Mgr Francesco Follo, 17 déc. 2018 © Mgr Francesco Follo

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L’Avent : « conversion à une présence qui vient apporter la paix », par Mgr Follo

Méditation pour le 1er dimanche de l’Avent

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« Le temps de l’Avent: temps de conversion à une présence qui vient pour apporter la paix » : c’est le titre de la méditation proposée par Mgr Francesco Follo, observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco, pour ce dimanche 27 novembre 2022, premier dimanche de l’Avent.

Le temps de l’Avent: temps de conversion à une présence qui vient pour apporter la paix

1er dimanche de l’Avent – Année A – 27 novembre 2022

Is 2, 1-5; Ps 121; Rm 13, 11-14; Mt 24, 37- 44

  • La vigilance et autres dispositions.

Aujourd’hui commence le temps de l’Avent[1] qui prépare la fête de la naissance de Jésus à Bethléem. Ce bref temps liturgique, d’un peu moins de 30 jours, retrace la longue étendue des siècles écoulés dans l’attente du Rédempteur jusqu’à la plénitude des temps.

La liturgie nous aide à vivre ce temps de grâce :

Avec vigilance, c’est à dire avec l’engagement intense et convaincu de qui fait confiance à l’amour miséricordieux de Dieu et se prépare à la rencontre avec le Christ Sauveur.

            Avec la conversion du cœur, parce que sans un cœur tourné vers Dieu, l’attente, l’espérance et la joie pour la venue du Messie ne sont pas possibles.

            Avec un cœur de pauvre, non pas tant pauvre au sens économique qu’au sens biblique[2] de celui qui fait pleinement confiance à Dieu et s’appuie sur lui.

            Avec foi, vertu qui nous soutient pour accueillir, comme Marie, le Fils de Dieu fait chair pour notre salut.

            Avec espérance qui est l’attente confiante d’un bien à venir absolument bon (cf Saint Thomas d’Aquin III Sent, d. 26, q. 2, a. 1, ad 3).

            Avec piété dans la pratique de la prière qui est pendant l’Avent une affectueuse invocation à celui qui est attendu: Viens Seigneur Jésus.

            Avec joie, expression d’une attente joyeuse parce que celui qui est attendu viendra certainement. Dieu est fidèle.

J’ai placé en premier la vigilance, l’attention – c’est à dire la tension à la présence imminente du Christ – parce qu’en ce premier dimanche de préparation à la venue du Fils de l’homme dans notre vie, nous sommes invités à être vigilants. En effet la liturgie d’aujourd’hui nous propose un passage de l’Évangile dans lequel le Christ nous demande d’être attentifs aux événements pour découvrir en eux l’heure de la venue du Fils de l’homme. Le Rédempteur, pour illustrer la manière dont nous devons être attentifs aux événements, recourt d’abord à l’épisode du déluge universel à l’époque de Noé, puis se compare à un voleur qui vient dans la nuit et enfin à un maître de maison qui ne surveille pas son habitation.

Le fait de ne pas connaître le jour et l’heure de la venue du Christ doit nous convaincre de la nécessité de veiller toujours, d’être toujours prêts pour que toute notre vie soit tendue vers cette heure et ce jour. Nous devons arriver préparés à cette rencontre avec le Rédempteur, pour ne pas être pris par surprise mais prêts à accueillir Dieu qui vient sans prévenir, qui arrive quand on s’y attend le moins.

La vigilance est donc l’attitude avec laquelle nous devons vivre chaque fragment de notre vie personnelle et commune comme étant immensément précieux, ou mieux, comme étant le seul à notre disposition parce que c’est le moment présent. Quand on demanda à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, alors qu’elle était sur le point de mourir, si elle n’avait pas peur du voleur qu’elle était sur le point de rejoindre, elle répondit qu’elle l’attendait avec désir et amour. Cette sainte nous donne un exemple de sérénité vigilante dans la charité, de grande ouverture à Dieu, d’intense attente et d’adhésion à lui. La prière d’ouverture de la messe d’aujourd’hui résume bien tout cela: « O Dieu, Père miséricordieux, qui pour réunir les peuples dans ton royaume a envoyé ton Fils unique, maître de vérité et source de réconciliation, réveille en nous un esprit vigilant pour que nous marchions sur tes chemins de liberté et d’amour jusqu’à te contempler dans la gloire éternelle. Par notre Seigneur Jésus Christ. » (Collecte du premier dimanche de l’Avent – année A)

2) La conversion dans la joie.

