S. Jean-Baptiste, Angélus du 13 déc. 2020, capture @ Vatican Media

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« L’Avent, un chemin de conversion », par Mgr Francesco Follo

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« Se convertir », c’est « retrouver son identité »

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« En ce second dimanche de l’Avent, la liturgie nous invite à la conversion qui est nécessaire pour accueillir le Royaume des cieux qui s’approche », écrit Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, dans cette méditation des lectures de la messe du dimanche 4 décembre 2023, 2ème dimanche de l’Avent.

« En se convertissant, l’homme ne se perd pas mais retrouve son identité en se libérant des aliénations qui le fascinent mais le détruisent », explique Mgr Follo. Se convertir signifie « rentrer à la maison, se réapproprier son humanité intégrale, retrouver son identité de fils, comme cela se produit dans la parabole du fils prodigue ».

Voici la méditation de Mgr Francesco Follo :

 L’Avent, un chemin de conversion

II Dimanche de l’Avent – Année A – 4 décembre 2022

Is 11,1-10 ; Ps 71 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12

  1. Attente de Dieu et conversion

En ce second dimanche de l’Avent, la liturgie nous invite à la conversion qui est nécessaire pour accueillir le Royaume des cieux[1] qui s’approche : « Convertissez-vous parce que le Royaume des cieux est proche » (Mt 3,1). Ce Royaume des cieux est Jésus lui-même, par conséquent le « proche » est le Fils de Dieu qui se fait chair dans le sein d’une femme et qui porte le salut à toute l’humanité. Ce salut apporté par le Christ et attendu par nous est justice, joie, paix, amour, vérité, bienveillance, solidarité, fraternité, rectitude, bonté.

Puisque la venue de Dieu dans notre vie est imminente, Jean le Baptiste nous demande avec énergie de nous consacrer à la pénitence qui purifie le cœur, l’ouvre à l’espérance et le rend capable de la rencontre avec Jésus qui vient dans le monde.

Mais il faut garder présent à l’esprit le fait que l’invitation à la conversion en faisant pénitence ne veut pas seulement dire vivre, pendant l’Avent, avec un style de vie plus sobre, avec une prière plus fréquente et une charité plus généreuse. La conversion appelle à un changement intérieur qui commence par la reconnaissance et la confession de son péché. En effet, se convertir indique un changement de l’esprit et du comportement et exige de reconnaître que l’on n’est pas digne que Dieu vienne habiter chez nous.

Il faut aussi garder à l’esprit le fait que la première conversion consiste dans la foi[2], qui n’est pas seulement adhésion au contenu d’un message, mais adhésion à une Personne, qui nous demande de venir dans notre vie et d’être accueillie. La conversion est donc un changement radical et profond de l’homme. Elle n’implique pas seulement un changement moral mais un changement théologique, c’est-à-dire une manière nouvelle de penser Dieu et de vivre en lui. C’est une orientation nouvelle de toute notre personne : esprit et cœur, pensée et action.

D’un côté, cette orientation au Royaume des cieux se situe dans la ligne des prophètes qui entendaient le concret de la conversion dans le détachement radical de tout ce qui, jusqu’ici, avait une valeur. De l’autre, elle va au-delà et montre que la conversion est le fait de se tourner vers le Royaume des cieux, vers une nouveauté qui se présente de façon imminente avec ses exigences et ses perspectives. Il s’agit de donner un tournant décisif à sa vie en l’orientant dans une nouvelle direction : le Royaume des cieux fonde et définit la conversion, et non une série d’efforts humains.

Pour que cette conversion arrive, faisons nôtre la prière que fait le prêtre au début de la messe de ce jour : « Dieu des vivants, suscite en nous le désir d’une conversion pour que, renouvelés par ton Saint Esprit, nous sachions appliquer dans toute relation humaine la justice, la douceur et la paix que l’incarnation de ton Verbe a fait germer sur la terre. Par notre Seigneur Jésus-Christ notre Seigneur » (Collecte du IIème dimanche de l’Avent, Année A). Alors se réalisera le vœu de saint Paul : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. Il est fidèle, Celui qui vous appelle : tout cela, il le fera » (1 Th 5,23-24).

  1. Conversion du haut des étoiles et conversion vers le haut

En ce dimanche, nous sommes appelés à aller spirituellement dans le désert, parce que l’Évangile d’aujourd’hui nous fait écouter la « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Lui, Jean, portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il avait pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage. » (Mt 3,3-4). Saint Jean-Baptiste, la voix qui annonce la Parole, est présenté comme un ascète du désert, qui porte des vêtements rugueux, qui a une ceinture de cuir autour des reins et se nourrit d’insectes. Mais s’il ne nous est pas demandé d’être des ascètes vivant la même vie dans le désert, il nous est demandé que notre conversion soit évangélique comme la sienne.

Cette conversion a au moins trois caractéristiques :

La première est la radicalité. La conversion n’est pas un changement extérieur ou partiel, mais une réorientation totale de tout l’être de l’homme. Il s’agit d’un véritable passage de l’égoïsme à l’amour, de l’attitude de tout garder pour soi au don de soi.

La seconde caractéristique est la religiosité : ce n’est pas en se confrontant à lui-même que l’homme découvre la mesure et la direction de son propre changement mais en se référant à Dieu. La première conversion (dans le sens étymologique de ‘se tourner vers pour être avec’) n’est pas celle de la personne humaine vers Dieu mais celle de Dieu vers chaque être humain. C’est un mouvement de grâce qui rend possible le changement de l’homme et en offre le modèle. Dans la nuit et dans la solitude d’une grotte, le printemps de l’humanité va arriver : le Fils de Dieu qui se fait pèlerin du haut des étoiles.

