Pentecôte, le don du Consolateur, par Mgr Francesco Follo

Un don mutuel

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« L’homme, en tout temps et en tous lieux, désire une vie belle et pleine, juste et bonne, une vie qui ne soit pas menacée par la mort mais qui puisse mûrir et grandir jusqu’à sa plénitude. L’homme est comme un pèlerin qui traversant les déserts de la vie, a soif d’une eau vive, jaillissante et fraîche, capable de désaltérer en profondeur son désir profond de lumière, d’amour, de beauté et de paix. Nous sentons tous ce désir ! Et Jésus nous donne cette eau vive : c’est l’Esprit Saint qui procède du Père et que Jésus déverse en nos cœurs ».

C’est ce que rappelle Mgr Francesco Follo dans sa méditation des textes de la liturgie de dimanche prochain, 5 juin 2022, solennité de la Pentecôte.

« La célébration de la Pentecôte, explique Mgr Follo, n’est pas seulement un rite qui rappelle un événement passé, c’est un geste pour accueillir le don de l’Esprit qui renouvelle la terre et nos cœurs dans la joie, dans la paix ».

Voici le texte de la méditation de dimanche 5 juin.

 

Pentecôte. Le don du Consolateur

Année C – 5 juin 2022

Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Rm 8, 8-17 ; Jn 14, 15-16.23-26

1) Ouverture et don de soi pour recevoir le Don.

La liturgie nous propose aujourd’hui pour la Solennité de la Pentecôte la lecture de l’Évangile de Saint Jean, chapitre 14, versets 15-16.23-26 qui sont extraits des discours d’adieu que Jésus fait dans l’Évangile de Saint Jean et qui vont du chapitre 13, verset 31 à tout le chapitre 17.

Le thème principal de ces discours magnifiques est l’Exode du Christ, c’est à dire « l’aller » de Jésus : « Je ne suis plus avec vous que pour peu de temps, là où je vais, vous ne pouvez venir. » (Jn 13, 33) ; « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde ; tandis qu’à présent je quitte le monde et je vais au Père. » (Jn 16, 28) ; « Mais maintenant je vais à toi, Père. » (Jn 17, 13). L’exode, l’aller de Jésus vers le Père porte aussi en lui la signification de notre aller, de notre exode, qui est notre parcours existentiel et notre parcours de foi en ce monde. En suivant et en écoutant le Christ sur ce chemin, nous apprenons à vivre en Lui, pour Lui, avec Lui et comme Lui.

C’est dans ce contexte que sont insérés les quatre versets qui sont proposés aujourd’hui dans la lecture de l’Évangile et où Jésus nous parle de l’Esprit consolateur. Pour réconforter ses disciples d’alors et aussi ceux d’aujourd’hui qui sont dans un chemin de lumière qui passe par la Croix, le Christ promet l’Esprit Saint qui est le « Consolateur » ou si l’on utilise le terme grec, le « Paraclet » ce qui veut dire « l’avocat défenseur », parce qu’il défend de Satan qui est l’accusateur. Si nous traduisions à la lettre « Paraclet », nous devrions écrire « appelé auprès », c’est à dire appelé pour être à coté de chaque disciple pour qu’il garde fidèlement la mémoire du Maître et pour qu’il ait une compréhension profonde de sa Parole ainsi que le courage tenace d’en être le témoin.

Toujours dans les quatre versets de l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus nous dit quelles sont les conditions pour accueillir l’Esprit : l’aimer Lui, écouter sa parole et observer ses commandements. S’il manque ces trois conditions, il n’y a aucune ouverture à l’Esprit et à son action en nous.

Ces trois conditions peuvent être résumées en une seule : le don complet de soi. Mère Teresa de Calcutta dirait : abandon total. A l’exemple de cette sainte et surtout de la Vierge Marie qui devint mère en s’abandonnant à l’action de l’Esprit Saint quand elle dit « Voici la servante du Seigneur », nous disons : « Qu’il soit fait selon ta parole ». Comme la Sainte Vierge, donnons-nous complètement à Dieu. Se donner à Lui c’est se donner à l’Amour qui rend notre vie féconde et heureuse.

2) La logique du don.

Au don de nous-même que nous lui faisons, le Père répond en nous donnant le Consolateur.

Ce don est précédé de l’acte d’amour du Père qui sait que nous avons besoin de consolation : « Toi, Seigneur, tu m’as scruté et tu me connais, tu connais mon coucher et mon lever ; de loin tu discernes mes projets ; tu surveilles ma route et mon gîte, et tous mes chemins te sont familiers. » (Ps 139, 1-4) Lui a vu ma misère en terre étrangère et il a écouté mon cri, il connaît en effet mes souffrances et voit les oppressions qui me tourmentent (Cf Es 3, 7-9) ; rien n’échappe à son amour infini pour moi. Pour tout cela, Il nous donne le Consolateur. Le Père est le Donateur : tout nous vient de Lui et de personne d’autre.