L’Avent est le temps pendant lequel L’Église célèbre la joyeuse attente du messie ainsi que la forte et véritable certitude de l’Avent du Royaume de Dieu, qui est justice, paix et joie, sans rapport avec le boire et le manger (cf Rm 14, 17). Mais c’est seulement en retournant vers le Seigneur de tout notre cœur, dans l’attente de sa venue et de son retour, que ce Royaume de paix, de justice et de joie s’instaurera en nous et dans le monde.

La vigilance réclame la conversion pour lutter contre la somnolence, l’inattention et l’oubli. Il faut rappeler cependant que la personne vigilante ne désigne pas, comme c’est en revanche habituellement le cas dans le monde grec, la personne qui est éveillée, qui rassemble toutes ses forces et qui trouve en elle-même tout le courage nécessaire pour affronter la nuit et l’éventuel ennemi. Dans le monde biblique, vigilant désigne celui qui est éveillé, qui fait confiance à Dieu et qui s’agrippe à lui, qui s’abandonne à lui. La parole vigilante ne dit donc pas directement quelque chose à faire mais plutôt une façon de vivre et de regarder.

L’hymne de l’Avent: « Levez les yeux vers le ciel » nous fait chanter que « le salut de Dieu est proche » et nous commande : « Réveillez l’attente dans votre cœur pour accueillir le Roi de gloire ». L’impératif de regarder avec un cœur éveillé, c’est à dire avec attention et perspicacité implique la lucidité de ne pas se laisser tromper par les apparences ainsi que la clairvoyance qui nous permettra de reconnaître dans une grotte l’Enfant, « messager de paix », qui « apporte au monde le sourire de Dieu ».

Pour être bibliquement et chrétiennement vigilant, une conversion du cœur et des « yeux » est donc nécessaire. En effet sans une profonde conversion, il n’est pas possible de vivre l’attente, l’espérance et la joie pour la venue du Seigneur. L’esprit de conversion, propre à l’Avent, a des tonalités différentes de celles que réclame le Carême, même si dans ces deux périodes liturgiques, nous sommes invités à pratiquer plus intensément la prière, le jeune et l’aumône (=miséricorde). La substance essentielle est toujours la même mais, alors que le carême est marqué par l’austérité du pardon des péchés, l’Avent est marqué par la joie de la venue du Seigneur.

A cet égard le pape François enseigne. » L’Avent est un temps de joie parce qu’il nous fait revivre l’attente de l’événement le plus joyeux de l’histoire: la naissance du Fils de Dieu de la Vierge Marie. Savoir que Dieu n’est pas loin, mais proche, qu’il n’est pas indifférent mais compatissant, qu’il n’est pas étranger mais Père miséricordieux et qu’il nous suit amoureusement dans le respect de notre liberté: tout cela est le motif d’une joie profonde que les événements quotidiens ne peuvent altérer » (18 décembre 2015).

L’Avent est le temps de l’attente du Dieu éternel qui se fait présence d’amour dans le monde. Et c’est justement pour cette raison qu’il est de façon particulière le temps de la joie, d’une joie intériorisée, qu’aucune souffrance ne peut effacer. La joie parce que Dieu s’est fait enfant. Cette joie, invisiblement présente en nous, nous encourage à continuer notre chemin avec confiance.

L’Avent est par excellence le temps de l’espérance pendant lequel ceux qui croient au Christ sont invités à rester dans une attente vigilante et active, alimentée par la prière et par l’engagement actif et quotidien de l’amour.

Un exemple quotidien de vie dans l’attente du Christ dans une charité active nous vient des vierges consacrées dans le monde. En cela elles suivent l’invitation du pape émérite Benoît XVI:

« Que votre vie soit un témoignage particulier de charité et signe visible du Royaume à venir » (RCV, 30). Faites en sorte que votre personne irradie toujours la dignité du fait d’être épouse du Christ, exprime la nouveauté de l’existence chrétienne, et l’attente sereine de la vie future. Ainsi, par votre vie droite, vous pourrez être des étoiles qui orientent le chemin du monde. Le choix de la vie virginale, en effet, est un rappel du caractère transitoire des réalités terrestres et une anticipation des biens à venir. Soyez des témoins de l’attente vigilante et active de la joie, de la paix, qui est propre à qui s’abandonne à l’amour de Dieu. Soyez présentes dans le monde et cependant en pèlerinage vers le Royaume. La vierge consacrée s’identifie en effet avec cette épouse qui, avec l’Esprit, invoque la venue du Seigneur: « L’Esprit et l’épouse disent « viens »! » (Ap 22, 17). (Discours aux participants du congrès de l' »Ordo Virginum » sur le thème « Virginité consacrée dans le monde: un don pour l’Église et dans l’Église » 15 mai 2008, n.6).