La troisième caractéristique de la conversion évangélique est sa profonde humanité. Se convertir signifie rentrer à la maison, se réapproprier son humanité intégrale, retrouver son identité de fils, comme cela se produit dans la parabole du fils prodigue.

Beaucoup de gens pensent de façon non évangélique que la conversion est comme une perte de ce qui est humain ; et, ce faisant, ils pensent que la personne humaine s’épanouit, si elle ne se convertit pas au Christ. C’est le contraire : en se convertissant, l’homme ne se perd pas mais retrouve son identité en se libérant des aliénations qui le fascinent mais le détruisent.

La conversion est un chemin constant vers le Christ pour renouveler continuellement notre « conduite céleste » par le moyen d’un nouveau désir du ciel. Changeons donc notre cœur en le rendant différent, avec le saint désir du Christ ; ainsi le ciel (le Christ) y trouvera plus d’espace.

Si nous voulons que la vie croisse, fleurisse et parvienne à maturation pour déchirer, un jour, le voile de la caducité, alors, le plus important est que cette vie plonge ses racines toujours plus profondément. Si nous voulons que la plénitude de Dieu nous remplisse de grâces, il est fondamental que notre cœur s’élargisse toujours plus, pour contenir toujours plus.

La conduite chrétienne, et donc pleinement humaine, devient plus parfaite quand elle jaillit d’un désir du ciel plus robuste : « Visite-nous, Seigneur, dans la paix : nos cœurs déborderont de joie » (cf. antienne du Magnificat, premières vêpres du IIème dimanche de l’Avent).

Cette demande « Visite-nous, Seigneur Jésus » doit être faite par tous les chrétiens et les vierges consacrées dans le monde, par le don total de soi au Christ, nous en donnent un bel exemple, grand et généreux. Elles sont conscientes que l’époux cherche sa bien-aimée et elles veillent en son attente et font leur ce passage du Cantique des cantiques : « La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient… Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. » (2,8-9). « Je dors, mais mon cœur veille… C’est la voix de mon bien-aimé ! Il frappe ! LUI – Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe » (5,2). « Je suis à mon bien-aimé, mon bien-aimé est à moi » (6,3).

Par leur consécration, ces femmes vierges montrent qu’il est possible, et que c’est source de joie, d’accueillir le Christ comme un hôte doucement attendu, comme l’époux à qui consacrer à jamais sa fidélité. Elles nous montrent avec humilité qu’il est possible de garder toujours allumées les lampes, en attendant avec amour la venue du Sauveur (cf. rituel de consécration des Vierges n° 28 : « Veillez car vous ne savez ni le jour ni l’heure. Conservez avec soin la lumière de l’Evangile, et soyez prêtes à aller à la rencontre de l’Epoux qui vient »).

À leur exemple, je souhaite que, pas seulement en ce temps de l’Avent, nous cherchions tous à être toujours attentifs à la voix du Christ et à l’aimer par-dessus tout.

 

Lecture Patristique

Saint Augustin d’Hyppone (354 – 430)

Sermon 109, 1 ; PL 38, 636. 

Nous venons d’entendre l’évangile où Jésus critique ceux qui savaient reconnaître l’aspect du ciel, mais n’étaient pas capables de découvrir le temps où il était urgent de croire au Royaume des cieux (cf. Lc 12,54). C’est aux Juifs qu’il disait cela, mais cette parole parvient jusqu’à nous. Or le Seigneur Jésus Christ lui-même a commencé ainsi sa prédication : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4,17). Jean Baptiste, son précurseur, avait commencé de la même façon : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 3,2). Et maintenant le Seigneur les blâme parce qu’ils ne veulent pas se convertir alors que le Royaume des cieux est proche, ce Royaume des cieux dont il dit lui-même qu’il ne vient pas de manière visible (Lc 17,20), et aussi qu’il est au milieu de vous (Lc 17,21).

Que chacun ait donc la prudence d’accepter les avertissements de notre Maître, pour ne pas laisser échapper le temps de sa miséricorde, ce temps qui se déroule maintenant, pendant lequel il épargne encore le genre humain. Car, si l’homme est épargné, c’est pour qu’il se convertisse, et que personne ne soit condamné.

C’est à Dieu de savoir quand viendra la fin du monde : quoi qu’il en soit, c’est maintenant le temps de la foi. La fin du monde trouvera-t-elle ici-bas l’un d’entre nous ? Je l’ignore, et il est probable que non.

Pour chacun de nous le temps est proche, parce que nous sommes mortels. Nous marchons au milieu des dangers. Si nous étions de verre, nous les redouterions moins. Quoi de plus fragile qu’un récipient de verre ? Pourtant on le conserve et il dure des siècles. Car on redoute pour lui une chute, mais non pas la vieillesse ni la fièvre. Nous sommes donc plus fragiles et plus faibles, et cette fragilité nous fait craindre chaque jour tous les accidents qui sont constants dans la vie des hommes. Et s’il n’y a pas d’accidents, il y a le temps qui marche. L’homme évite les heurts, évite-t-il la dernière heure ? Il évite ce qui vient de l’extérieur, peut-il chasser ce qui naît au-dedans de lui ? Parfois n’importe quelle maladie le domine subitement. Enfin, l’homme aurait-il été épargné toute sa vie, lorsqu’à la fin la vieillesse est venue, il n’y a plus de délai.

________________

[1] « Royaume des cieux » est une expression typique de saint Matthieu qui l’emploie trente-trois fois dans son Évangile. C’est une façon de parler juive qui, en signe de respect, substitue « cieux » au nom de Dieu. L’expression « Royaume des cieux » indique que Dieu se révèlera à tous les hommes et avec grande puissance : la puissance de l’Amour qui se donne et ne domine pas.

[2] Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica, I-IIae, q.113,a.4.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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