Si ensuite nous regardons la seconde lecture de la messe qui nous offre un extrait de la lettre de Saint Paul aux Romains (8, 8-17), nous comprenons que le don de Dieu est l’Esprit de liberté, parce qu’il nous libère de l’esclavage de la chair, c’est à dire de l’égoïsme. L’Esprit transforme le désir de l’homme : non plus les désirs de l’égoïsme, mais ceux de la charité, du don ému de soi-même. Quand nous restons enfermés dans notre égoïsme (la chair) nous percevons la loi de l’amour (la loi de Dieu) comme un poids et un esclavage. L’Esprit Saint rend saint le « désir » de l’être humain, alors la loi de la charité devient ce qu’il désire, ce à quoi il tend : la vie, la vérité et l’amour. L’Esprit Saint nous libère en nous transformant de l’intérieur, à tel point qu’il renouvelle même le rapport à Dieu : non plus esclave, mais fils. Et cela aussi est une grande liberté. Quand Saint Paul parle de fils « adoptifs », ce n’est pas pour diminuer notre filiation en la réduisant à quelque chose d’extérieur et de juridique mais pour en rappeler la gratuité. Dieu est « un abîme de paternité » (Origène), qui s’exprime en un amour intense, infini, rempli de sollicitude et de délicatesse, de tendresse et de miséricorde. Et quand le fils se rebelle contre cette paternité en cherchant à la nier, à la supprimer en s’éloignant de la maison paternelle et en gaspillant les richesses reçues comme avance sur l’héritage, la réaction du Père céleste non seulement n’est pas une réaction de colère mais témoigne d’un cœur qui s’attendrit. Dieu est un Père bon qui accueille et embrasse le fils perdu et repenti (Cf Luc 15, 11…), il donne gratuitement à ceux qui demandent (Cf Mat 18, 19 ; Mc 11, 24 ; Jn 16, 23) et il offre le pain du ciel et l’eau vive qui font vivre pour l’éternité (Cf Jn 6, 32.51.58). La paternité de Dieu est amour infini.

3) Le don de l’Esprit Consolateur.

Avec l’Ascension, le Christ ne nous a pas laissé seuls ni orphelins. Avec la Pentecôte, nous célébrons aujourd’hui le fait qu’il maintient la promesse de nous envoyer son Esprit qui nous permet d’aimer comme il aime lui. Si auparavant, il était avec nous et près de nous, désormais il sera en nous. Celui qui est aimé est la demeure de celui qui l’aime : il le porte dans son cœur, comme sa vie. Nous sommes depuis toujours en Dieu qui nous aime d’un amour éternel et paternel. Si nous l’aimons, il demeure en nous comme nous sommes en Lui. En effet Jésus dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles. Or la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père qui m’a envoyé. Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ; mais le consolateur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » (Jn 14, 23-26)

Il est juste et beau de traduire le mot d’origine grec « Paraclet » par le mot « Consolateur » (du latin cum-solo = avec le seul, parce qu’il indique l’Esprit comme celui qui « sera avec nous pour toujours » cf Jn 14, 16). L’Esprit Saint est donc consolateur parce qu’il ne nous laisse jamais seul. Qui aime et est aimé n’est jamais seul, il est avec l’autre qui l’aime.

Après nous avoir dit que ce Consolateur est toujours avec nous et pour toujours, il nous en dit le nom : Esprit de Vérité. Esprit de Vérité veut dire Esprit vrai, la vraie vie. Qu’est-ce que la vraie vie ? C’est la vie de Dieu. Qu’est-ce que la vie de Dieu ? C’est l’Amour entre le Père et le Fils.

Ce Consolateur qui nous est donné est la vraie vie de Dieu. Et la vie de Dieu est l’Amour entre le Père et le Fils qui est toujours avec nous.

Le Pape François résume ainsi cela d’une façon profonde et existentielle : « L’Esprit Saint est la source inépuisable de la vie de Dieu en nous. » L’homme, en tout temps et en tous lieux, désire une vie belle et pleine, juste et bonne, une vie qui ne soit pas menacée par la mort mais qui puisse mûrir et grandir jusqu’à sa plénitude. L’homme est comme un pèlerin qui traversant les déserts de la vie, a soif d’une eau vive, jaillissante et fraîche, capable de désaltérer en profondeur son désir profond de lumière, d’amour, de beauté et de paix. Nous sentons tous ce désir ! Et Jésus nous donne cette eau vive : c’est l’Esprit Saint qui procède du Père et que Jésus déverse en nos cœurs.

« Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » (Jn 10, 10)

En écho à cet enseignement, je propose la prière de Mère Térésa de Calcutta : « Seigneur, tu es la vie que je veux vivre, la lumière que je veux refléter, le chemin qui conduit au Père, l’amour que je veux aimer, la joie que je veux partager, la joie que je veux semer autour de moi. Jésus, tu es tout pour moi, sans toi je ne peux rien. Tu es le Pain de vie que l’Église me donne. C’est par Toi, en Toi, avec Toi que je peux vivre. »

4) Le don de l’Esprit et les vierges consacrées dans le monde.

