Dans sa méditation pour ce dimanche 18 décembre 2022, 4ème dimanche de l’Avent, Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, invite à « vivre les quelques jours qui nous séparent de Noël, comme saint Joseph a vécu les jours qui se sont écoulés de la nuit pleine de peur où il reçut – en rêve – l’annonce que la vie avait germé en Marie sa fiancée, à la nuit pleine de joie où le Fils de Dieu naquit dans la grotte de Bethléem ».
« Le oui de Joseph »
4ème dimanche de l’Avent – Année A – 18 décembre 2022
Isaïe 7, 10-14; Psaume 23 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
1.Un modèle d’attente: Joseph
Lors du premier dimanche de l’Avent, la liturgie nous a invités à vivre intensément l’attente de l’Attendu, comme l’a vécue la Sainte Vierge, sans laisser notre cœur s’endormir appesanti par nos diverses préoccupations.
Lors du second dimanche de ce temps d’attente, nous avons été invités à vivre une conversion permanente. Pour accueillir la Parole et non pas les bavardages, il faut savoir écouter et accueillir la Parole avec un esprit et un cœur transformés par notre conversion.
Le troisième dimanche, en nous faisant réfléchir sur l’expérience douloureuse de la prison et du doute vécue par Saint Jean Baptiste, nous a enseigné qu’il faut être fidèle à la Parole sinon elle reste lettre morte et elle n’est certainement plus Esprit et Vie. Cette parole est Vie et source de joie.
Lors du quatrième dimanche de l’Avent, alors que les précédents dimanches nous avaient demandé de vivre l’Avent comme Jean le Baptiste et la Sainte Vierge avaient vécu l’attente du Christ, la liturgie nous propose un troisième modèle pour vivre l’Avent : celui de Saint Joseph.
Ce dimanche, l’Église nous demande donc de vivre les quelques jours qui nous séparent de Noël, comme saint Joseph a vécu les jours qui se sont écoulés de la nuit pleine de peur où il reçut – en rêve – l’annonce que la vie avait germé en Marie sa fiancée, à la nuit pleine de joie où le Fils de Dieu naquit dans la grotte de Bethléem.
La trajectoire que Joseph nous indique est claire : de l’écoute de la Parole annoncée dans un rêve par un ange, à l’abandon confiant à la volonté de Dieu qui lui demande d’être le gardien du Rédempteur qui va naître.
Humainement parlant, Joseph est grand parce que connaissant et aimant véritablement Marie, il s’incline devant la conception qui se fait en Marie, il ne discute pas sur les causes de cette grossesse inexpliquée et il choisit la voie humainement la plus miséricordieuse : il défend la dignité de Marie en renonçant à un refus public- usage de l’époque qui aurait condamné Marie au mépris de tous – et la congédie « en silence ».
Divinement parlant, Joseph est grand parce que quand Dieu lui-même l’illumine sur la vraie identité du Fils de Marie, conçu non d’un homme mais de l’Esprit Saint, Joseph revient sur sa décision (c’est à dire se convertit) et « il la prend avec lui comme son épouse ». Il se convertit en changeant sa façon de raisonner. Cette conversion de l’Esprit implique un changement de vie. Pour être le gardien du Rédempteur, il vécut l’attente de sa naissance non en attendant une idée mais une personne. Pour lui, Noël, ce fut recevoir la visite d’une personne, ce fut une rencontre qui changea sa vie. Il organisa sa vie pour garder la Vie et la donner au monde.
Demandons humblement la grâce de pouvoir imiter le père légal de Jésus. N’oublions pas cependant que l’adjectif « légal » dérive du substantif « loi » mais c’est la loi de la charité. Contemplons avec étonnement et imitons avec ténacité la foi active de Saint Joseph et son total abandon à ce que le Seigneur lui demande de faire devant le mystère de la conception et de la naissance de Jésus : être le père « légal » de Jésus. Cette expression est plus correcte que celle de « père putatif ». En effet Saint Joseph n’est pas seulement père parce que l’opinion commune le retient tel. Il est réellement père. Certes comme l’a bien écrit saint Augustin : « Joseph est père non par vertu de la chair mais par vertu de la charité. »
2.Les trois oui
Réfléchissons maintenant sur la phrase finale de l’Évangile d’aujourd’hui : « Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse » (Mt. 1, 14).
