« On ne peut plus agir seul, l’implication de chacun est fondamentale pour le soin des autres et de l’environnement », fait remarquer le pape François ce lundi 4 octobre à l’occasion de la rencontre « Foi et Science : vers la COP26 », qui rassemble des scientifiques et responsables religieux du monde entier. Cet engagement, a-t-il précisé, doit être « continuellement sollicité par le moteur de l’amour ».
La rencontre « Foi et Science : vers la COP26 », organisée ce lundi 4 octobre 2021 au Vatican, par le Saint-Siège et par les ambassades d’Italie et de Grande-Bretagne près le Saint-Siège, en vue de la désormais imminente rencontre des Nations Unies sur le climat, qui se tiendra à Glasgow (Ecosse) du 1er au 12 novembre prochains.
Le pape a remis son discours aux participants, mais il a lu seulement l’introduction.
Le pape François y propose de réfléchir à trois concepts : « le regard de l’interdépendance et du partage, le moteur de l’amour et la vocation au respect ».
Le pape souligne en particulier que ce respect « n’est pas une simple reconnaissance abstraite et passive de l’autre » ; il « est vécu d’une manière empathique et active, en voulant connaître l’autre et entrer en dialogue avec lui pour cheminer ensemble sur cette route commune ».
HG
Discours du pape François (traduction officielle)
Chefs et Représentants religieux,
Excellences,
Chers amis !
Merci à tous d’être réunis ici, votre présence met en lumière le désir d’un dialogue approfondi, entre nous et avec les experts scientifiques. Je me permets de vous offrir trois concepts afin de réfléchir sur cette collaboration : le regard de l’interdépendance et du partage, le moteur de l’amour et la vocation au respect.
1.Tout est lié, dans le monde tout est intimement lié. La science, mais aussi nos fois et nos traditions spirituelles, mettent en évidence ce lien qui existe entre nous et le reste de la création. Nous reconnaissons les signes de l’harmonie divine présente dans le monde naturel : aucune créature ne se suffit à elle-même ; chacune n’existe que dans la dépendance des autres, pour se compléter mutuellement, au service l’une de l’autre.[1] Nous pourrions presque dire que chacune est donnée aux autres par le Créateur, pour que, dans une relation d’amour et de respect, elles puissent grandir et se réaliser pleinement. Les plantes, les eaux, les êtres animés sont guidés par une loi imprimée en eux par Dieu pour le bien de toute la création.
Reconnaitre que le monde est interconnecté signifie non seulement comprendre les conséquences nocives de nos actions, mais aussi identifier les comportements et les solutions qui doivent être adoptés avec un regard ouvert à l’interdépendance et au partage. On ne peut plus agir seul, l’implication de chacun est fondamentale pour le soin des autres et de l’environnement, un engagement qui conduit à un changement de cap si urgent, et qui doit aussi être nourri par sa propre foi et sa propre spiritualité. Pour les chrétiens, le regard de l’interdépendance jaillit du mystère même du Dieu Trinitaire : « En effet, plus la personne humaine grandit, plus elle mûrit et plus elle se sanctifie à mesure qu’elle entre en relation, qu’elle sort d’elle-même pour vivre en communion avec Dieu, avec les autres et avec toutes les créatures. Elle assume ainsi dans sa propre existence ce dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé en elle depuis sa création ».[2]
La rencontre d’aujourd’hui, qui unit de nombreuses cultures et spiritualités dans un esprit de fraternité, ne fait que renforcer la conscience que nous sommes membres d’une même famille humaine : nous avons chacun notre foi et notre tradition spirituelle, mais il n’y a pas de frontières ni de barrières culturelles, politiques ou sociales qui nous autorisent de nous isoler. Pour éclairer ce regard nous voulons nous engager pour un avenir façonné par l’interdépendance et la coresponsabilité.
2.Cet engagement doit être continuellement sollicité par le moteur de l’amour : « A partir de l’intimité de chaque cœur, l’amour crée des liens et élargit l’existence s’il fait sortir la personne d’elle-même vers l’autre ».[3] Cependant, la force propulsive de l’amour n’est pas “mise en mouvement” une fois pour toutes, mais elle doit être ravivée de jour en jour. C’est l’une des grandes contributions que nos fois et traditions spirituelles peuvent apporter pour faciliter ce changement de cap dont nous avons tant besoin.
L’amour est le reflet d’une vie spirituelle vécue intensément. Un amour qui s’étend à tous, au-delà des frontières culturelles, politiques et sociales ; un amour qui intègre, aussi et surtout les derniers, qui sont souvent ceux qui nous apprennent à dépasser les barrières de l’égoïsme et à briser les murs du moi.
C’est un défi qui se pose face à la nécessité de contrer cette culture du rebut, qui semble prévaloir dans notre société et qui repose sur ce que notre Appel conjoint appelle les “semences de conflits : cupidité, indifférence, ignorance, peur, injustice, insécurité et violence”. Ce sont ces mêmes semences de conflit qui causent les blessures graves que nous infligeons à l’environnement telles que le changement climatique, la désertification, la pollution, la perte de biodiversité, conduisant à la rupture de « l’alliance entre l’être humain et l’environnement, qui doit être le reflet de l’amour créateur de Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons ».[4]
Ce défi en faveur d’une culture du soin de notre maison commune, et aussi de nous-mêmes, a une saveur d’espérance, car il ne fait aucun doute que l’humanité n’a jamais eu autant de moyens pour atteindre cet objectif qu’aujourd’hui. Ce même défi peut être relevé à plusieurs niveaux, je voudrais en souligner deux en particulier : celui de l’exemple et de l’action, et celui de l’éducation. Sur ces deux plans, nous pouvons, inspirés par nos croyances et nos traditions spirituelles, apporter des contributions importantes. De nombreuses possibilités se dessinent, comme le souligne d’ailleurs l’Appel conjoint, qui indique également divers parcours d’éducation et de formation que nous pouvons développer en faveur du soin de notre maison commune.
3.Ce soin est aussi une vocation au respect : respect de la création, respect du prochain, respect de soi et respect du Créateur. Mais aussi le respect mutuel entre la foi et la science, pour « entrer dans un dialogue en vue de la sauvegarde de la nature, de la défense des pauvres, de la construction de réseaux de respect et de fraternité ».[5]
Un respect qui n’est pas une simple reconnaissance abstraite et passive de l’autre, mais qui est vécu d’une manière empathique et active, en voulant connaître l’autre et entrer en dialogue avec lui pour cheminer ensemble sur cette route commune, sachant bien que, comme le dit encore l’Appel, “ce que nous pouvons accomplir dépend non seulement des opportunités et des ressources, mais aussi de l’espérance, du courage et de la bonne volonté”.
Le regard d’interdépendance et de partage, le moteur de l’amour et la vocation au respect. Voici trois clés de lecture qui me semblent éclairer notre travail pour le soin de la maison commune. La COP 26 à Glasgow est appelée de toute urgence à offrir des réponses efficaces à la crise écologique sans précédent et à la crise des valeurs dans lesquelles nous vivons, et à offrir ainsi une espérance concrète aux générations futures : nous souhaitons l’accompagner de notre engagement et de notre proximité spirituelle.
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[1] Cf. Lettre Encyclique Laudato sί’, n. 86.
[2] ibid., n. 240.
[3] Lettre Encyclique Fratelli tutti, n. 88.
[4] Benoît XVI, Lettre Encyclique Caritas in veritate, n.50.
[5] Lettre Encyclique Laudato sί’, n. 201.