C’est un don de l’Esprit Saint que le don virginal des vierges consacrées qui, dans la puissance de l’amour, ont su garder leur cœur tout entier pour le Christ. Il est vrai que depuis la Pentecôte, le mode de vie du Christ continue à être présent dans le mode de vie des Apôtres comme le livre des Actes nous le montre. Ce mode de vie ne disparaît même pas avec la mort des derniers apôtres : «  Tout au long des siècles, les personnes dociles à l’appel du Père et aux motions de l’Esprit Saint n’ont jamais manqué. Elles ont choisi ce chemin particulier à la suite du Christ pour se dédier à Lui d’un cœur sans partage. » (Cf 1Cor 7, 34) Elles aussi ont tout abandonné comme les apôtres pour être avec Lui et se mettre comme Lui au service de Dieu et de leurs frères. » (Vie Consacrée (VC) 1 ; cf. 14 ; 22)

Les femmes consacrées, en effet, sont appelées à vivre comme les vierges qui, à l’exemple de Marie vierge et mère, portent le Christ sur les routes du monde : elles deviennent christoformes (VC 19), c’est à dire qu’elles deviennent une icône sainte et pure. Et cela n’est possible seulement que par la force d’un don particulier de l’Esprit. (Ibid. 14).

Pour cela la personne appelée à la vie consacrée « doit ouvrir l’espace de sa propre vie à l’action de l’Esprit Saint. » (VC65)

Grâce à la puissance de l’Esprit de la Pentecôte, la personne consacrée devient profondément missionnaire, annonçant l’Évangile par une vie qui, grâce à la puissance de l’Esprit Saint, est progressivement configurée au Christ. (cf VC19)

Elles sont missionnaires de l’amour parce que la consécration les rend capable d’aimer avec le cœur du Christ (cf VC 75) et de se mettre comme lui au service des hommes.

Comme il est affirmé dans le Préambule au Rite de la Consécration des vierges : « Les vierges dans l’Église sont des femmes qui sous l’inspiration de l’Esprit Saint, font vœu de chasteté afin d’aimer plus ardemment le Christ et de servir leurs frères avec un dévouement plus libre. » (n2) Avec leur virginité consacrée, elles sont les témoins de la réalité concrète du monde invisible et spirituel et elles rappellent à nous tous la réalité du Royaume des cieux.

Lecture Patristique

Saint Léon le Grand (390 – 461)

Sermon 15, 1-3

CCL 138 A, 465-467

La solennité de ce jour, mes bien-aimés, doit être vénérée parmi les fêtes principales, tous les coeurs catholiques le savent. Nous devons assurément le plus grand respect à ce jour que l’Esprit Saint a consacré par le prodige suprême du don de lui-même.

Ce jour est en effet le dixième après celui où le Seigneur a dépassé toute la hauteur des cieux pour s’asseoir à la droite de Dieu son Père. Il est le cinquantième jour à briller pour nous depuis sa résurrection, en Jésus par qui le jour a commencé. Ce jour contient en lui-même de grands mystères, ceux de l’économie ancienne et ceux de la nouvelle. Il y est en effet clairement montré que la grâce avait été annoncée d’avance par la Loi, et que la Loi a été accomplie par la grâce.

En effet, c’est cinquante jours après l’immolation de l’agneau que jadis le peuple hébreu, libéré des Égyptiens, reçut la Loi sur la montagne du Sinaï. De même, le cinquantième jour après la passion du Christ, qui fut l’immolation du véritable agneau de Dieu, cinquante jours après sa résurrection, l’Esprit Saint fondit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants. Le chrétien attentif reconnaîtra donc facilement que les débuts de l’Ancien Testament étaient au service des débuts de l’Évangile, et que la seconde alliance fut constituée par le même Esprit qui avait fondé la première.

Car, au témoignage de l’histoire apostolique, quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient tous réunis ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent: toute la maison où ils se trouvaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint. Ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit (Ac 2,1-4).

Comme elle est rapide, cette parole de sagesse, et lorsque Dieu est le maître, comme on apprend vite ce qu’il enseigne! On n’a pas eu besoin de traduction pour comprendre, d’exercice pour pratiquer, ni de temps pour étudier. Mais, l’Esprit de vérité soufflant où il veut (Jn 3,8), les mots qui étaient propres à chacune des nations devinrent communs à tous dans la bouche de l’Église.

A partir de ce jour, la trompette de la prédication évangélique se mit à retentir. Dès ce moment, les ondées de charismes, les flots de bénédictions arrosèrent tout désert et toute terre aride parce que, pour renouveler la face de la terre (Ps 103,30), l’Esprit de Dieu était porté sur les eaux (Gn 1,2). Pour chasser les anciennes ténèbres, une lumière nouvelle jetait des éclairs. De l’éclat des lampes étincelantes naissaient et le Verbe du Seigneur qui illumine, et la parole enflammée qui, pour créer l’intelligence et consumer le péché, a le pouvoir d’illuminer et la force de brûler.

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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