L’époux de Marie dit oui à Dieu non pas en parlant mais en agissant. En silence, le charpentier de Nazareth accepta et remplit la tâche de chef de famille qui protégea la croissance du Christ dans le monde. Il est l’homme à qui Dieu a confié son Fils pour le garder et le protéger et il y est arrivé par une simple séquence logique et pratique à laquelle il s’est toujours tenu : la parole qu’il avait écoutée, il l’a toujours immédiatement mise en pratique, accomplie, incarnée.
Il est le père légal du Christ parce qu’il a vécu une paternité à l’égard de Jésus qui s’est exprimée concrètement en remplissant le rôle de « gardien du Rédempteur » (Saint Jean-Paul II) et en faisant de sa vie « un service, un sacrifice au mystère de l’incarnation et à la mission rédemptrice qui y est liée ; en usant de l’autorité légale qui lui revenait sur la sainte famille pour en faire un don total de soi, de sa vie, de son travail ; en ayant converti sa vocation humaine à l’amour domestique en une oblation surhumaine de soi, de son cœur et de toute sa capacité à aimer mise au service du Messie germé dans sa maison. » (Paul VI, Enseignements IV;1966, p110).
Grâce au « oui » silencieux de Joseph, Marie, la femme du « oui » total à Dieu eut une maison où le Verbe de Dieu, qui avait dit « oui », devint l’Emmanuel, le Dieu avec nous, pour nous et en nous. Comme dit Saint Paul, dans le Christ, il n’y a pas eu le « oui » et le « non » : mais seulement le « oui ». (cf. 2 Co 1, 18-19). A Gethsémanie, rappelons-nous l’acte d’abandon de Jésus à la volonté du Père : « Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se fasse, Père » (cf. Lc 22, 42). Le psaume 39 nous fait prier : « Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation : tu m’as donné un corps ; alors j’ai dit : Voici je viens. » et dans la Lettre aux Hébreux « Tu n’as voulu ni sacrifice ni oblation ; mais tu m’as façonné un corps. Tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour les péchés. Alors j’ai dit : Voici, je viens, car c’est de moi qu’il est question dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, ta volonté » (10, 4-10).
3.Le oui des Vierges consacrées dans le monde : un oui à l’intérieur de trois oui
Nous désirons tous être comme Marie et Joseph et devenir avec eux la maison du Christ. Nous sommes tous appelés à être les témoins de la Parole qui ne frappe pas seulement l’ouïe mais aussi les cœurs en les ouvrant et en y demeurant de façon stable.
Et si maintenant on me demandait de quelle « utilité » est la dévotion à Saint Joseph pour les vierges consacrées qui avec leur « oui » s’engagent à être des témoins particuliers de la fécondité de la Parole, je répondrais qu’elle les aide à vivre dans l’humilité de la place que le Père a choisie pour elles.(rituel de consécration des vierges, n° 36 : « Que Jésus Notre Seigneur, fidèle époux de celles qui Lui sont consacrées vous donne, par sa Parole, une vie heureuse et féconde ».
A travers le sacrifice total de lui-même, Joseph exprime son généreux amour envers la Mère de Dieu en lui faisant le don conjugal de lui-même de façon virginale. Bien que décidé à se retirer pour ne pas faire obstacle au plan de Dieu qui était en train de se réaliser en elle, par ordre direct d’un ange, il la garde avec lui et il respecte son appartenance exclusive à Dieu.
En outre, la virginité imite la façon dont Joseph a vécu son affection envers Jésus et la Sainte Vierge et anticipe la façon accomplie de vivre les affections dans la vie éternelle. De là jaillit la manière de vivre la maternité et la paternité pour qui se consacre à Dieu. Mais on ne doit jamais oublier que pour générer, il faut avoir été généré et que pour être père et mère, il faut non seulement avoir été un enfant mais l’être encore. Être enfanté dans l’amour nous rend à notre tour capable de transmettre et de donner la vie. De là l’importance de vivre une effective appartenance à l’Église dont Saint Joseph est le Patron.
Sur l’exemple de Jésus, Marie et Joseph, nous aussi, disons notre « oui ». Alors notre vie sera transfigurée de la miséricorde de Dieu.
