19 mars 2022), 2.

[4] Idem, 1.

[5] Homélie pour l’installation dans la « Chaire romaine », 7 avril 2013.

[6] Exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia, 312.

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Rédaction

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