Card. Hollerich © capture Zenit / Vatican Media

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« La synodalité c’est chercher ce qui nous construit ensemble comme Peuple de Dieu », par le card. Hollerich (texte complet)

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« Un discernement pour que je n’instrumentalise pas le processus synodal »

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« La synodalité c’est entrer dans un « nous » toujours plus grand, c’est chercher ce qui nous construit ensemble comme communauté, comme Peuple de Dieu », a fait observer le cardinal Jean-Claude Hollerich S.J., Rapporteur général du synode 2021-2023, lors de la session inaugurale, samedi 9 octobre, dans la salle du synode, en présence de quelque 200 délégués de 4 continents.

Il a mis en garde contre le danger de toute manipulation: « Toute la dynamique du Synode doit être une offrande. Cette dynamique d’offrande ouvre nos oreilles à l’écoute, nous aide à vivre un vrai discernement pour que je n’instrumentalise pas le processus synodal pour mes propres fins, pour mes buts d’une Eglise telle que moi je la rêve et la désire, mais pour que mon rêve d’Eglise devienne notre rêve d’Eglise grâce à l’apport de mes sœurs et de mes frères. »

Voici le texte de l’intervention du cardinal l’archevêque de Luxembourg, président de la COMECE, prononcée en anglais.

AB

Cardinal Jean-Claude Hollerich S.J.

Rapporteur général du synode 2021-2023

 

Mon intervention est appelée salutation, je voudrais donc vous saluer tous ensemble ; évêques, prêtres, consacrés, laïcs, chrétiens de tous les continents, chrétiens assidus, chrétiens en marge de l’Eglise, chrétiens progressifs et chrétiens conservateurs… jeunes et ainés, hommes et femmes de toutes générations, sœurs et frères en recherche de Dieu, ou, simplement curieux.

En fait, ce n’est pas moi qui devrais vous saluer, nous devrions tous nous saluer les uns les autres.

Saluer quelqu’un signifie se rendre compte de sa présence, saluer quelqu’un signifie laisser l’autre entrer dans ma vie, signifie me laisser déranger pour une rencontre. Une Eglise synodale est une Eglise relationnelle, une Eglise de la rencontre.

Des rencontres nous les aurons, au niveau de différents groupes, au niveau des diocèses, au niveau des conférences épiscopales, au niveau des continents et finalement l’Assemblée Générale avec les pères synodaux en Octobre 2023 dans cette même salle. Nos rencontres ne sont pas des rencontres ponctuelles, mais des rencontres qui prévoient une durée dans le temps. Prendre du temps les uns pour les autres, marcher ensemble.

Quand on marche ; il faut que quelqu’un choisisse une direction de marche. Ce rôle incombe à l’Esprit Saint. Nous connaissons ces modes de procéder : parfois, comme à la Pentecôte, il est manifeste et remplit nos cœurs de joie et de clarté, une clarté qui éclaire et définit notre route. Bien plus souvent il nous laisse conduire notre route par des petites pièces d’un puzzle, un puzzle avec beaucoup de couleurs qui proviennent de tous mes frères et sœurs. Alors nous avons devant nous un devoir de discernement ; il faut choisir les bonnes pièces les unes après les autres, dans un certain ordre, avec la participation de tous.

C’est un puzzle gigantesque, où tous et chacun peuvent participer, en particulier les plus pauvres, les sans- voix, ceux qui sont aux périphéries. Si nous excluons des joueurs, le puzzle ne sera pas complet. C’est le Saint Esprit qui inspire nos interventions et qui nous mène à un accomplissement.

Quelques-uns de vous se diront : Oui, mais c’est ainsi que commencent les tentations du Malin, qui ne veut pas voir l’Eglise du Christ marcher ensemble.

Permettez-moi de donner quelques exemples de ces tentations. La liste n’est pas exhaustive, elle s’inspire, vous vous en doutez, de mon expérience personnelle.

« C’est une bonne idée, mais je n’ai pas le temps. J’ai mon agenda rempli. Quelqu’un d’autre devra le faire à ma place. »

« Cela semble une bonne idée, mais ce n’est pas sérieux. Nous connaissons la structure de l’Eglise et la vérité de son enseignement. » N’est-ce pas un moyen de nous faire avaler des changements déjà bien décidés en avance ?

« C’est une bonne idée, mais le temps est trop court, alors moi je ne ferai rien. »
« J’aime bien écouter l’opinion de quelques-uns, mais écouter l’expérience de tous ? Quelle utopie ! »

« Je ne veux pas de changement, les changements dérangent ma vie et mes plans pastoraux. » Je suis sûr que chacun de vous pourra compléter ma liste des tentations.

Nous allons donc commencer un chemin ensemble, une Eglise, un chemin où les bergers doivent écouter la voix des brebis.

L’écoute : l’écoute de la présence de Dieu, l’écoute, une démarche humble. Cela va à contresens d’une société comme la nôtre, où il faut se montrer, où il faut se réaliser soi-même. L’écoute est un passage d’un « moi » à un « nous ». L’écoute est une qualité divine.