Lecture patristique
Saint Augustin d’Hippone (354-430)
Sermon 51
ANALYSE.- Après avoir félicité ses auditeurs de ce qu’ils ont préféré au spectacle profane le spectacle de la vérité évangélique, et après avoir plaint ceux que l’attachement aux divertissements publics retient éloignés de l’Église, saint Augustin aborde le sujet qu’il a promis de traiter le jour de Noël. Il s’agit d’expliquer pourquoi Jésus-Christ est né miraculeusement de Marie et pourquoi néanmoins sa double généalogie est la généalogie de Joseph.
I. Pour relever le courage et l’honneur du sexe qui nous a perdus, il convenait que Jésus-Christ naquit d’une femme. Comment savoir qu’il est né d’une femme? Par le témoignage de l’Église universelle et par le témoignage de l’Évangile; car si l’on rencontre des difficultés dans l’Évangile, elles s’évanouissent bientôt quand on croit avec une hum soumission. Or l’Évangile rapporte expressément, non-seulement que le Fils de Dieu a pris chair dans la race de David et d’Abraham mais encore qu’il est né miraculeusement de la vierge Marie. En vain objecte-t-on que l’Évangile est dans l’erreur lorsqu’il rapporte le nombre des générations. Son calcul n’est pas erroné, et ce qu’il a d’étonnant figure d’une manière admirable comment le Sauveur convertissant les hommes devait être la pierre angulaire qui réunirait entre eux les Juifs et les païens devenus chrétiens.
II. Pourquoi la généalogie du Sauveur est-elle celle de Joseph et non celle de Marie? – C’est que Joseph est le père de Jésus-Christ. Ainsi l’enseigne l’Évangile à plusieurs reprises; ainsi le veut son titre véritable d’époux de Marie; ainsi l’exige la filiation adoptive. Si maintenant les Évangélistes attribuent deux pères à Joseph, c’est qu’il arrivait souvent chez les Juifs qu’un fils portait même temps le nom de son père légal et le nom de son père réel. Si d’un autre coté saint Matthieu compte les générations descendant, tandis que saisit Luc les énumère en remontant, si l’un en compte quarante et l’autre soixante dix-sept, c’est dans un but mystérieux, c’est pour faire connaître que le Fils de Dieu est descendu parmi nous pour se charger de nos péchés et qu’il est remonté vers son Père après les avoir effacés.
511 Dieu a excité l’attente de votre charité, qu’il daigne la remplir. Nous comptons, il est vrai que ce que nous allons vous adresser ne vient pas de nous mais de Lui; nous disons cependant avec beaucoup plus de raison que l’Apôtre dans son humilité, que «nous portons ce trésor dans vases d’argile, afin que la grandeur appartienne à la puissance de Dieu et ne vienne pas nous (1).» Je le vois, vous vous souvenez de notre engagement; c’est en Dieu que nous l’avons contracté, et c’est par lui que nous l’accomplissons. Nous le prions en vous promettant, et c’est lui qui nous donne de nous acquitter aujourd’hui. Votre charité n’a pas oublié que le matin de la Nativité du Seigneur, nous avons ajourné la solution de la question qui avait été proposée. C’est qu’en effet beaucoup de ceux qu’importune la parole de Dieu célébraient avec nous la solennité exigée par ce grand jour. Mais aujourd’hui il n’y a, je crois, que ceux qui désirent l’entendre, et nous ne parlons ni à des coeurs sourds ni à des âmes dégoûtées. Le désir que je vois en vous est de plus une prière en ma faveur.
Un autre motif m’encourage: le jour des jeux publics a emporté d’ici un grand nombre de malheureux, pour le salut desquels nous vous recommandons une sollicitude aussi empressée que la nôtre: priez Dieu avec ferveur pour eux, car appliqués comme ils sont- aux spectacles de la chair, ils ne connaissent point encore les doux spectacles de la vérité. Je sais et je sais avec certitude qu’à votre société appartiennent plusieurs de ceux qui nous délaissent aujourd’hui. Ils déchirent ainsi ce qu’ils ont cousu; car, les hommes changent et en bien et en mal: nous éprouvons chaque jour la joie et la tristesse de ces vicissitudes: joie, quand ils se corrigent; tristesse, quand ils se perdent. Aussi le Seigneur n’assure pas le salut à celui qui commence: «celui qui persévèrera jusqu’à la fin, dit-il, celui-là sera sauvé (2).»
