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Eteindre « la mèche de l’antisémitisme »: rencontre avec des représentants de la communauté juive

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Le pape cite longuement le poète juif hongrois Miklos Radnoti

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C’est dans le contexte très particulier de l’histoire de la communauté juive de Hongrie, exterminée à 80% par la barbarie nazie pendant la Shoah, que le pape François a lancé un avertissement contre l’antisémitisme, ce dimanche 12 septembre 2021 à Budapest. Le pape a aussi présenté ses voeux pour les fêtes d’automne Rosh HaShana et Yom Kippour qui tombe cette semaine.

Le pape a en effet rencontré des représentants d’autres confessions chrétiennes et de la communauté juive de Hongrie aux Musée des Beaux Arts de Budapest, entre sa rencontre avec les autorités du pays et la messe de conclusion du Congrès eucharistique international.

Le pape a spécialement remercié le rabbin Radnóti, rabbin principal de Mazsihisz, qui l’a accueilli: « Je vous vois comme des frères dans la foi d’Abraham notre père, et merci à vous [rabbin Zoltán Radnóti], pour ces paroles si profondes qui m’ont touché le cœur. J’apprécie beaucoup l’engagement dont vous avez fait preuve afin d’abattre les murs de séparation du passé. Juifs et chrétiens, vous désirez voir dans l’autre non plus un étranger, mais un ami ; non plus un adversaire, mais un frère. C’est le changement de regard béni par Dieu, la conversion qui ouvre de nouveaux départs, la purification qui renouvelle la vie. Les fêtes solennelles de Rosh Hashanah et du Yom Kippour, qui tombent justement en cette période-ci, et pour lesquelles je vous présente mes meilleurs vœux, sont des occasions de grâce pour renouveler l’adhésion à ces invitations spirituelles. Le Dieu de nos pères ouvre toujours de nouvelles voies : de même qu’il a transformé le désert en une voie vers la Terre Promise, de même il désire nous conduire des déserts arides de la haine et de l’indifférence vers la patrie tant désirée de la communion. »

Le pape a évoqué des « projets de paix »: « Ce n’est pas un hasard si, dans l’Ecriture, ceux qui sont appelés à suivre de manière spéciale le Seigneur doivent toujours sortir, marcher, rejoindre des terres inexplorées et des espaces inédits. Pensons à Abraham qui a laissé maison, parenté et patrie. Celui qui suit Dieu est appelé à quitter. Il nous est demandé de laisser les incompréhensions du passé, les prétentions d’avoir raison et de donner tort aux autres, pour nous mettre en chemin vers sa promesse de paix, car Dieu a toujours des projets de paix, jamais de malheur. (cf. Jr 29, 11). »

Plus encore, après les tragédies passées, le pape a invité à la « fraternité »: « Je voudrais reprendre avec vous l’image évocatrice du Pont des Chaînes, qui relie les deux parties de cette ville : il ne fusionne pas celles-ci mais les maintient unies. C’est ainsi que doivent être les liens entre nous. Chaque fois qu’il y a eu la tentation d’absorber l’autre, on n’a pas construit mais on a détruit. De même lorsqu’on a voulu le mettre dans un ghetto, au lieu de l’intégrer. Que de fois c’est arrivé dans l’histoire ! Nous devons veiller, nous devons prier pour que ça ne se reproduise plus. Et nous engager à promouvoir ensemble une éducation à la fraternité« .

Une fraternité qui puisse éteindre « les relents de la haine qui veulent la détruire ». Le pape a fustigé l’antisémitisme, invité à en éteindre la moindre étincelle: « Je pense à la menace de l’antisémitisme qui circule encore en Europe et ailleurs. C’est une mèche qui doit être éteinte. Mais le meilleur moyen de la désamorcer c’est de travailler ensemble de manière positive, c’est de promouvoir la fraternité. Le Pont nous instruit encore : il est soutenu par de grandes chaînes, formées de nombreux anneaux. Nous sommes ces anneaux et chaque anneau est fondamental : c’est pourquoi nous ne pouvons plus vivre dans la suspicion et dans l’ignorance, distants et discordants. »

Le pape a évoqué la lumière répandue par le poète juif hongrois Miklós Radnóti (Miklós Glatter) assassiné le 9 novembre 1944, et dans une poche, on a retrouvé l’un de ses derniers poèmes :  « Je pense aussi avec émotion à de nombreuses figures d’amis de Dieu qui ont irradié sa lumière dans les nuits du monde. Je cite, entre autres, un grand poète de ce pays, Miklós Radnóti, dont la carrière brillante a été brisée par la haine aveugle de ceux qui, seulement parce qu’il était d’origine juive, lui ont d’abord interdit d’enseigner et l’ont ensuite enlevé à sa famille. »

Le pape a souligné comment il est resté poète même dans l’abomination du camp: « Enfermé dans un camp de concentration, l’abîme le plus obscure et dépravé de l’humanité, il a continué à écrire des poésies jusqu’à sa mort. Son Carnet de Bor est l’unique recueil poétique qui a survécu à la Shoah : il témoigne de la force de croire à la chaleur de l’amour dans le froid du lager et d’illuminer l’obscurité de la haine avec la lumière de la foi. L’auteur, étouffé par les chaînes qui lui oppressaient l’âme, a trouvé dans une liberté supérieure le courage d’écrire : « Captif, de tout espoir j’ai appris la mesure » (Carnet de Bor, Lettre à sa femme). Et il a posé une question qui résonne encore pour nous aujourd’hui : « Et toi comment vis-tu ? Trouve-t-elle écho, ta voix, dans cette époque ? » (Carnet de Bor, Première Eglogue). Nos voix, chers frères, ne peuvent que se faire l’écho de cette Parole que le Ciel nous a donnée, écho d’espérance et de paix. Et même si nous ne sommes pas écoutés, ou si nous sommes incompris, ne démentons jamais par les faits la Révélation dont nous sommes témoins. »

Commentant une de ses poésies, le pape François a invité à cultiver les « racines » et la mémoire: « A la fin, dans la solitude désolée du camp de concentration, alors qu’il se rendait compte que sa s’en allait, Radnóti a écrit : « Moi-même je suis racine à présent… J’étais une fleur, je suis devenu racine » (Carnet de Bor, Racine). Nous sommes appelés, nous aussi, à devenir des racines. Nous cherchons souvent les fruits, les résultats, l’affirmation. Mais celui qui fait fructifier sa Parole en terre, avec la même douceur que la pluie qui fait germer le champ (cf. Is 55, 10), nous rappelle que nos chemins de foi sont semences : des semences qui se transforment en racines souterraines, des racines qui alimentent la mémoire et font germer l’avenir. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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