Je dois avouer que je n’ai encore aucune idée de l’instrument de travail que je suis appelé à écrire. Les pages sont blanches, à vous de les remplir. La seule chose que je peux dire c’est que je ne m’y mettrai pas seul, un instrument de travail sur la synodalité ne peut venir que d’un travail d’un travail d’équipe « Où deux ou trois sont réunis dans mon nom, je serai au milieu d’eux ». Il s’agit d’un synode des évêques mais désormais pensé et proposé comme un processus impliquant tout le Peuple de Dieu. Car le processus synodal a non seulement un point de départ, mais également un point d’arrivée dans le Peuple de Dieu, sur lequel doivent, à travers le rassemblement de l’Assemblée des Pasteurs, se répandre les dons de grâce accordés par l’Esprit Saint. (cf EC7)

Permettez-moi donc de m’adresser à mes frères évêques.

Au moment de notre ordination on a tenu l’évangéliaire au-dessus de nos têtes ; pourtant nous ne proclamons pas l’évangile, nous écoutons l’évangile, proclamé par le diacre, la crosse en main. Nous écoutons l’évangile proclamé par celui qui est ordonné aux ministères des tables, des ministères des services concrets.

Nous ne sommes pas les maîtres de l’Evangile, nous en sommes les serviteurs. Notre écoute doit toujours inclure notre conversion à l’évangile, de l‘évangile qui est en même temps la parole vivante du Christ et la parole de l’Eglise. L’évêque peut seulement proclamer la Parole de Dieu dans son homélie après avoir été à l’écoute du Christ et de l’Eglise. C’est cette même attitude d’écoute qui caractérise notre rôle dans le chemin synodal.

Si nous voulons que l’Evangile du Christ en nous devienne action, nous devons passer par la prière. Des moments de silence ouvrent nos cœurs à l’écoute. Nous nous exposons à l’amour de Jésus qui fait fondre nos résistances.

Le chemin synodal en diocèse devra être ouvert par une prière vraie et profonde. Seule la prière peut nous mener à une attitude intérieure d’ouverture et de disponibilité (ce que l’on appelle l’indifférence) et à la paix pour faire des choix dans la liberté.

Prions pour une vraie communion. La communion avec Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, nous ouvre à la communion de l’Eglise. La communion avec Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, nous empêchera de faire du Synode un débat politique où chacun se bat pour son agenda. Voilà pourquoi notre chemin conduira à l’étape à travers laquelle notre Pape tirera les conclusions basées sur le Document Final du Synode des évêques qui sera le fruit de tout ce processus d’écoute et de discernement qui s’ouvre ce WE pour l’ensemble du Peuple de Dieu.

Nous pouvons y voir l’Eglise hiérarchique en œuvre. Nous pouvons aussi y voir une garantie pour la catholicité, c’est-à-dire de l’universalité du Synode, une garantie que nous ne sommes pas seulement en chemin avec un groupe d’amis, qui pensent comme moi. Pour revenir à l’image du puzzle, le puzzle ne sera complet que quand les joueurs des différents continents, des différentes réalités ecclésiastiques auront mis leur pièce.

La communion est la garantie de la participation et de la participation universelle.

La communion sans mission de durera pas dans le temps. Comme le Christ Jésus est envoyé par son Père, nous sommes envoyés. Avant d’entamer notre mission, il faut s’assurer du temps et de l’espace qui nous sont communs.

Nous allons vivre un moment de discernement en spirale vers le haut : d’une petite communauté vers le moment synodal mondial en passant par différentes étapes dans l’espace et le temps, un passage d’un

« moi » vers un « nous » toujours plus grand. Le discernement personnel s’élargit à un discernement communautaire et deviendra à la fin un vrai discernement ecclésial.

Chaque passage de niveau demande un retour à l’indifférence initiale. En effet, le discernement propre à chaque personne s’élargit, change tout en gardant l’apport d’un chacun et d’une chacune. Chaque passage de niveau demande un moment d’offrande, où chacun et tous peuvent ouvrir leurs mains et tout remettre au maître de la moisson.

C’est à Lui que nous remettons les fruits de notre écoute, de nos entretiens, de nos prières, de nos délibérations et de nos décisions. C’est un moment suprême de liberté spirituelle pour que Dieu puisse confirmer notre chemin.

Toute la dynamique du Synode doit être une offrande. Cette dynamique d’offrande ouvre nos oreilles à l’écoute, nous aide à vivre un vrai discernement pour que je n’instrumentalise pas le processus synodal pour mes propres fins, pour mes buts d’une Eglise telle que moi je la rêve et la désire, mais pour que mon rêve d’Eglise devienne notre rêve d’Eglise grâce à l’apport de mes sœurs et de mes frères. La synodalité c’est entrer dans un « nous » toujours plus grand, c’est chercher ce qui nous construit ensemble comme communauté, comme Peuple de Dieu.

Ce n’est pas en restant assis que nous pourrons discerner la volonté du Père. C’est en marchant ensemble que nous rencontrerons bien des carrefours et que nous devrons faire nos choix.

L’Eglise n’est pas autoréférentielle, elle est communion profonde, qui demande la participation de tous et est envoyée en mission.

Oui, c’est Dieu le Père qui devra accepter nos choix et qui nous envoie en mission.

Je souhaite à vous tous un bon chemin synodal et priez pour moi pour que je puisse bien remplir ma mission de rapporteur général de ce Synode.

 

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Rédaction

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