512 Mais était-il possible que Notre-Seigneur Jésus-Christ, que le Fils de Dieu, qui a daigné se faire en même temps fils de l’homme, nous accordât rien de plus admirable, rien de plus magnifique, que de faire entrer dans son bercail, non-seulement les spectateurs de ces jeux frivoles, mais encore ceux qui s’y donnent en spectacle? Car il poursuit pour les sauver ét les amis des gladiateurs et les gladiateurs eux-mêmes. Lui-même d’ailleurs n’a-t-il pas été donné en spectacle? Apprends de quelle manière. Il a dit, il a prédit longtemps auparavant, il a annoncé, comme si la chose était déjà accomplie, il a dit expressément dans un psaume: «Ils ont creusé mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os.» Voilà comment il a été donné en spectacle, ses os mêmes ont été comptés. Il exprime plus clairement encore cette idée de spectacle: «Ils m’ont regardé, dit-il, ils m’ont considéré attentivement (3).» Spectacle de dérision, car on n’avait pour lui, même en ce moment, aucune bienveillance, on ne montrait que de la fureur. Ainsi voulut-il que dès l’origine ses martyrs fussent également livrés en spectacle. «Nous sommes en spectacle, dit l’Apôtre, au monde, aux anges et aux hommes (4).»
Or il y a pour cette dernière sorte de spectacles deux espèces de spectateurs; les spectateurs charnels et les spectateurs spirituels. Les spectateurs charnels regardent comme des misérables ces martyrs qui sont exposés aux bêtes, qui périssent ta tête tranchée ou consumés par la flamme; ils les détestent, et les ont en horreur. Les autres spectateurs, comme les saints anges eux-mêmes, considèrent moins leurs chairs en lambeaux qu’ils n’admirent l’intègre vigueur de leur foi. Quel spectacle en effet pour les yeux du coeur qu’une âme montre ce que vous préférez invincible dans un corps en ruine! Ce sont ces spectacles que vous contemplez volontiers lorsqu’on en lit les actes dans l’Eglise; car vous n’y entendriez rien si vous n’y voyiez rien; et aujourd’hui par conséquent vous ne renoncez point, aux spectacles vous montrez ceux que vous préférez.
Que Dieu donc voies accorde la grâce de rendre compte avec bonté de vos spectacles pieux, à ces amis que vous plaignez aujourd’hui d’avoir couru à l’amphithéâtre et d’avoir refusé de venir à l’église; qu’ils commencent à mépriser ces jeux profanes dont l’amour les rend méprisables eux-mêmes, et qu’avec vous ils aiment ce Dieu dont ne peut rougir aucun de ceux qui l’aiment, car l’aimer c’est aimer l’invincible. Qu’avec vous ils aiment le Christ, le Christ qui a voulu paraître vaincu pour vaincre l’univers. Ne voyons-nous pas aujourd’hui, mes frères, qu’il l’a vaincu en effet? Il a soumis toutes les puissances; sans soldat superbe et avec sa croix chargée d’outrages, il a courbé les rois sous son joug; il n’a point fait sang avec le glaive, il est resté attaché à la croix et en souffrant dans son corps il a triomphé des âmes. Ses membres s’élevaient sur le gibet et sous ce gibet il abaissait les coeurs. Et quel diamant brille avec plus d’éclat sur le diadème, que la croix du Christ sur le front des monarques? Non, en vous attachant à lui, vous n’avez jamais à rougir.
Combien reviennent de l’amphithéâtre, vaincus parce que sont vaincus ceux pour qui ils se sont pris d’une folle passion? Ne seraient-ils pas plus vaincus encore si leurs partisans triomphaient? Ils seraient alors livrés à une vaine joie, ils s’abandonneraient au plaisir inspiré par leur passion insensée. Aussi sont-ils défaits au moment même où ils courent au théâtre. Combien n’y en a-t-il pas, mes frères, qui aujourd’hui ont hésité de savoir s’ils iraient là ou s’ils viendraient ici? Ceux d’entre eux qui dans ce moment de doute ont regardé le Christ et sont accourus à l’Eglise, ont triomphé, non pas d’un homme quelconque mais du diable même, le plus méchant ennemi du genre humain. Ceux au contraire qui ont alors préféré courir au théâtre, ont été vaincus au lieu d’être vainqueurs avec les premiers. Or si ceux-ci ont vaincu, c’est en Celui qui a dit: «Réjouissez-vous, car j’ai vaincu le monde (5).» Il est en effet comme le général qui s’est laissé attaquer pour former le soldat au combat.