Lecture patristique

Saint Paschase Radbert ( 790 – 865)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 11, 24,

PL 120, 799-800

Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure (Mt 25,13). Bien que le Seigneur parle ainsi pour tous, il s’adresse uniquement à ses contemporains, comme dans beaucoup d’autres de ses discours qu’on lit dans l’Écriture. Pourtant, ces paroles concernent tous les hommes parce que, pour chacun d’eux, le dernier jour arrivera ainsi que la fin du monde, quand il devra quitter cette vie. Il est donc nécessaire que chacun en sorte comme s’il devait être jugé ce jour-là. C’est pourquoi tout homme doit veiller à ne pas se laisser égarer, mais à rester vigilant, afin que le jour du Seigneur, quand il viendra, ne le prenne pas au dépourvu. Car celui que le dernier jour de sa vie trouvera sans préparation, serait encore trouvé sans préparation au dernier jour du monde. Je ne pense donc nullement que les Apôtres aient cru que le Seigneur viendrait juger le monde pendant leur vie; et pourtant, qui douterait qu’ils aient été attentifs à ne pas se laisser égarer, à veiller et à observer tous les conseils, donnés à tous, pour qu’ils soient trouvés préparés?

C’est pourquoi il faut toujours tenir compte d’un double avènement du Christ: l’un quand il viendra, et que nous devrons rendre compte de tout ce que nous aurons fait; l’autre, quotidien, quand il visite sans cesse notre conscience, et qu’il vient à nous afin de nous trouver prêts lors de son avènement. A quoi me sert, en effet, de connaître le jour du jugement, lorsque je suis conscient de tant de péchés? De savoir si le Seigneur vient, et s’il ne vient pas d’abord dans mon cœur et ne revient pas dans mon esprit, si le Christ ne vit pas et ne parle pas en moi?

Alors, oui, il m’est bon que le Christ vienne à moi, si avant tout il vit en moi et moi en lui. Alors pour moi, c’est comme si le second avènement s’était déjà produit, puisque la disparition du monde s’est réalisée en moi, parce que je puis dire d’une certaine manière: Le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde (Ga 6,14).

Réfléchissez encore à cette parole de Jésus : Beaucoup viendront en mon nom (Mt 24,5). Seul l’Antéchrist s’empare de ce nom, bien que ce soit mensonger; de même il présente son corps, mais sans le Verbe de vérité, et sans en avoir la sagesse. Dans aucun passage de l’Écriture, vous ne trouverez que le Seigneur ait déclaré: « Moi, je suis le Christ ». Car il lui suffisait de montrer qu’il l’était, par ses enseignements et ses miracles, parce que l’oeuvre du Père était en lui. L’enseignement de sa parole et sa puissance criaient: « Moi, je suis le Christ », plus fort que si des milliers de voix l’avaient crié.

Je ne sais donc pas si vous pourrez trouver qu’il l’a dit en paroles, mais il l’a montré en accomplissant les œuvres du Père (Jn 5,36) et en donnant un enseignement imprégné de piété filiale. Les faux messies en étant dépourvus, ils ne pouvaient employer que leurs discours pour soutenir leurs prétentions mensongères.

 

[1]L’Avent a quatre dimanches pour le rite romain et six pour le rite ambrosien. Cette année nous sommes dans l’année A selon le cycle liturgique triennal et nous serons accompagnés de l’évangile de Matthieu. Certaines caractéristiques de cet évangile sont  l’amplitude avec laquelle sont retranscrits les enseignements de Jésus (les fameux discours, comme celui de la montagne), et l’attention au rapport Loi-Évangile (l’Évangile est la « nouvelle Loi »). Il est considéré comme l’Évangile le plus « ecclésiastique » par le récit du primat de Pierre et par l’utilisation du terme Église, en grec « Ecclesia » (du verbe ekkalein qui veut dire convoquer, dont le substantif est justement ecclesia= convocation, assemblée) qui ne se rencontre pas dans les trois autres évangiles de Marc, Luc et Jean.

[2] Ce pauvre ou « anawim » comme l’appelle la Bible en hébreux, est le doux et l’humble, dont les principales dispositions sont l’humilité, la crainte de Dieu et la foi.

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Rédaction

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