Les évêques du Congo souhaitent qu’il y ait « une sorte de front commun pour mieux présenter la cause du Congo et aider le pays à regarder sa réalité en face », a déclaré le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, archevêque de Kinshasa, présent à Rome à l’occasion de la réunion du Conseil des cardinaux. Rappelons que le pape François se rendra en République démocratique du Congo du 31 janvier au 3 février prochains : il visitera Kinshasa, la capitale du pays.
Il y a un mois, les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo, la CENCO, se sont réunis pour leur assemblée plénière extraordinaire. À l’issue de la rencontre, raconte le cardinal congolais dans son entretien avec Radio Vatican, les évêques « ont écrit un message au peuple au titre combien évocateur: ‘l’heure est grave’ ». « Effectivement, l’heure est grave au Congo », affirme l’archevêque.
Les évêques, poursuit-il, « non seulement ont envoyé ce message, mais ils ont aussi invité tout le peuple congolais, en commençant par les fidèles catholiques, à marcher, à se tenir debout pour crier leur rejet total de ce projet de balkanisation de notre pays, pour crier leur ras le bol devant la recrudescence des conflits à l’Est, avec des morts tout le temps ».
Le cardinal constate avec joie que le message des évêques catholiques du pays a été entendu : « Je suis particulièrement heureux de constater, dit-il, que dimanche dernier (le 4 décembre, ndlr), à travers tous les diocèses du pays, à travers toutes les grandes villes, il y a eu des manifestations non seulement de catholiques, mais aussi de protestants, de tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont bien voulu répondre à l’appel des évêques. »
« Le risque de balkanisation »
« Le risque de balkanisation » est « un thème » qui préoccupe les évêques du pays, explique le card. Ambongo Besungu : « Avec la recrudescence des conflits à l’Est, surtout avec le M23 (le groupe armé – ndlr), nous avons la nette conviction qu’il y a des forces extérieures qui veulent vraiment morceler notre pays en petits États. »
En tant que « pasteurs du Congo vivant aux côtés » de son peuple, les évêques ont « fait le triste constat que la communauté internationale est complice dans ce qui s’est passé à l’Est, pour la simple raison que tout le monde sait ce qui se passe ». « Mais on fait semblant de ne pas voir », affirme le cardinal. « Nous avons même l’impression que toute la communauté internationale représentée par la Monusco au Congo (la force de l’ONU – ndlr), est impuissante devant la force de M23 soutenue par le Rwanda. C’est incroyable, inimaginable! »
L’archevêque exprime son incompréhension devant la position de la communauté internationale : « Toutes les Nations Unies réunies et qui sont impuissantes devant un petit groupe d’hommes armés, c’est incompréhensible, dit-il. C’est là que nous disons: tout le monde le sait, tout le monde voit ce qui se passe, mais on préfère jouer à la politique de l’autruche, et cela, pour le peuple congolais, c’est inacceptable. »
« Un renversement de valeurs »
Le cardinal affirme aussi que « le grand problème du Congo, c’est l’homme congolais ». « Si le Congo est malade aujourd’hui, explique-t-il, c’est parce que l’homme congolais est malade, c’est-à-dire qu’il a perdu le sens des valeurs. Il y a eu comme un renversement de valeurs. »
Selon le cardinal, « tout le monde court derrière le pouvoir, surtout le pouvoir politique qui est devenu l’unique métier que tout le monde désire ». Ainsi, poursuit-il, « on a tout abandonné : l’économie, le social… tout le reste ne compte pas, seulement la politique ! »
Pour y accéder, poursuit-il, « on est prêt à jouer les jeux de compromission, de corruption, pourvu qu’on soit au pouvoir. Et à cause de ça, la corruption a atteint un tel point que notre justice en souffre aujourd’hui » : « devant l’argent, le Congolais ne résiste pas », affirme le cardinal Ambongo Besungu.
L’épiscopat congolais : « un rôle prophétique »
« L’épiscopat congolais a toujours joué un rôle prophétique en République Démocratique du Congo », affirme le cardinal. « Voilà pourquoi, explique-t-il, les évêques, dans leur mission prophétique, lorsqu’ils se sont réunis en assemblée plénière extraordinaire, ont écrit un message au peuple. »
Face aux élections présidentielles qui auront lieu en 2023, les évêques congolais souhaitent être proches du peuple : « Notre rôle est d’être du côté de la société civile, c’est-à-dire l’observation électorale, dit l’archevêque, et nous serons là pour jouer notre rôle d’observateur électoral. Nous espérons que les élections se passeront dans de meilleures conditions, de telle sorte que le meilleur candidat élu par le peuple soit proclamé et qu’il puisse présider à la destinée de notre pays. »